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Parents et enseignants, les meilleurs ennemis

Les relations entre les parents et les professeurs ne sont plus ce qu'elles étaient. Au lieu d'établir un dialogue confiant et efficace avec les enseignants, les familles ne cessent de s'immiscer dans la pratique de ces derniers. Un véritable calvaire pour les professeurs !

Parents et enseignants,  les meilleurs ennemis
Parents et professeurs ne sont plus aussi solidaires dans l'éducation des enfants.

De nos jours, rares sont les enseignants à n'avoir jamais été confrontés à des parents qui se mêlent trop de leur travail d’éducateurs. D’ailleurs, ils sont nombreux à se plaindre d'une dégradation de la relation avec les familles des élèves. Il y a quelques décennies, parents et enseignant étaient très complices pour le bien de l’enfant. Il était fréquent de voir dans les salles de cours les instituteurs avec une règle à la main. Et les élèves immobiles, les bras croisés qui s’attendent toujours au pire. Ils étaient conscients que leurs parents n'allaient pas les défendre quand ils seraient convoqués par le professeur. Bien au contraire, les géniteurs n’avaient qu’une seule phrase pour ce dernier : «Vous le tuez, et nous on le scalpe».

Aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé. La formule qui reflète ce que pensent bon nombre de parents de nos jours est : «Mon fils est le meilleur, s’il ne réussit pas, c’est que son instituteur est nul». Les parents ne tolèrent plus le comportement autoritaire de l'instituteur. Résultat : ils sont souvent en conflit avec les enseignants. On voit de plus en plus de parents qui viennent faire la leçon aux instituteurs sur leurs méthodes de travail, comme si c’était pour eux l'occasion de prendre leur revanche sur un passé où ils étaient obligés de se taire devant l'enseignant.

D’après les spécialistes, ce changement d’attitude peut s’expliquer en partie par l’immense blessure narcissique des adultes d’aujourd’hui. Malmenés dans leur vie professionnelle, sociale, amoureuse, ils surinvestissent dans leur enfant, qui doit les combler… dans tous les sens du terme. Et ils attendent des pédagogues qu’ils posent sur leur progéniture un regard aussi indulgent et émerveillé que le leur, ce qui n’est pas toujours possible pour les enseignants et leur cause de nombreux problèmes. Souvent, les enseignants sont déçus par l’attitude des parents quand ils les convoquent pour les informer du niveau de leur enfant. Ils s’attendent à une coopération, à une convergence des points de vue pour aider l’élève à s’améliorer, mais ils sont surpris par le papa ou la maman de l’enfant qui vient contredire leur sanction. Pour le pédagogue, cela est généralement ressenti comme un désaveu ou une forme de remise en cause de sa fonction, ce qui crée des tensions dans la relation parent-professeur. Malheureusement, ce genre de comportement n’est pas du tout bénéfique pour les enfants. L’école est un lieu de vie où se côtoient les enseignants, les élèves et leur famille. Ensemble, ils partagent la volonté d’instruire les enfants, de les élever, de préparer leur avenir... Et pour mener à bien cette mission, le dialogue devient primordial pour rappeler les règles et les exigences qui distinguent la vie à la maison de la vie en classe.

Parler permet de mieux se comprendre, c’est une évidence. Il ne faut jamais laisser durer l’incompréhension. Les problèmes doivent être posés et réglés rapidement. Et il ne faut pas hésiter à demander plusieurs rendez-vous pour résoudre les problèmes. Cette requête doit venir des parents, sans attendre que les enseignants se manifestent. Il est également nécessaire d’inciter l’enfant à parler de l’école et de faire l’effort de décrypter son discours. Les enfants peuvent exagérer et mentir, parce que cela les arrange… Enfin, lors des réunions parents-instituteur, l’avis des professeurs des matières dites «principales» ne suffit pas. Il faut échanger avec les responsables des enseignements artistiques ou sportifs pour en apprendre davantage sur la personnalité et le comportement de leur progéniture. 


Explications

Houda Hjiej, pédopsychiatre

«Les parents ont souvent du mal à accepter les critiques venant des enseignants»

Les parents acceptent de moins en moins les critiques des enseignants à l'endroit de leurs enfants, comment peut-on expliquer cela ?

D’un point de vue psychologique, il est connu que l’enfant est vécu généralement par son parent comme le prolongement narcissique de celui-ci. Les parents ont souvent du mal à accepter les critiques venant des enseignants, car ils ont le sentiment que ces critiques sont dirigées et adressées à leur personne ou à l’enfant qu’ils ont été. Elles viennent aussi les ébranler dans leur processus de parentalité et remettre en question leur «réussite» en tant que parents. Cette situation de convocation de l’école pour parler des difficultés de l’enfant est souvent vécue sur un mode culpabilisant par les parents.

Certains parents ne vont jamais voir les enseignants de leurs enfants. Quel impact peut avoir cette situation sur la scolarité de l’enfant ?
Au-delà des raisons purement psychologiques que je viens de citer, il existe d’autres raisons qui peuvent faire que les parents n’aillent pas demander des nouvelles. Parmi celles-ci on note le manque de confiance qui existe parfois entre l’école et les parents, notamment pour les parents d’enfants en difficulté qui ont peur que leurs enfants ne soient exclues. D’autres parents ne demandent pas de nouvelles par manque d’investissement dans la scolarité de leurs enfants, ou par difficulté personnelle à aller rencontrer les autres, notamment des étrangers. Quelles que soient les raisons empêchant un parent de créer un lien avec le milieu scolaire de l’enfant, ceci est généralement ressenti par l’enfant, ce qui peut impacter son propre investissement en milieu scolaire et sa scolarité en général. La réaction des enseignants peut aussi varier en fonction du lien établi ou pas avec les parents, notamment quand on est face à des enfants en difficulté. Certains enfants sont plus autonomes que d’autres et vont alors être indifférents au fait que les parents se renseignent ou pas d’eux à l’école. Dans un mouvement de fierté ou pour signifier qu’ils sont grands, certains enfants vont carrément refuser que leurs parents aient un lien direct avec leurs enseignants.

D'autres parents sont au contraire trop présents à l'école, voire étouffants, croyez-vous que ce soit une bonne chose ?
La place des parents n’est pas à l’école de leur enfant, sauf quand ils y sont invités ou lorsqu’il y a une inquiétude justifiant leur présence. Une présence excessive peut témoigner d’une angoisse démesurée des parents, d’une méfiance ou d’un manque de confiance de ceux-ci dans le milieu scolaire de leurs enfants.

Comment pouvez-vous décrire une relation idéale et équilibrée entre les parents et les enseignants de leurs enfants ?
Le rapport idéal serait une relation structurée où les règles sont fixées d’avance, afin de permettre qu’il s’établisse un lien de confiance entre les parents et l’école. Les parents doivent savoir qu’ils ont toujours une possibilité d’entrer en contact avec l’enseignant, mais que c’est ce dernier qui établit les modalités (horaire, lieu… ). L’enseignant doit pouvoir aussi établir un contact avec les parents quand cela lui parait nécessaire selon les besoins de l’enfant. Ce contact doit être formalisé de préférence en présence d’un responsable éducatif ou du directeur de l’établissement. Ce qui régit globalement cette relation est la confiance des parents dans l’institution, ceci va impacter directement les réactions des parents et leur attitude. Pour les parents plutôt passifs, l’organisation de rencontres autour de thèmes généraux qui s'adressent à tous les parents peut faciliter l’accès de certains parents à l’école et favoriser l’échange avec le milieu scolaire.

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