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«Le message du Festival, c’est de demeurer fier de sa particularité et la partager avec l'Autre»

Du 30 octobre au 2 novembre prochain, la Cité des Alizés accueille la onzième édition du Festival des «Andalousies atlantiques». Avec un programme riche et diversifié, un patrimoine artistique, culturel et musical de la ville mis à l’honneur, l’événement s’apprête à renouer avec le succès de ses précédentes éditions. Sa directrice artistique, la chanteuse Françoise Atlan, nous parle de la particularité de cette édition, des objectifs escomptés de ce rendez-vous et nous dévoile les nouveautés de cette année.

«Le message du Festival, c’est de demeurer fier  de sa particularité et la partager avec l'Autre»
Françoise Atlan, directrice artistique du Festival des «Andalousies atlantiques» d’Essaouira

Le Matin : Cette 11e édition du Festival des «Andalousies atlantiques» mettra en lumière le patrimoine souiri. Pourquoi cette orientation ?
Françoise Atlan : Essaouira est une cité de Convivencia, qui accueille régulièrement le monde entier. On y vient pour ses festivals, on y vient pour la beauté de sa lumière, et ce je-ne-sais-quoi qui donne envie d’y revenir chaque fois et d’y rester. Pour cette onzième édition, nous avons décidé de placer la ville au centre de toutes nos attentions, et de montrer au monde entier sa spécificité, avec ce qu’elle a de fort, de constant et d'inaltérable : son patrimoine poétique et musical, à travers ses artistes, ses maitres et ses talents en devenir. On connaît Essaouira pour sa force picturale (pour ne citer que le peintre Miloudi actuellement honoré à l’Institut du monde arabe dans le cadre de l’exposition le «Maroc contemporain»), mais on connaît moins son école de musique andalouse, ses spécificités, sa place singulière au sein d’autres écoles plus identifiées telles Fès, Rabat ou Tétouan… C‘est à cette école souirie que nous avons voulu rendre un hommage particulier cette année, à travers ses maîtres et la jeune génération qui seront ensemble sur scène, à la rencontre d’autres traditions andalouses venues du Maroc et d’ailleurs.

Quelle est la particularité de cette onzième édition ?
Connaissez-vous cette toile du peintre Delacroix, une toile emblématique du début 19e siècle, intitulée «Les Musiciens juifs de Mogador» ? Et pourtant jamais Delacroix n‘est venu à Mogador. Mais en 1832, le Sultan Moulay Abderrahmane invite la délégation française (qu’accompagne Delacroix) en son Palais royal de Meknès. Pour honorer ses hôtes, le Sultan fit venir un orchestre judéo-musulman de Mogador en précisant : «c’est ce que nous avons de mieux dans notre Empire». Delacroix le peintre, le «visuel», a été charmé par le «son» de Mogador. La seconde belle histoire est que nous inaugurerons l‘Institut français d’Essaouira. C’est une jolie coïncidence, juste avant l’ouverture de la soirée inaugurale le jeudi 30 octobre. Une soirée rendue possible grâce au précieux soutien de l‘ambassade de France au Maroc, et que nous voulons remercier chaleureusement ici. La particularité de cette édition réside aussi et surtout dans le fait que nous restons fidèles au message initial du Festival des Andalousies atlantiques d‘Essaouira, fondé par l’Association Essaouira-Mogador et présidé par Monsieur André Azoulay, conseiller de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Aujourd’hui, l‘Association Essaouira-Mogador, organisatrice du Festival, est dirigée par Tarik Otmani, à la tête d’une jeune équipe souirie pleine de talent et d’énergie. Un message qu’il est utile de rappeler en ces temps de fractures et de régressions que nous vivons : fêter nos identités communes et plurielles, durant 3 jours, en honorant nos artistes musulmans et juifs, et en écoutant ce qu’ils ont à nous dire et à nous chanter. C‘est à Essaouira que cela se passe, et nulle part ailleurs.

En tant que directrice artistique du festival, comment avez-vous procédé aux choix des artistes participants ?
C’est toujours un choix très difficile, tant les talents sont nombreux au Maroc, parmi la jeune génération. C’est grâce aux maîtres que nous les avons, eux, qui ont si bien su transmettre leur art. Et comme vous le savez, le propos du Festival est de montrer la transmission, la filiation, mais aussi de voir comment les jeunes talents se réapproprient la tradition, procédant d’une démarche faisant la part belle à la création et à l’innovation, tout en restant profondément et respectueusement attachés aux premiers enseignements reçus. Maîtres et élèves sont ainsi non pas en compétition (il ne saurait y en avoir), mais bien en adéquation quant au message du Festival : chanter et jouer d’une seule voix, en ne demeurant fier de sa particularité, pour la partager avec l‘Autre, jamais en une confrontation, mais toujours dans une écoute mutuelle et enrichissante. Mon rôle est de mettre tous ces artistes en valeur, de guetter les moments de synergie, et de voir ce qui peut-être fait en commun. Cela demande une disponibilité d’esprit et une certaine humilité de la part des artistes, par exemple lorsqu’il s'agit de se retrouver tous ensemble sur scène afin de partager un ou deux chants. C’est aussi cela la Convivencia…

Vous allez présenter en avant-première mondiale la pièce mythique connue sous le nom de «Lqoddam Jdid Saouiri»...
Et c’est une fierté immense. Ce moment exceptionnel que nous vivrons le vendredi 31 octobre est possible grâce au long travail de recherche et de reconstitution de ce Meziane tout à fait particulier de «La Nouba», dans le pur style souiri. Un travail formidable initié et mené par le directeur du Conservatoire Abdessamad Amara, homme d’une grande érudition et talentueux musicien, à la tête de l’Orchestre du Conservatoire d’Essaouira, de ces talents souiris, dont le jeune Hicham Dinar Souiri, qui a beaucoup participé à ces recherches aussi, et dont nous entendrons la voix aux côtés des frères Gabriel et Avraham Ohayon : un trio qui promet d’être magnifique.

Le festival contribue à la sauvegarde et à la promotion de la ville d'Essaouira. Comment faites-vous pour adapter le programme de chaque édition à cette perspective ?
Il y a beaucoup de Festivals à Essaouira, tous différents et d’une qualité telle qu’ils drainent des spectateurs et des mélomanes venus de tout le pays, mais aussi de l’étranger. Le message des Andalousies atlantiques fait partie de ceux qui touchent à l‘âme, à quelque chose de profondément enfoui en nous, et c’est un message unique qui s’inscrit dans la nature même de la Cité des Alizés.

Quels sont les thèmes que vous avez retenus pour les conférences et les rencontres prévues lors de cette édition ?
Le moment fort sera la présentation de l‘édition marocaine, dans la collection «la Croisée des chemins», de l'ouvrage monumental «Histoire des relations entre Juifs et Musulmans», un ouvrage codirigé par Abdelwahab Meddeb et Benjamin Stora, paru en France chez Albin Michel, et au Maroc grâce a l’éditeur Abdelkader Retnani, éclaireur inspiré et visionnaire. Le philosophe Ali Benmakhlouf, qui a participé à l’écriture de l’ouvrage, sera aussi parmi nous, et là encore, nous remercions l’Institut français d’Essaouira, qui est à l’origine de cette rencontre. Vous savez aussi que nos matinées-colloques sont ponctuées de moments musicaux, qui nous plongent dans une émotion souvent intense. On en ressort à la fois nourris intellectuellement, et dans un état de ravissement qui nous donne envie de prolonger à l‘infini ces moments privilégiés.

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