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Comment expliquer le sacrifice aux enfants ?

À la veille de Aïd Al Adha, le même débat est relancé. Faut-il autoriser ou pas les enfants à assister à la cérémonie d'égorgement du mouton ? Tous les parents souhaitent que leur enfant assiste à la cérémonie du sacrifice, mais ils craignent que ce dernier soit traumatisé à cause du sang.

Comment expliquer le sacrifice aux enfants ?
Durant l'Aïd, les enfants peuvent s'attacher à l'animal et mal vivre son sacrifice. Les plus âgés peuvent être mieux préparés au rite du sacrifice.

Aïd Al Adha est une fête qui fait partie de notre identité en tant que musulmans et qui nous rappelle l’histoire du prophète Sidna Ibrahim et de son fils Ismaïl quand un mouton est descendu du ciel pour être sacrifié à la place du fils du prophète.

C’est donc avant tout une fête qui fait plaisir aux enfants, qui se réjouissent chaque année, au point que certains parents vont jusqu’à s’endetter pour pouvoir acheter le mouton et faire ainsi plaisir à leurs bambins.
Cependant, après l’achat de l’animal, les parents commencent à se poser la question : est-ce qu’il faut permettre à son enfant d’assister à la cérémonie du sacrifice ou pas ? Ils ont peur que leur bambin ne garde en tête que la brutalité de l’acte de l’égorgement.

Loin des propos de certains psychologues occidentaux qui stigmatisent les traditions musulmanes et prennent cette cérémonie pour un acte de barbarie, il faut se rappeler que cette fête est un rituel religieux qui se perpétue de génération en génération et qui fait partie de la culture et des traditions musulmanes et marocaines. C’est également une occasion pour la famille de se réunir.
Elle constitue donc pour les enfants une fête agréable et de satisfaction où ils revoient leurs cousins et leurs proches et s'amusent avec eux, et où le mouton est la vedette.
Il est vrai que certains enfants peuvent mal vivre cette expérience, mais il s’agit surtout des enfants très jeunes ou encore très sensibles.

Les spécialistes expliquent justement cela par leur jeune âge, ils n’ont pas la maturité nécessaire pour comprendre l’importance religieuse de cet acte et passer de ce fait au-delà de l’égorgement en lui-même. Assister à l’égorgement du mouton peut également s’avérer traumatisant pour certains enfants qui ont noué une relation avec l’animal.

Cette relation, quelle que soit la durée durant laquelle elle s’établit, est souvent privilégiée et pleine de tendresse.
Donc à la vue de l’immolation de la bête, certains enfants sont tellement traumatisés qu’ils refusent après de manger la viande du mouton et parfois cela peut durer toute une vie.
Il incombe donc aux parents de savoir qui parmi leurs enfants est le plus sensible et qui peut assister sans problème. En effet, l’idéal serait d’éloigner un enfant sensible au moment de l’abattage et ne jamais le forcer à assister s’il ne veut pas.

Comme il est impossible de prévoir un choc chez l’enfant, les spécialistes insistent sur le fait qu’il faut épargner les enfants qui sont encore trop jeunes, parce que malgré son symbole religieux, l’immolation est une scène violente. Et les enfants, surtout lorsqu’ils sont jeunes, n’ont pas la maturité psychique pour comprendre la signification de cet acte.

Donc, même si l'enfant se montre curieux, les parents doivent être vigilants, ils sont les mieux placés pour savoir si celui-ci pourra supporter ou non cette scène. Et le plus important, encore une fois, est de ne pas le forcer au cas où il refuserait. 


Témoignage

Sara, 32 ans,maman de Yasmine, 6 ans

«J’ai peur que ma fille soit traumatisée par la vue du sang»

«Chaque année, à l’approche de l’Aïd El Kébir, ma fille Yasmine insiste pour assister à la cérémonie du sacrifice le jour de la fête, mais à chaque fois je refuse. C’est une enfant qui aime beaucoup les animaux et elle s’attache toujours au mouton de l’Aïd, c’est pourquoi je crains qu’elle vive mal cette expérience. Dès qu’on achète le mouton, elle passe son temps libre à s’amuser avec lui, le caresser le chevaucher, lui donne du foin… cette année encore elle veut assister à la cérémonie je ne sais toujours pas ce que je dois faire. J’ai peur qu’elle soit traumatisée à la vue du sang et de l’égorgement de l’animal. Tout le monde me dit que je n’ai pas le droit de la priver d’assister à ce moment important et que c’est à elle de décider après si elle veut revoir cette scène ou non, mais moi je sais que ma fille est très sensible. Il lui arrive de pleurer rien qu’en voyant un chat ou un chien qui boite, alors je n’ose même pas imaginer sa réaction, si elle voit le mouton se faire égorger.»


Explications

Imane Haddouche, coach

«Les enfants peuvent développer plusieurs phobies à partir du sacrifice du mouton»

À l'approche de Aïd Al Adha, les parents se posent toujours la question de savoir s'il faut permettre ou interdire à l'enfant d'assister à l'égorgement du mouton. Qu'en pensez-vous ?
Il est clair que pour des enfants en bas âge, cela peut être une expérience traumatisante. Les enfants émotionnellement empathiques peuvent créer, à cette occasion, un lien direct (qu’ils ne faisaient pas avant) entre la nourriture dans leur assiette et la provenance de cette nourriture. Cela peut provoquer un rejet de la viande et un refus d’en consommer pendant longtemps, et peut entraîner d’autres questionnements par rapport à la nourriture en général, et plusieurs rejets d’aliments jugés douteux par eux. Ils peuvent aussi développer plusieurs phobies à partir de cet événement. Les enfants plus robustes et plus enclins à la violence y trouveront une occasion de valider leurs tendances et banaliser les actes de violence. Le rôle de tout parent est de protéger son enfant de scènes et de réalités pour lesquelles il n’est pas encore préparé. Certains parents, sous prétexte que l’enfant souhaite participer et demande activement d’assister à l'égorgement, laissent faire. Ce n’est pas parce que votre enfant souhaite jouer à des jeux vidéo violents ou demande de voir un film d’horreur ou d’action qui ne correspond pas à son âge que vous allez l’autoriser à le faire. Pour les jeunes adultes, plus grands, et surtout plus préparés, qui comprennent le cadre religieux et le contexte culturel du rituel, on peut éventuellement les impliquer petit à petit.

Comment préparer son enfant à la cérémonie ?
Malheureusement, à travers les années, les fêtes religieuses ont peu à peu été vidées de leur sens. Il est du rôle des parents de transmettre certains bons côtés des rites. Il faut redonner à cette fête, comme aux autres, tout son sens, axé sur la joie, le partage, l’abnégation, la foi, la gratitude, les visites familiales, le pardon… beaucoup de valeurs qui se perdent pour laisser la place, comme dans tous les autres domaines de notre vie, à la consommation, la surconsommation, les achats, la vantardise… Il faut acheter aux enfants de nouvelles tenues, en prévoyant ce budget quelques mois à l'avance, puis les emmener faire la prière de l’Aïd, leur donner des plateaux de galettes et de crêpes marocaines à distribuer aux voisins, les emmener rendre visite aux membres de la famille, les impliquer dans la distribution de viande ou d’aliments ou de tenues pour des personnes qui n’en ont pas les moyens, leur passer leurs amis au téléphone pour leur souhaiter une bonne fête et leur expliquer que cette fête est l’occasion de renouer avec ceux qu’on a perdus de vue ou avec lesquelles on a eu des malentendus. Il faut aussi avoir une pensée pour ses camarades et ses maîtresses, et pas besoin de se ruiner, un bon cake au chocolat fait maison ou un plateau de gâteaux fera l’affaire… Préparer son enfant à la cérémonie, c’est redonner à cette fête religieuse tout son sens en transmettant les vraies valeurs de la religion.

Faut-il forcer l'enfant s'il ne veut pas assister à l'égorgement ?
Mis à part qu’il est indiqué de ne pas forcer l’enfant à quoi que ce soit, ici il est vraiment déconseillé de forcer un enfant à vivre ce qui peut s’avérer être une expérience traumatisante pour lui. Non seulement il ne faut pas l’obliger à le faire, mais il est recommandé de l’en dissuader s’il en présente la demande et insiste pour y assister. Un enfant n’a pas la même conception des choses qu’un adulte, nous voyons les mêmes choses, mais nous les interprétons différemment. Il suffit que je vous présente un cas réel, où une fillette a commencé à fuir son papa, à faire des cauchemars, et à refaire pipi au lit parce qu’elle déduit une seule chose de la fête d'Al Adha, c’est que son papa était capable de violence, avait un gros couteau, et pouvait tuer.

Comment se comporter lors de la fête avec les enfants atteints d'une phobie du sang ?
La phobie du sang engendre plusieurs symptômes, allant des palpitations, vertiges, nausées jusqu’à l’évanouissement. Il est donc recommandé de tenir les enfants atteints de cette phobie loin des coulisses de la fête. Heureusement que la fête ne se limite pas à cela, et qu’il y a toute une dimension religieuse et sociale à faire découvrir aux enfants, et d’autres valeurs plus importantes à leur transmettre.

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