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«Il faut donner la chance aux jeunes diplômés pour accompagner cette effervescence créative»

Paru dans les éditions La Croisée des Chemins, l’ouvrage «Un désir de culture» d'Ahmed Massaia met l’accent sur l’importance du volet culturel et la nécessité de le soutenir en faisant participer plusieurs départements et des personnes qualifiées. L’auteur offre sa recherche sur l’action culturelle au Maroc à toute une jeunesse désireuse de culture.

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Le Matin : Est-ce que le Maroc possède dans sa gouvernance une vision sur la culture ?
Ahmed Massaia : Ceux qui disent que l’État marocain n’a jamais eu une vision sur la culture se trompent. Parce que d’abord, notre pays a une richesse énorme au niveau culturel. Il est complètement impensable que l’État ne puisse pas prendre en considération sa vision sur la culture. Puis, on oublie souvent que la culture au niveau politique et idéologique est transversale. Elle concerne tous les secteurs de la vie économique et sociale. Immanquablement, la culture est présente dans toutes les décisions prises par le pouvoir dans tous les domaines.

Pensez-vous qu’il y ait toujours eu une vision claire vis-à-vis de cette culture ?
Depuis l’indépendance jusqu’à aujourd’hui, on peut partager cette période en deux. Une première période, des années 50 jusqu’au début des années 80, avec une vision idéologique de la culture où l’État tenait absolument à asseoir les bases d’une idéologie arabo-musulmane, excluant (sans le dire) toutes les autres dimensions culturelles. Une lutte acharnée est apparue dans les années 70 entre le pouvoir et l’intelligentsia du Maroc. L’État ne disait pas expressément que je vais mettre l’accent sur telle ou telle culture. Mais, il y a une attitude assez intelligente et subtile pour exclure tel courant culturel plutôt qu’un autre.Par exemple, il y a eu, dans les années 70, l’interdiction de la revue, la plus importante dans le temps, «Souffle». Au niveau des ministres qui se sont succédé, on peut dire que chacun avait une vision idéologique assez particulière encourageant tel art plutôt qu’un autre. Mais, toujours suivant des directives venant d’en haut, des lettres royales, des recommandations… Il y a des gens qui donnent des orientations suivant lesquelles travaille le gouvernement. La deuxième période est départagée entre la droite et la gauche avec l’instauration de la politique de l’alternance et la vision de démocratisation de la culture. C’est-à-dire l’installation des festivals dans toutes les régions du Royaume et la prise en considération de la spécificité de chaque région. Donc, on ne peut pas dire que le Maroc n’a jamais eu de vision politique claire vis-à-vis de la culture. Elle est peut-être sournoise, mais elle est présente. D’autant plus que la culture est très importante, même si on l’oublie souvent.

Sur quoi vous êtes-vous basé pour mener vos investigations sur l’action culturelle au Maroc ?
Tout simplement en faisant des recherches très approfondies qui m’ont pris beaucoup de temps. N’empêche que j’ai ma vision des choses dans ce livre. J’ai un point de vue personnel. Mais, j’ai été fidèle à l’histoire. J’ai rassemblé les données de chaque discipline et j’ai demandé, à chaque fois, l’avis d’un spécialiste. C’est-à-dire à quelqu’un qui connaît mieux que moi le domaine. Par exemple, pour tout ce qui concerne les arts plastiques, je me suis adressé au critique Farid Zahi. Pour le volet musical, j’ai fait appel au spécialiste de la musique, Ahmed Aydoun. J’ai fait en sorte de respecter tout ce qui a un rapport avec l’histoire, arguments à l’appui.

Y a-t-il déjà eu des écrits sur l’action culturelle au Maroc ?
Un seul livre d'Amina Touzani (il y a une quinzaine d’années) et un doctorat qui n’a jamais été publié (un ouvrage très important sur la politique culturelle) qui date d’une vingtaine d’années. Donc, il fallait actualiser les choses, rectifier d’autres. Puis, c’est un domaine très vaste qu’il ne faut pas négliger. D’ailleurs, cet ouvrage n’est que la première partie. La seconde abordera l’état des lieux de l’action culturelle, en focalisant mon attention sur le ministère de la Culture et son fonctionnement interne.
Ce ministère qui n’arrive pas encore à moderniser son action au niveau social et économique, malgré les efforts du ministre actuel, Mohamed Amine Sbihi. Un homme de culture qui a grandi dans un milieu culturel. Il a une grande volonté. Mais, il lui manque des gens pour mener les projets à bon port. Il faut un changement au niveau des personnes. Surtout celles qui n’ont rien à voir avec la culture. Nous avons, actuellement, une jeunesse qui a des diplômes, de l’énergie pour travailler et une vision particulière des choses sur ce qui se passe dans le monde culturel. Il faut lui donner cette chance pour s’éclater et accompagner notre jeunesse marocaine dans sa folie créatrice. Car, elle seule peut comprendre ses désirs et ses aspirations. Donc, nous avons besoin d’une machine interne et d’un ministre pour soutenir la culture avec force, convaincre tous les départements pour y participer. Sachant que la culture est l’un des éléments les plus importants dans le développement économique et social de notre pays. 

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