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De la prisonnière magnifique à la candidate

Icône magnifique détenue par la junte birmane, Aung San Suu Kyi était apparue marginalisée fin 2010 à sa libération.

De la prisonnière magnifique à la candidate
Depuis qu'elle est entrée en campagne, la lauréate du prix Nobel de la paix, 66 ans, attire des foules en délire, dont les regards trahissent un espoir immense. (Photo : AFP)

Les réformes l'ont depuis transformée en un acteur politique majeur, à deux doigts d'entrer au Parlement avec la bénédiction du pouvoir.

Depuis qu'elle est entrée en campagne, la lauréate du prix Nobel de la paix, 66 ans, attire des foules en délire, dont les regards trahissent un espoir immense. «Nous pensons qu'elle peut vraiment tout changer, plus que quiconque», a admis à l'AFP Ashin Munida, moine bouddhiste, en l'écoutant à Kawhmu près de Rangoun, où elle brigue un siège de députée aux partielles de dimanche.

Peu auraient parié sur un tel scénario en novembre 2010, lorsque la frêle et altière silhouette, qui symbolise depuis plus de vingt ans la résistance à la junte, était apparue à la tombée de la nuit, au-dessus des grilles de sa résidence décatie de Rangoun.

Libérée après plus 15 ans de privation de liberté, dont sept consécutifs, celle qui fut parfois comparée à Nelson Mandela, au pouvoir après 27 ans dans les geôles sud-africaines, semblait bien loin d'un destin politique. Mais à la faveur de la dissolution de la junte en mars 2011 et de l'arrivée au pouvoir d'anciens généraux réformateurs, sa Ligue nationale pour la démocratie (LND), un temps dissoute, est redevenue légale et briguera 44 des 45 sièges en jeu. «Il n'y a pas de doute qu'Aung San Suu Kyi sera élue, à moins d'une fraude majeure qui semble improbable», assure Richard Horsey, expert indépendant de la Birmanie.

Dans les chancelleries occidentales, l'heure est à l'euphorie sur les chances de réussite, sans un coup de feu, d'un «printemps birman». Mais selon les analystes, c'est Suu Kyi elle même qui décidera du moment opportun de lever les sanctions.

Depuis vingt ans, la fille du héros assassiné de l'indépendance, le général Aung San, incarne seule la résistance à l'oppression. Quitte à en faire oublier les autres franges de l'opposition, pourtant bien vivantes, et la fondamentale impasse dans laquelle sont enfermées les minorités ethniques.

En 1990, la LND avait remporté 392 des 485 sièges en compétition. Mais les généraux avaient refusé de s'incliner. Celle que les Birmans surnomment la «Dame» était alors déjà privée de liberté.

En septembre 2007, la figure gandhienne était sortie en pleurs de sa maison délabrée pour saluer des moines manifestant contre l'oppression. En novembre 2010, elle était réapparue rayonnante et libre, mais sans marge de manoeuvre.

Depuis, elle a été invitée dans la capitale Naypyidaw pour s'entretenir avec le président Thein Sein. Rien moins qu'un adoubement officiel, une invitation à tourner la page d'une confrontation stérile, pour revenir au premier plan. «C'est bon pour leur image», résume Toe Zaw Latt, directeur du bureau de Bangkok de la Democratic Voice of Burma, groupe de médias birman en exil. «Aung San Suu Kyi peut convaincre la Communauté internationale (...) qu'ils font des réformes».

Née le 19 juin 1945, Suu Kyi a été élevée dans les meilleures écoles de Rangoun avant de poursuivre ses études en Inde -où sa mère était ambassadrice- puis à Oxford. Elle épouse en 1972 un universitaire britannique, Michael Aris, avec qui elle aura deux enfants. Elle revient en Birmanie en avril 1988 au chevet de sa mère malade et n'en repartira plus. En plein soulèvement populaire, elle prononce un premier discours public en août, qui transperce le coeur des Birmans par une force et une dignité qui ne se démentiront pas dans l'épreuve.

La répression fera quelque 3.000 morts. Mais l'icône était née. Soutenue par un Occident sous le charme, elle restera en Birmanie en 1999, tandis que son mari mourait d'un cancer en Grande-Bretagne, de crainte de ne jamais pouvoir revenir.

Si elle est élue dimanche, elle devra changer les choses de l'intérieur. «Elle sera en mesure de pousser pour les réformes probablement plus ouvertement que jamais en Birmanie», estime Trevor Wilson, un ancien ambassadeur australien en Birmanie. 

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