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Les risques de la consommation de la drogue dans le milieu scolaire

Le phénomène de la drogue dans le milieu scolaire a pris des proportions inquiétantes ces dernières années. Cela ne concerne plus que les lycéens, mais aussi des collégiens et même certains élèves du primaire, ce qui se répercute négativement sur leur scolarité et sur leur vie, en général.

Les risques de la consommation de la drogue dans le milieu scolaire
Sur l’ensemble des 6 000 élèves interrogés dans 34 villes, 9,2% consomment du cannabis et 4,3% des psychotropes sans avis ni prescription médicale.

L’usage des drogues par les jeunes dans les établissements scolaires est une réalité qui ne peut laisser personne insensible. C’est un véritable fléau qui se propage à une vitesse inquiétante. Nous assistons aujourd’hui à une dépendance de plus en plus grande à ces substances chez les collégiens et lycéens et même chez les élèves du primaire.

Il y a environ deux semaines, une institutrice dans une école primaire à Sidi Kacem a surpris cinq de ces élèves en flagrant délit. Ces enfants, âgés entre 10 et 11 ans, étaient en train de consommer des psychotropes dans la classe alors qu’elle expliquait son cours. Malheureusement, il ne s’agit pas d’un cas unique. Vente, achat et consommation se font en plein jour, au vu et au su de tous. Les transactions peuvent même avoir lieu dans l’enceinte de l’établissement scolaire. D’après la Direction générale de la Sûreté nationale (SNSG), les opérations et interventions effectuées par les patrouilles mixtes de sécurité, chargées du contrôle des environs des établissements de l’enseignement depuis le début de l’année scolaire actuelle au 31 mars, ont débouché sur l’arrestation de 737 personnes pour détention et trafic de drogue, alors que les quantités de stupéfiants saisies dans des affaires liées au contrôle de l’espace de l’enseignement se sont élevées à 4 kg et 483 grammes de cannabis, 3 kg et 578 grammes de poudre de tabac mélangée au kif, 307 grammes de «Maajoune», 11 sachets d’héroïne, un sachet de cocaïne et 216 comprimés hallucinants. De nos jours, les garçons comme les filles semblent prendre plaisir à griller des cigarettes ou à consommer de la drogue à l’extérieur de l’école comme à l’intérieur. Une étude du ministre de la Santé révèle que beaucoup de jeunes sont exposés quotidiennement aux risques du tabagisme, des drogues, des rapports sexuels non protégés et adoptent des modes de vie malsains. D’après cette étude 16% des élèves de 13 à 15 ans sont des fumeurs, 6% consomment des boissons alcoolisées et 4% consomment des drogues. Une autre étude réalisée par l’hôpital psychiatrique universitaire Arrazi et le ministère de l’Éducation nationale a été rendue publique en juin 2011. Intitulée «L’usage des drogues en milieu scolaire marocain», cette étude montre que le tabac est la substance la plus consommée chez les jeunes, suivi de l’alcool, puis du cannabis chez les garçons et des psychotropes chez les filles. Sur l’ensemble des 6 000 élèves interrogés dans 34 villes, 9,2% consomment du cannabis et 4,3% des psychotropes sans avis ni prescription médicale. Concernant la cocaïne, 1,5% des élèves interrogés déclarent avoir consommé de la cocaïne. Parmi les élèves âgés de 15-17 ans, 5,8% citent d’autres drogues : dérivés des opiacés dont l’héroïne, ecstasy et produits à inhaler (colles, autres solvants), dérivés du cannabis (zatla, maâjoune, shit, kif), dérivés du tabac (nafha, kala) ou différentes familles de psychotropes, dont surtout les benzodiazépines.

Dans un autre volet, l’étude parle de l’accessibilité de la drogue. 44,3% ont déclaré que l’accès aux drogues était très facile, 31,4% trouvent que c’est facile de s’en procurer et seuls 10,9% des élèves rapportent qu’il est très difficile de se procurer les drogues. Par ailleurs, les élèves sondés déclarent dans 32,3% des cas qu’ils les achètent à l’intérieur des établissements scolaires. 56,6% rapportent que cela se fait à proximité de l’établissement, et 55,1% au niveau des cafés et salles de jeux à proximité du lycée.
65% des sondés rapportent que les fournisseurs de drogues sont des élèves. 9,1% des élèves déclarent que les fournisseurs de drogues font partie du personnel de l’établissement. D’autres fournisseurs ont été cités dans 26,5% des cas : dealers, gardiens à proximité des établissements, anciens élèves…
L’étude du ministère de l’Éducation nationale montre également qu’il y a une relation significative entre l’usage de ce genre de substances et l’absentéisme de l’établissement scolaire, la note inférieure à la moyenne, les nuits passées hors du domicile, la violence, les crimes...

Patrouilles mixtes de sécurité

Selon des propos confirmés par Direction générale de la Sureté nationale, les interventions des patrouilles mixtes de sécurité près des établissements scolaires réalisés depuis le début de l’année solaire ont permis d’enregistrer 1 182 affaires criminelles et d’arrêter 1 412 personnes, dont 105 pour coups et blessures avec préméditation, 313 pour violence, 124 pour vol sous la menace, 328 pour ébriété publique manifeste, 89 pour violation de l’enceinte d’un établissement d’enseignement, 114 pour détention illégale d’armes blanches, et 30 pour incitation à la débauche.
D’après les spécialistes, il existe plusieurs facteurs qui poussent ces enfants à consommer de la drogue. «Dans un monde où l’alcool, le tabac et d’autres substances ont fait leur place, les risques de toxicomanie sont présents.
À mesure qu’ils grandissent, nos enfants sont exposés à différentes substances psychotropes et ils peuvent en faire l’essai pour plusieurs raisons, par exemple pour en ressentir les effets, pour courir un risque ou pour tromper leur ennui. Plusieurs adolescents ont aussi de la difficulté à composer avec le stress causé par les études, les émotions et la vie en société» , explique Mohcine Benzakour, psychosociologue.

Et d’ajouter : «Depuis une trentaine d'années, la banalisation des drogues et des pratiques de consommation associées à une augmentation des produits disponibles, il est de fait aujourd'hui que nous nous trouvons devant un véritable phénomène de société. Ce qu’il faut retenir c’est que le problème de la drogue chez nos enfants est une équation à trois paramètres : la rencontre du produit, d'une personnalité et d'une action socioculturelle. Donc, si les chiffres sont aujourd’hui alarmants, ils sont aussi indicateurs de la réalité de la profondeur du problème de la drogue. L’approche doit être éducative, sociale, médicale et sécuritaire : nous sommes tous responsables».


Efforts du ministère de la Santé

Parmi les principales orientations inscrites dans le plan d’action intersectoriel du ministère de la Santé pour l’année 2014, figure :
• La consolidation des efforts visant la protection du milieu scolaire, comme élément déterminant du capital santé des élèves, et ce, à travers la sensibilisation de ces derniers autour des thématiques du tabagisme, de la consommation des drogues, de la violence et autres comportements à risque ainsi qu’à travers le renforcement des mécanismes de protection des établissements scolaires et de leur environnement.
• L’extension et le renforcement des différentes structures contribuant à la promotion de la santé des enfants et des jeunes, tels les espaces santé jeunes, les centres de référence de santé scolaire et universitaire, les centres de lutte contre la violence, les centres médico universitaires et les centres d’addictologie. Cette action ne peut réussir sans le renforcement des compétences des différents professionnels en matière de prise en charge des problèmes de santé des enfants et des jeunes.
• Développement des prestations et des structures de jeunesse notamment dans les Maisons des jeunes, les foyers féminins, les terrains de proximité et autres, et renforcement des compétences des éducateurs particulièrement dans le domaine de la prévention des addictions y compris l’addiction aux écrans ainsi que la lutte contre le mode de vie malsain, et ce, à travers l’encouragement de l’activité physique et l’alimentation équilibrée.
• Consolidation des actions et approches visant l’éducation à la santé des enfants et des jeunes et particulièrement les clubs scolaires, l’éducation parentale ainsi que l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Le focus sera mis sur les compétences psychosociales et le développement personnel.


Avis du spécialiste 

Mohcine Benzakour,Psychosociologue

«Le problème de la drogue chez nos enfants est une équation à trois paramètres»

Selon vous, qu'est-ce qui pousse ces enfants à consommer ces «produits» qui peuvent détruire leur vie ?
Sachez qu’un enfant ne se drogue que par plaisir. Les facteurs qui le poussent à se droguer sont multiples et parfois complexes, mais ils signent tous son mal-être et son mal de vivre. Le punir ne résoudra pas le problème.
Les motivations d'une personne qui se drogue sont très complexes, mais on retrouve souvent la volonté de fuir la réalité, de ne pas se confronter à un problème, de rechercher le plaisir à tout prix ; mais aussi de se conformer à un modèle social («si tu ne bois pas, tu es une mauviette»). Il est plus facile de se laisser aller à la drogue plutôt que d'affronter ses peurs et ses doutes. Bien sûr, plus on se drogue, plus les problèmes s'accumulent, alors on a de moins en moins envie d'arrêter la drogue !
Dans la vie, chacun va rencontrer des malheurs, des angoisses, des moments de déprime, lors des problèmes familiaux ou encore pour faire le malin avec les copains et copines. C'est normal et cela fait partie de la vie, mais attention, on devient vite accroc à toutes ces substances. Dans ces moments de difficultés si on entre en contact avec une drogue, celle-ci va permettre d'oublier les chagrins, de se sentir à nouveau bien, de façon très temporaire (pas très longtemps). C'est très dangereux, car les problèmes qui viendront après à cause de la drogue mettront beaucoup plus de temps à disparaître, voire ne disparaîtront jamais !

Est-ce que vous croyez qu'un élève qui s'adonne à la drogue ratera forcément sa vie ?
Aux yeux de la médecine, une drogue ou un stupéfiant est une substance chimique qui, absorbée par l'organisme, agit sur le corps et sur le cerveau. La drogue est consommée le plus souvent pour obtenir un plaisir immédiat, ou un soulagement d'une douleur psychologique (on se sent mal dans sa peau). Mais les drogues provoquent une destruction plus ou moins lente du corps, et entraînent une dépendance, c'est-à-dire qu'on ne peut plus s'en passer, et qu'elles finissent par occuper toutes les pensées de celui qui se drogue. Toutes les drogues, quelle que soit leur nature, possèdent un point commun : elles altèrent quelque chose dans le cerveau, le système de la récompense, c'est-à-dire la source de tous nos plaisirs. Suite au fort pouvoir d'adaptation de notre cerveau, ce circuit du plaisir va se rétrécir, c'est le phénomène d'accoutumance. Ainsi, notre cerveau, habitué à la drogue, ne ressentira plus aucun plaisir, sauf en présence de la drogue. C'est le phénomène de dépendance : soumis en permanence à un produit toxique, le cerveau s'adapte pour fonctionner correctement en présence de ce toxique... mais en contrepartie, le cerveau n'est plus capable de fonctionner correctement sans le produit toxique : la drogue. Et c’est justement ainsi que l’enfant peut rater forcement sa vie s’il n’est pas pris en charge.
Je voudrais dans ce sens m’adresser aux parents et aux enseignants pour leur proposer d’être attentifs aux signes répétitifs qui ne sont pas toujours faciles à reconnaître. Beaucoup d’enfants cachent leur consommation à leurs proches. Ces signes sont :
• Brusques colères injustifiées, hypersensibilité à tout.
• Solitude, déprime, expression de son dégoût de la vie, idées de suicide.
• Opposition à beaucoup de choses, fuite des discussions, surtout concernant les modifications de son comportement.
• Hostilité à l’intérêt qu’on lui porte.
• Désintérêt pour les activités scolaires, voire mauvais résultats, arrêt des loisirs et des activités sportives ; retours tardifs à la maison
• Échecs répétitifs sentimentaux, amicaux et scolaires.
• Accès de boulimie ou amaigrissement.
Ces signes doivent alerter l’entourage. Ils ne signifient pas forcément que l’enfant se drogue, mais qu’il vit une période difficile et qu’il a besoin de soutien.

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