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Comment répondre aux questions embarrassantes de ses enfants

Comment fait-on les bébés ? C'est quoi le paradis ? Les enfants ont le don de poser des questions auxquelles on ne sait pas toujours répondre. Les conseils de Bernard Corbel, psychologue.

Comment répondre aux questions embarrassantes de ses enfants
pour les jeunes enfants, les adultes savent tout et ne se trompent jamais.

D ès que l’enfant sait s’exprimer, il n’hésite pas à poser toutes les questions qui lui traversent l’esprit. C’est l’époque des «pourquoi» et des «comment». Très jeune, il cherche à attirer l’attention de l’adulte auprès duquel il se trouve. «Pourquoi tu fais ça ?» «Pourquoi tu prends ça ?»  il l’interroge sur ses moindres faits et gestes.
Par ce questionnement intempestif, l’enfant cherche surtout à participer aux activités de cette grande personne à laquelle il s’identifie. Connaître les intentions de l’adulte n’est pas sa priorité.

À partir de trois ans

Puis, viennent les «vrais» pourquoi. Ceux qui posent des questions existentielles, en quête d’une plongée au centre de l’univers. L’enfant cherche ainsi avec passion à vérifier les idées qu’il s’est créées grâce à sa part poétique et imaginaire. Une époque parfois épuisante pour les parents et les éducateurs… À cet âge, les enfants n'ont de cesse d'interroger leurs parents sur des questions qui les taraudent. Sur le quotidien, ce qu'ils voient à la télévision ou à l'école... et il n'est pas toujours évident de leur répondre ! La question peut être troublante, embarrassante, voire compliquée ou crue ! C’est normal, elles sont spontanées, posées sans distinctions de ce qui peut être embarrassant ou ne l’est pas. Alors, qu’il vous parle de sexualité ou de pauvreté, répondez naturellement. Et surtout sans aucune gêne ! La vérité ne choque pas si elle est dite naturellement. Votre enfant attend seulement une réponse claire, franche et complète. Il demande de la science et du sens, pas du technique. Si vous restez trop évasif, il fera sa propre interprétation… parfois éloignée de ce que vous avez voulu lui transmettre !

Ne jamais se défiler !

Pas question cependant de faire l’impasse sur la réponse. «Je ne sais pas», «tu es trop jeune» et «laisse-moi tranquille» ne sont pas des réponses appropriées. Toute question mérite une réponse. Laisser votre enfant seul avec ses interrogations risque de le déstabiliser. Il compte sur vous, son papa et sa maman, pour l’éclairer. En effet, pour les jeunes enfants, les adultes savent tout et ne se trompent jamais. Si vous esquivez une question, il pourra croire que des sujets ne peuvent pas être abordés ou doivent lui être cachés.

Comment y répondre

Pour répondre aux questions des enfants, il convient de poser en premier lieu un principe de compréhension : «je comprends que tu me poses cette question. Tout le monde à un moment ou à un autre a envie de savoir». Deuxièmement, il faut situer où en est intellectuellement l'enfant : «et toi, pourquoi justement tu me poses cette question ? Qu'est-ce que tu crois ? Quel est ton avis pour le moment ?» Écouter les explications de l'enfant avec attention et respect, sans jamais le rabaisser, ce n'est vraiment pas le moment ! Enfin, lui fournir des réponses authentiques, mais dans son langage à lui et à son niveau de représentation. On peut utiliser des métaphores (pour faire un bébé, c'est comme si le papa donnait une petite graine à la maman, la clé est d'utiliser une formulation utilisant «comme si»). Lorsque votre enfant vous pose une question, commencez par lui demander ce qu'il en pense lui. Et partez ensuite de sa croyance pour lui répondre. De manière générale, ne fuyez pas la question. Si sa demande vous prend de court, n'hésitez pas à lui dire que pour l'instant, vous n'avez pas trouvé comment lui expliquer et que vous lui direz demain. Et surtout, tenez votre promesse ! Évitez de vous contenter d'un «c'est trop compliqué» ou «je ne sais pas» qui ne sont pas des réponses satisfaisantes. Soit vous arrivez à simplifier rapidement, soit vous prenez le temps de réfléchir et reprenez la discussion le lendemain. Quand vous ne savez vraiment pas, faites-vous aider d'un livre sur le sujet. Enfin, sachez que souvent, la première question d'un enfant témoigne d'une vraie curiosité, mais que les suivantes ne sont parfois que des demandes destinées à attirer votre attention. Dans ces cas-là, indiquez «tu as le droit à trois "pourquoi" aujourd'hui. Je te répondrai demain.» 


Explications

Par Bernard Corbel psychologue à Casablanca

«Tous les sujets doivent être abordés quel que soit l'âge de l'enfant»

Faut-il y répondre ou ignorer les questions embarrassantes des enfants ?
Ignorer les questions des enfants est une attitude néfaste : l'enfant se sent rejeté et sa pensée reniée. Le silence traduit le choc chez l'adulte et renvoie à la notion de tabou sur l'objet de la question. Donc l'enfant subit à la fois une humiliation due au manque de considération envers sa personne et une initiation aux «interdits» psychologiques, les interdits de dire. C'est dans cet univers psychique silencieux que les fausses théories dangereuses pour la santé et les impulsions comme la curiosité malsaine sont élaborées, c'est-à-dire que l'enfant cherchera des réponses dans des comportements transgressifs autant qu'il les
dissimulera.

Est-ce normal ? Pourquoi posent-ils toutes ces questions ?
À l'âge de 2 ans et demi, les questions portent sur des opérations ou des tâches que réalisent les adultes. L'enfant se situe dans l'univers des actions et cherche à acquérir un savoir opératoire. Dès que possible, il le transfère dans ses jeux ce qui le fait rêver tout en lui permettant une intégration. Son intelligence est en pleine construction. Plus tard, ses questions portent davantage sur des concepts et des abstractions qui renvoient à des préoccupations de plus en plus philosophiques. Non seulement ces questions sont normales, mais surtout elles sont indispensables au développement sain de la petite personne qu'est l'enfant. Son humanité et son intelligence y sont aux aguets.

Y a-t-il une limite d’âge pour aborder certains sujets ?
Tous les sujets doivent être abordés quel que soit l'âge de l'enfant, comme nous l'avons dit, en adaptant notre niveau de réponse aux capacités de compréhension du petit et à son niveau actuel de représentation de la chose en question. Il arrive que l'adulte soit désarmé devant certaines questions dans lesquelles il ressent ses propres limites. Il faut donc bien chercher à comprendre l'enfant, chercher d'autres questions ou autres formulations pour le même sujet avec lui. On peut aborder une réponse nuancée de type «certains croient que... et d'autres pensent plutôt que... pour ma part j'imagine que...» «Les scientifiques nous apprennent que...» Il est possible de dire à l'enfant «ta question me paraît si importante que je vais y réfléchir, et t'y répondre demain (il est indispensable de tenir sa promesse).

Quelles sont les questions les plus fréquentes ?
Après les questions opératoires et à partir de 3,5 ans, l'enfant commence à poser, nous l'avons dit, des questions d'ordre philosophiques. Les questions les plus fréquentes portent sur l'amour, la procréation, la mort, la croyance en Dieu, le bien, le mal, la vérité et le mensonge, la justice et l'injustice, la richesse et la pauvreté, la guerre et la paix, être amoureux ou pas, le mariage et le divorce... Que du pain sur la planche pour les parents et les éducateurs ! Idéalement, les parents et les éducateurs devraient se documenter (Internet ou libraires) sur ces différents thèmes qui, de toute façon, rejailliront plusieurs fois à différents âges et correspondant à une maturation psychologique et intellectuelle de l'enfant. Les adultes ont tout avantage à pouvoir être là au bon moment avec les bonnes explications pour leurs enfants ou ceux dont ils ont la charge. Souvent, l'enfant se souviendra de ces explications pendant des années, voire toute sa vie.

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