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La science a-t-elle fabriqué un monstre ?

La création dans un laboratoire néerlandais d'un virus mutant de la grippe aviaire potentiellement ravageur, a provoqué l'émoi de gouvernements occidentaux et réalimenté, par médias interposés, le fantasme d'une pandémie incontrôlable comme celle décrite dans le film «Contagion».

La science a-t-elle fabriqué un monstre ?
Un homme désinfecte un élevage de poulets, à Ho Chi Minh ville, au Vietnam. (Photo : AFP)
Un laboratoire néerlandais dirigé par le Pr. Ron Fouchier, au centre médical Erasmus de Rotterdam, a annoncé en septembre avoir créé un virus mutant de la grippe aviaire H5N1 potentiellement capable, pour la première fois, de se transmettre facilement entre humains.

Le H5N1 est redoutable chez l'homme car mortel à 60% mais ne s'est jamais transmis entre hommes par voie aérienne ce qui explique qu'il n'a fait jusqu'à présent qu'un peu moins de 350 morts.

Il est en revanche très vivace chez les palmipèdes et se transmet facilement à la volaille d'élevage qui à son tour peut infecter des personnes vivant à son contact.

«Nous avons découvert» que la transmission du virus entre les hommes «est effectivement possible et peut se faire plus facilement que ce que nous pensions», a annoncé le Pr Fouchier.

«En laboratoire, il a été possible de changer le H5N1 en virus (...) qui peut facilement se répandre dans l'air,» a expliqué le chercheur néerlandais dans un communiqué.

Cette annonce faite en septembre lors d'un rendez-vous de spécialistes à Malte serait passée inaperçue sans les doutes émis aux Etats-Unis sur l'opportunité de publier de tels résultats dans la grande revue de référence du pays Science.

«Autoclave»
Un comité consultatif américain a gelé la parution de l'article, le temps d'évaluer s'il pourrait «être utilisé de façon malveillante pour créer une menace biologique».

«A côté, l'anthrax ne fait pas peur du tout» s'inquiétait en novembre le journal populaire britannique Daily Mail.

En attendant, le centre Erasmus a lui aussi bloqué toute communication : «Nous attendons la décision américaine (...) pour le moment il est impossible de parler à nos chercheurs», explique-t-on.

Vendredi à Paris, la question du «supervirus H5N1» a été l'objet d'intenses discussions lors d'une réunion de ministres de la Santé des pays occidentaux, après une série d'articles alarmistes sur le sujet depuis fin novembre.

«C'est une question dont nous avons beaucoup parlé», a indiqué le ministre français de la Santé, Xavier Bertrand, à l'issue d'une rencontre de l'Initiative mondiale sur la sécurité sanitaire (GHSI), groupe d'échanges d'informations sur les menaces sanitaires qui réunit pays du G7, Mexique, Commission européenne et Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Les ministres se sont interrogés avec la directrice générale de l'OMS, Margaret Chan sur le bien-fondé de ce type de recherche et la manière d'en communiquer les résultats.

«Cette recherche est tout à fait légitime, c'est important de savoir si ce virus a la capacité de devenir contagieux chez le mammifère ou pas, c'est même fondamental», tranche Jean-Claude Manuguerra de l'Institut Pasteur.

Le hic est que pour répondre à cette question «il a fallu générer un virus potentiellement plus dangereux que ce qui existait avant», explique-t-il à l'AFP.

Une façon de clore le débat serait de passer le virus à l'autoclave pour le détruire.

Quant à la possibilité pour des bioterroristes de reproduire en laboratoire le virus tueur en se basant sur la communication du Pr Fouchier: «ce sont des technologies extrêmement compliquées. Les laboratoires qui sont capables de le faire se comptent sur les doigts de deux voire quatre mains dans le monde».

De plus, une fois lâché dans la nature, il est loin d'être certain que ce virus garderait son caractère dangereux car «passant à l'homme il muterait à toute vitesse», selon Manuguerra.
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