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Ilias Selfati fait sa «Sangrita» à Casablanca

Dès demain vendredi et jusqu’au 10 mai à la galerie Shart de Casablanca, Ilias Selfati présente «Sangrita» (de l’espagnol transfusion), une série de peintures et de dessins qui figent une réalité terrifiante. Natif de Tanger, Ilias Selfati vit à Paris et expose à l’international. Il revient au Maroc avec une exposition poignante et forte en émotions.

Ilias Selfati fait sa «Sangrita» à Casablanca
Les tableaux sont forts, dans les tons noir, gris et blanc, rappelant les images douloureuses, imprimées dans nos esprits grâce aux documentaires et aux archives de guerres.

Brillant élève de la célèbre École des beaux-arts de Tétouan, Ilias Selfati prend son envol et acquiert, au fil du temps, une notoriété internationale. Son talent, il s’en sert pour raconter le monde, sa réalité, ses failles et l’éternel recommencement. «Sangrita» se compose d’une série de peintures et de dessins qui représentent des scènes d’une violence extrême. Des scènes de guerre, des avions de chasse, des soldats armés, des victimes… «Je pense que je fais partie de ces artistes qui réveillent ce travail sur la guerre, sur l’histoire. L’histoire, ça nous apprend qu’on n’a finalement rien appris puisque nous faisons la même chose depuis cinquante ans, tout se répète sans cesse», explique l’artiste.

L’art est fait pour provoquer des émotions, mais il est là aussi pour témoigner d’une réalité douloureuse. Les tableaux sont forts, dans les tons noirs, gris et blancs, ils rappellent les images douloureuses, imprimées dans nos esprits grâce aux documentaires et aux archives de guerres. Les armes sont très présentes dans cette exposition, une façon pour l’artiste de dénoncer le marché de l’arme et ses conséquences sur le monde. «Même si des accords ont été signés pour diminuer ou interdire les armes, ça continue. En Afrique, on trouve des enfants de sept ans avec des armes…», déplore Ilias Selfati. De l’art engagé comme on l’aime, fort dans le message, mais sensible dans les traits. Le bouleversant retour d’Ilias Selfati en terre natale, à voir et à revoir jusqu’au 10 mai à la galerie Shart de Casablanca. 


Questions à : Ilias Selfati Artiste-peintre

«Les artistes vivent de mieux en mieux au Maroc»

Vous exposez au Maroc, mais pour le moment vous n’envisagez pas un retour définitif en terre natale. Est-ce que la condition des artistes au Maroc vous effraie ?
J’ai besoin de cette liberté, le peintre ne doit pas forcément s’installer quelque part, il doit pouvoir bouger librement. Je ne sais pas si un jour je reviendrais m’installer au Maroc.
Le statut de l’artiste a avancé, il y a des artistes qui vivent très bien. Même si elle est assez récente, on a une vraie histoire de la peinture dans le monde arabe. Les artistes arabes font partie des premiers à avoir exposé à l’extérieur de leurs frontières. Les gens connaissent notre histoire et c’est important. Les artistes vivent de mieux en mieux au Maroc. Partout où on va, au Maroc, en Espagne, en France, il y a plusieurs catégories d’artistes, des connus, des moins connus, des pas connus du tout. Chaque cas est différent et c’est une décision personnelle de vouloir ou non rentrer au Maroc.

À ceux qui pensent que c’est forcément mieux ailleurs, que leur dites-vous ?
Moi je respecte le choix des artistes qui veulent aller voir ailleurs, mais il ne faut pas croire que l’herbe est plus verte ailleurs. On s’imagine qu’en quittant le Maroc pour l’Europe, on va trouver l’Eldorado, mais c’est complètement utopique, cet Eldorado n’existe pas. Il y a une globalisation, il y a des gens qui suivent, d’autres qui ne suivent pas. Il y a des gens qui s’intéressent, d’autres pas. La France a plus d’histoire que nous, plus de budgets, plus de musées. Les gens sont conscients de leur histoire, de leur culture, mais même à Paris, il y a des gens qui ne s’intéressent pas à l’art et qui n’ont aucune culture artistique. Tout le monde n’est pas très «éduqué» et très «raffiné» comme on l’imagine, à tort. Qui achète l’art ? Ceux qui ont les moyens. Donc quelque part, l’art est élitiste, où qu’on soit dans le monde.

Aujourd’hui, vous êtes épanoui, vous vivez à Paris et votre travail séduit le monde entier. Quel est votre secret ?
Moi, j’ai eu de la chance. Après les beaux-arts de Tétouan, je me suis inscrit à l’École des beaux-arts de Madrid, j’ai eu beaucoup de chance. J’ai eu un visa rapidement alors qu’en arrivant, je ne savais pas combien de temps je resterais. J’avais beaucoup d’ambition, mais j’ai eu de la chance de toujours trouver un moyen de me débrouiller. J’étais au bon endroit au bon moment. Et j’ai la chance de m’intégrer assez rapidement là où je vais. Ce n’est pas évident de quitter son pays natal, de débarquer quelque part et de se faire accepter et de réussir à s'intégrer. Il faut comprendre les codes, les mentalités et il faut comprendre les attentes des gens pour qu’ils adhèrent à votre travail. J'ai pu facilement atteindre mon objectif, car j’ai eu de bonnes bases lors de mon apprentissage. Il ne faut pas croire qu’en faisant de la peinture, tout le monde va t’ouvrir sa porte, t’aider et te respecter. Avant de se faire un nom, on passe par de la souffrance et on traverse des moments difficiles. Il faut de l’ambition et être prêt à apprendre en permanence.

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