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La révolution libyenne synonyme de peur

Pour des centaines d'immigrés africains sub-sahariens survivant dans des abris de fortune aux abords de Tripoli, la révolution libyenne n'a apporté ni espérance ni liberté, mais la peur, la faim et le désespoir.

La révolution libyenne synonyme de peur
Les Noirs africains de Tripoli dans une mauvaise passe, la révolution libyenne n'a apporté ni espérance ni liberté, mais la peur, la faim et le désespoir. (Photo : AFP)
Dans le port de pêche à l'abandon de Sidi Bilal, à environ 25 kilomètres de la capitale, plus de 600 travailleurs immigrés vivent à l'ombre de couvertures accrochées à des épaves de bateaux, se nourrissant de maigres portions de riz bouilli au feu de fois, dans l'attente d'aide alimentaire.

«On survit à peine ici», témoigne Bright Adams, ouvrier nigérian de 33 ans arrivé en Libye en 2008. «Il n'y a pas de nourriture, pas d'eau potable, pas de sécurité. Nous avons besoin d'aide».

Comme des milliers d'autres immigrés sub-sahariens, Bright Adams est venu en Libye pour occuper des emplois dont les Libyens ne voulaient pas. Et au racisme ordinaire des années Kadhafi s'ajoute désormais l'hostilité ouverte d'une partie de la population qui les assimile aux mercenaires ayant combattu dans les rangs des forces loyales au colonel déchu.

«Nous sommes venus ici pour travailler, faire les boulots dont les Libyens ne voulaient pas. Et maintenant, ils nous haïssent et nous attaquent», ajoute désabusé l'ouvrier nigérian, arrivé comme la plupart de ses compagnons d'infortune à Sidi Bilal après la prise de Tripoli par les forces du Conseil national de transition (CNT).

Le 13 septembre, Amnesty International avait pointé du doigt les combattants du CNT pour avoir commis des abus sur les immigrés sub-sahariens.

«Le CNT est confronté à la tâche difficile de contrôler les combattants de l'opposition et les groupes d'autodéfense responsables de graves atteintes aux droits de l'Homme, y compris d'éventuels crimes de guerre, mais se montre réticent à les tenir pour responsables», indiquait Amnesty.

Des pro-CNT «ont enlevé, détenu arbitrairement, torturé et tué d'anciens membres des forces de sécurité, soupçonnés de loyauté envers Kadhafi, et capturé des soldats et des ressortissants étrangers soupçonnés à tort d'être des mercenaires se battant pour Kadhafi», selon Amnesty.

Les nouvelles autorités libyennes ont, également, peu fait pour corriger l'affirmation erronée selon laquelle les hommes originaires d'Afrique sub-saharienne étaient des mercenaires, déplore Amnesty.

Plus récemment, une mission de l'Onu chargée d'enquêter sur les violations des droits de l'Homme a, également, fait part de son inquiètude sur des informations faisant état d'arrestations massives d'«Africains noirs soupçonnés d'être des mercenaires pro-Kadhafi».

Plusieurs travailleurs immigrés réfugiés dans l'ancien port de pêche assurent que des combattants du CNT ont pillé leurs logements, volé leurs biens et confisqué leurs passeports.

Bright Adams s'insurge qu'on puisse le prendre pour un mercenaire : «on n'a rien à voir avec ça. On est venu ici pour travailler, pas pour faire la guerre».

Selon des immigrés, les sévices se poursuivent jusque dans le camp. Des hommes armés débarquent de nuit, détruisent les abris, volent le peu qui reste à voler.

Les femmes sont, comme bien souvent, la cible de ces hommes armés. «Parfois les 'rebelles' viennent et prennent des filles pour les violer», raconte Loveth Olokhora, Nigériane de 23 ans qui travaillait auparavant comme femme de ménage à Benghazi (est). «Ils peuvent faire ce qu'ils veulent de nous», ajoute-t-elle.

Dans le camp, Simon Burroughs, de Médecins sans frontières (MSF) explique que son ONG fournit de la nourriture aux immigrés mais pas en quantité suffisante.

Pourtant, malgré la peur et la faim, nombre d'entre eux disent vouloir rester en Libye et retrouver un emploi.

Marvis Osayogie, mécanicien nigérian de 33 ans, raconte que des combattants du CNT ont pris son passeport et volé toutes ses économies. «J'ai laissé ma famille au Nigeria pour venir ici travailler pour elle. Maintenant, j'ai tout perdu. Comment rentrer les mains vides à la maison?».
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