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«La cybercriminalité au Maroc devient inquiétante»

Pour Driss Raouh, c’est probablement le Graal. Cet expert judiciaire chevronné vient en effet d’être nommé expert auprès de la Cour pénale internationale en matière de cybercriminalité. Il est ainsi le seul et le premier arabe et africain à être investi d’une telle mission. Arbitre et médiateur auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle depuis 1996, expert en informatique près la Cour d’appel de Versailles (France) depuis 1993, ancien enseignant à l’Université Panthéon–Assas, de 1993 à 2004, M. Raouh illustre l’expertise et la compétence marocaines reconnues à l’international. Dans cet entretien exclusif, il nous parle de sa nomination et des enjeux de ses futures fonctions.

«La cybercriminalité au Maroc devient inquiétante»
Driss Raouh.

Le Matin : Vous être le seul arabe et africain à faire partie des cinq experts nommés par le TPI. Quel est votre sentiment ?
Driss Raouh : Effectivement, je suis le seul et le premier arabe et africain parmi cinq experts nommés auprès de la Cour pénale internationale en matière de cybercriminalité.
Je suis fière de cette reconnaissance au plus haut niveau de l'expertise marocaine.
J'espère que cela contribuera à changer la perception qu’on a du métier de l’expert de justice qui reste mal connu au Maroc.
Mes confrères au sein du Conseil national des experts de justice sont également très fiers de cette nomination que je partage avec eux.

Comment s'est faite votre nomination ?
Je me suis porté candidat suite aux recommandations d'un certain nombre de collègues français qui ont atteint l'âge de la retraite. Ces personnes ont encouragé et soutenu cette candidature.
L'instruction de mon dossier a duré environ cinq ans. Les critères de sélection sont la formation, l'expertise, l'étude des travaux réalisés, en particulier les rapports d'expertise, la réputation et l'intégrité.

En quoi consistera votre travail auprès de la Cour pénale internationale ?
Le juge est un expert en droit, il a besoin d'un technicien pour l'aider dans la compréhension des dossiers. Le travail de l'expert consiste à apporter cet éclairage technique. C'est la raison pour laquelle la Cour pénale internationale a mis en place une liste des experts dans des domaines compliqués et variés, dont la cybercriminalité, la balistique, la télédétection et l'imagerie satellitaire, l'informatique, la criminologie...
Ma mission consistera à donner un avis technique dans des dossiers de crimes informatiques ou de crimes par l'informatique.

En matière de cybercriminalité, à quel niveau se situe, selon vous, l'expertise marocaine par rapport aux pays arabes et africains ?
Je pense que le Maroc est relativement avancé par rapport à la région arabe et africaine.
Cette avancée est un peu timide. Si le Maroc a ratifié la convention sur la cybercriminalité, très connue sous le nom de la Convention de Budapest, il ne profite pas de sa position avancée avec l’Union européenne pour rejoindre les différents projets initiés par cette dernière et qui ne peuvent être que bénéfiques pour lui puisqu’ils peuvent également renforcer sa position de leader africain.
Il ne faut pas oublier que le Maroc n'a pas encore rejoint la Cour pénale internationale. à ce jour, seuls quatre pays arabes l'ont rejointe sur un total de 22 pays. Enfin, nous ne pouvons parler de comparaisons sans évoquer la nécessité de l'harmonisation de nos lois, en particulier la loi pénale et la création d'un code technologique.

De par votre expérience, quelle est l'ampleur de la cybercriminalité au Maroc ?
Je ne possède pas de chiffres exacts pour le Maroc. Mais il faut préciser qu'aux États-Unis les déclarations sont obligatoires sous peine de poursuites pénales. En France et dans la plupart des pays européens, les déclarations sont facultatives.
En France, dans le cadre des travaux de ma thèse, j'ai réussi à créer un modèle mathématique qui permet de rectifier les chiffres par une technique de pondération. Nous avons réussi à obtenir des chiffres proches de la réalité et à mettre en place une carte de la criminalité en France pour surveiller son évolution. Ces travaux ont été poursuivis pendant de longues années de recherches avec mes étudiants. J'ai remarqué, à travers le nombre d'expertises et de missions de conseil réalisées au Maroc, que ce phénomène devenait inquiétant et qu'il convenait de renforcer l'arsenal juridique et technique pour freiner son développement. Le criminel informatique n'est pas forcément un surdoué, il peut être un simple enfant de 14 ans et c'est ce qui caractérise ce phénomène, encouragé par la banalisation des moyens de communication. 

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