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Le Code du travail divise toujours les partenaires sociaux, dix ans après son entrée en vigueur

Dix ans après son adoption, le Code de travail est passé au crible hier et aujourd’hui à Rabat par les partenaires économiques et sociaux. Objectif : évaluer la portée de son application, les points forts, mais aussi les carences constatées. Des acteurs gouvernementaux, syndicats et membres du patronat se sont adonnés à cet exercice plutôt délicat. Plusieurs insuffisances ont été relevées.

Le Code du travail divise toujours les partenaires  sociaux, dix ans après son entrée en vigueur
Gouvernement et acteurs sociaux sont d'accord sur la nécessité d'actualiser certaines dispositions du Code du travail. Ph. Kartouch

Patronat, syndicats et responsables gouvernementaux se sont donné rendez-vous hier à Rabat afin d’évaluer la mise en œuvre du Code du travail, dix ans après son adoption. Il s’agit surtout de relever les points forts, mais aussi et surtout les insuffisances qui se sont fait jour au fil de l’application du texte. Un exercice loin d’être de tout repos. Des critiques ont été émises de part et d’autre et même du côté du gouvernement.

En effet si les acteurs gouvernementaux ont été unanimes à souligner l’importance de ce Code dans la régulation des relations du travail, ils ont relevé par ailleurs quelques déficiences au niveau de sa mise en œuvre. «Si la “Moudawana” a permis d’améliorer les relations de travail et clarifier les droits et les devoirs des ouvriers et des employeurs, force est de constater que sa mise en œuvre a montré plusieurs lacunes. Certaines dispositions ambigües supportent plusieurs interprétations souvent contradictoires, ce qui va à l’encontre de la nature du texte juridique qui devra se caractériser par l’adaptation, l’harmonisation et l’efficacité», souligne le ministre d’État Abdellah Baha, qui a choisi de ne pas faire dans la dentelle, appelant dans ce sens les différents acteurs à faire une deuxième lecture du Code du travail à la lumière des nouvelles dispositions apportées par la Constitution. «La bonne déclinaison du Code de travail est tributaire de la mise en œuvre des dispositions consacrées par la loi fondamentale et qui portent notamment sur le renforcement de la liberté de la pratique syndicale, la promotion des conventions collectives ainsi que l’institutionnalisation du droit à la grève», ajoute le même responsable.

L’ambigüité de certaines dispositions a été relevée aussi du côté du patronat. Le représentant de la CGEM, Majid Iraqui, a déploré cela dans son discours. D’après lui, certaines dispositions du Code du travail ne sont pas claires et donnent lieu à plusieurs interprétations qui provoquent litiges et conflits sociaux. «Les chefs d’entreprises ont besoin d’un cadre juridique qui prévoit des dispositions claires et souples qui permettent à l’entreprise de s’adapter rapidement aux différentes conjonctures économiques mondiales. L’entreprise n’a pas l’intention d’ignorer le Code du travail, mais elle a besoin d’un environnement social serein et des textes juridiques clairs, accessibles à tout le monde et adaptés au contexte marocain», relève-t-il.

Outre cette critique que l’ensemble des acteurs semble partager, les syndicats dénoncent, pour leur part, la non-application du Code du travail par de nombreuses entreprises. «Il est désolant de savoir que seuls 15% des dispositions du Code du travail sont appliquées», déclare Abderrahim Remah, représentant de la Fédération démocratique du travail. Les syndicats pointent du doigt également la non-application des clauses relatives à l’hygiène et la sécurité, à la mise en place de comités d’entreprise et la durée du travail prévues dans le cadre de l’article 184 ainsi que les dispositions ayant trait à la couverture sociale et médicale.

Les centrales syndicales s’accordent, par ailleurs, sur la nécessité de multiplier les conventions collectives. «Ces conventions s’avèrent d’une grande importance et peuvent parfois remplacer le Code du travail dans la mesure où elles permettent de mettre en place certaines réglementations spécifiques relatives aux secteurs où les dispositions du travail demeurent vagues et contribuent à améliorer les dispositions prévues dans le Code du travail, notamment en matière de conditions de travail ou encore en matière de garanties sociales des salariés. Or le Maroc ne compte que 35 conventions collectives conclues depuis l’indépendance», regrette Miloudi Moukharik, secrétaire général de l’Union marocaine du travail.

Les différentes centrales syndicales appellent, en outre, le gouvernement à mettre en place de nouveaux instruments en vue de renforcer l’application du Code du travail. Une requête formulée également par le président du Conseil national des droits de l’Homme, Driss El Yazami, qui a souligné la nécessité de former plus d’inspecteurs du travail. D’après M. El Yazami, c’est le secteur de la santé et de la sécurité qui pâtissent le plus de l’absence de ces cadres. «Il n’existe que 13 médecins inspecteurs du travail pour environ 20.000 entreprises. Notre pays ne dispose par ailleurs que de 800 médecins du travail», souligne-t-il. Le même responsable s’est joint aux différentes centrales syndicales pour appeler le gouvernement à ratifier les conventions internationales, à savoir la convention 87 des libertés syndicales, la convention 189 relative aux travailleurs domestiques, la convention 141 sur les ouvriers agricoles, ainsi que la convention 103 sur la protection de la maternité.

Autant de propositions qui ont été bien accueillies par le ministre de l’Emploi et des affaires sociales, Abdessalam Seddiki. Dans son discours, ce dernier s’est montré réceptif. «Nous demeurons ouverts aux critiques et nous comptons prendre en considération toutes les remarques ainsi que les recommandations émises au cours de cette rencontre afin d’améliorer ce texte législatif qui reste une œuvre humaine perfectible. Nous nous engageons dans ce sens à poursuivre notre collaboration avec les différents partenaires sociaux», conclut le ministre. 

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