Ce mercredi 15 février constitue une date marquante dans ce que l’on appelle les relations devenues complexes entre le Maroc et l’Union européenne. Une manière de test par temps difficiles. Le Parlement européen est appelé à voter l’accord de coopération agricole de libre-échange, négocié durant des mois maintenant, avec le Royaume du Maroc. Les esprits n’ont cessé de s’agiter et, quelle qu’en soit l’issue du vote, une étape nouvelle est appelée à être franchie. Elle justifie à la fois l’optimisme que suscite le Statut avancé, accordé il y a trois ans au Maroc, et le scepticisme surgi après la non-reconduction de l’accord de pêche. S’il est une façon de caractériser aujourd’hui la coopération bilatérale entre le Maroc et l’Union européenne, nous dirions volontiers qu’elle est sous tension. La crise économique, financière et sociale, synonyme de récession, n’autorise pas a priori l’optimisme.
L’accord de libre-échange agricole met en place un mécanisme de libéralisation du commerce des produits agricoles qui porte à conséquence au niveau des agriculteurs marocains. Lesquels, s’ils ne s’en réjouissent pas outre mesure, ne peuvent en revanche qu’être rassurés et confortés. La négociation menée du côté marocain n’a rien laissé au hasard, elle s’est souciée de défendre mordicus leurs intérêts, à moyen et long termes. Elle reste attachée à l’esprit et à la doctrine du Plan Maroc Vert lancé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI et adopté en 2008. Autrement dit, la mise en œuvre d’une stratégie axée sur la mise à niveau durable de l’agriculture marocaine, sa valorisation et sa modernisation technologique afin de lui permettre l’accès aux marchés extérieurs et leur conquête. Sans compter l’autre dimension consubstantielle de promotion inhérente du monde rural, de lutte contre la pauvreté et, ce qui n’est pas le moindre signe, la fixation des populations rurales.
Le développement solidaire, deuxième volet important du Plan, concerne la majorité des exploitants, soit 5 à 6 millions, concentrés dans des régions difficiles.
L’une des particularités de ce Plan est le soutien solidaire apporté délibérément à la petite agriculture à travers un mécanisme financier dédié, notamment par le biais du Crédit Agricole, aux paysans. L’objectif est d’accompagner efficacement la conversion des cultures vivrières vers des cultures durables à fort potentiel et meilleur revenu. Il convient de souligner qu’un tel aspect a constitué l’un des axes majeurs des négociations maroco-européennes, les délégués marocains en faisaient à vrai dire une priorité intangible. Face aux détracteurs et aux lobbies opposés à l’accord de libre-échange, le Maroc, encore une fois, a apporté la preuve de son volontarisme. Il peut se prévaloir d’acquis, en termes de valorisation et de reconversion : le Plan Maroc Vert intègre les populations rurales les plus fragiles dans des systèmes économiques viables et durables, il leur donne la possibilité d’accroître de manière significative et durable leurs revenus. Quelque 550 projets solidaires ont été identifiés, dans ce cadre, mobilisant à moyen terme une enveloppe de pas moins de 2 milliards d’euros, et 106 d’entre eux ont été lancés d’ores et déjà au profit de 220.000 petits exploitants pour un investissement de plus de 500 millions d’euros.
À la fois dans le but de conforter et accompagner un tel mouvement en crescendo, il a été lancé une Agence pour le développement agricole, destinée à promouvoir l’investissement dans le secteur, avec l’objectif d’atteindre à l’horizon 2020 le montant global de 150 milliards de dirhams, ensuite un Office national de la sécurité sanitaire des produits alimentaires. Ces instances sont venues conforter une réforme institutionnelle et législative qui est à l’agriculture nationale ce que le pilier est à l’édifice.
Fort de telles avancées, s’inscrivant volontairement dans une double perspective, de libéralisation et de concurrence efficiente, le Maroc renforce ainsi les mécanismes de la petite agriculture avec une rédhibitoire détermination de la hisser au niveau des marchés internationaux, notamment européens.
Avec à la clé la création de partenariats régionaux capables de donner leur vrai sens aux échanges, de valoriser les atouts des territoires et des populations et de générer des filières porteuses.
Notre pays a donc mis en place les structures et la politique visionnaire pour mettre à niveau son agriculture et s’inscrire dans une dynamique de compétitivité et d’efficacité. L’Union européenne, dont le partenariat politique et économique avec le Maroc constitue le modèle, doit comprendre et mesurer, outre de tels efforts, sa volonté d’aller de l’avant avec son soutien.
