Le sidérurgiste Maghreb Steel est au bord du gouffre. En août dernier, l’entreprise a dû licencier 350 personnes sur un effectif de plus de 2 000. «La décision a enclenché de fortes tensions sociales et si les mesures antidumping venaient à tarder encore, ces licenciements pénibles et douloureux devraient continuer et l’usine connaîtra des périodes d’arrêt plus ou moins longues, voire un arrêt total», avertit le top management de l’entreprise.
Ce signal de détresse est adressé au ministère de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technologies qui devrait, à en croire Othman Benmlih, directeur général de la société, prononcer le plus tôt possible son verdict pour l’application des droits additionnels sur les importations de tôle galvanisée et laminée à froid.
«Les importations de ces deux produits ont augmenté respectivement de 225 et 238% entre 2011 et 2012. Ce qui a engendré des pertes pour l’entreprise», déplore Benmlih. Le DG affirme que les conclusions de l’enquête ouverte par le département du Commerce extérieur à la demande de Maghreb Steel confirment le dumping sur les importations provenant de la Turquie et de certains pays de l’Union européenne tels que l’Espagne, l’Italie, la Belgique et les Pays-Bas. Ce que nous n’avons pas pu vérifier auprès du ministère, notre requête étant restée sans réponse.
«L’enquête a été initiée à la demande de Maghreb Steel dès novembre 2012. Si le volet investigation est actuellement bouclé, aucune décision n’a été prise à ce jour, malgré de nombreuses lettres de rappel insistant sur le caractère d’urgence des mesures à adopter. De plus, les ventes des mois de juillet et août derniers ont été catastrophiques et nous nous attendons à ce que la reprise en septembre ne profite qu’aux importations», développe Benmlih.
La question qui taraude l’esprit du top management du groupe est : combien de temps pourra encore tenir Maghreb Steel dans ces conditions ? «Tardant à prendre des mesures antidumping, la tutelle met chaque jour un peu plus en péril la survie de notre société», s’inquiète la direction générale.
Le sidérurgiste, qui a engrangé 2,7 milliards de dirhams de chiffre d’affaires en 2012, serait incapable de rééditer ce niveau. Au premier semestre 2013, son CA frôle 1,4 milliard, mais sur l’ensemble de l’année, la moisson s’annonce moins bonne.
Le problème, souligne Benmlih, c’est que l’entreprise ne peut compenser la perte de revenus sur le marché domestique avec l’export. «Nous avons réalisé en 2012 près de 43% de notre chiffre d’affaires à l’export. Nos ventes sont plutôt marginales en Afrique, notre clientèle étant plutôt en Europe où sévit la crise», indique le DG. Pour cette filiale du groupe Sekkat, l’avenir de toute la filière serait menacé. «Maghreb Steel a réalisé au cours de ces dernières années, sans doute, le plus important investissement industriel privé au Maroc. Alors que l’investissement était lancé, la crise mondiale a fortement touché la sidérurgie et le prix de l’acier. L’impact au Maroc s’est traduit par un afflux d’importations sans précédent», souligne Benmlih. En fait, alors que l’équipe dirigeante s’attendait à des marges plantureuses, les performances de la société ont été mises à mal. Déjà en 2011, les ventes n’avaient atteint que 34% de l’objectif fixé. Un écart qui s’est encore accentué en 2012. «Les actionnaires ont dû réinjecter des fonds faisant passer le capital de 900 millions à 2,4 milliards de dirhams. Le reste a été financé par des crédits bancaires», rappelle Benmlih.
Les efforts des actionnaires et des banques auront permis, selon le DG, de boucler l’investissement et maintenir l’activité. Seulement voilà, «les pratiques de dumping et l’ouverture des frontières fragilisent aujourd’hui le spécialiste national des tôles d’acier laminées à chaud sur son marché intérieur et handicapent ses résultats», soutient le top management. «Les banques partenaires nous ont réitéré leur soutien début août dernier à travers la signature d’un protocole d’accord qui nous donne plus de visibilité sur le financement de l’activité», ajoute Benmlih. Rappelons qu’en avril 2012, Maghreb Steel a inauguré son complexe de Chellalate (Mohammedia) pour un investissement de 5,7 milliards de dirhams. L’unité comprend un laminoir à chaud de bobines, un laminoir à chaud de tôle forte et une aciérie électrique sur une superficie de 55 ha, ainsi qu’un laminoir à froid sur 30 ha.
