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Le Matin : Vous avez bien évoqué que le mot adolescent est devenu courant au Maroc depuis trois décennies. Croyez-vous que ce mot a été pris en considération sur le plan du suivi aussi bien des parents que de la société ?
Jalil Bennani : Les parents ont pris conscience du fait que les choses ont changé, mais ils n'arrivent pas toujours à comprendre ce qui s'est passé. Ils constatent les changements de comportement des jeunes survenus à notre époque, mais ils déplorent souvent leurs prises de risques, leurs aventures, leur manque de respect des valeurs d'autrefois. Ils ne voient alors pas que cette adolescence est un phénomène assez récent. Ils voient les aspects négatifs qui sont souvent liés aux angoisses et aux incertitudes, mais ne voient pas les aspects positifs qui sont ceux d'une approche nouvelle de l'avenir, une créativité, une autre une façon de vivre, une époque porteuse de changements et de mutations. Certains stigmatisent les jeunes, rendus responsables du malaise social, de l'affaiblissement de l'autorité, de la chute de certains tabous. Il faut rappeler que les jeunes sont les produits des générations qui les ont précédés. Les écouter, c’est donc prendre en compte l’héritage qu’ils véhiculent, les conflits dont ils sont les symptômes.
Beaucoup de parents savent très bien comment se comporter avec un adolescent, mais quand il s’agit de leur propre progéniture leurs comportements changent et ils commettent souvent des erreurs impardonnables ? Comment expliquez-vous cela ?
Quand ils ont un recul, avec les enfants des autres, ils peuvent rester calmes et raisonner assez bien. Mais quand ils sont très impliqués, c'est-à-dire quand ils ont affaire à leurs propres enfants, ils se voient obligés de se remettre en question et de changer. Pour être à l'écoute des jeunes, il faut changer nos vies ! Ce qui veut dire, rester proches et sécurisants tout en maintenant une autorité qui rassure et protège. Il faut aussi pouvoir accepter que les enfants puissent remettre en question les modèles parentaux pour se forger leur propre identité. Il faut pouvoir les accompagner en les conseillant, sans leur imposer ses propres choix.
Peut-on considérer cet ouvrage comme un guide pour mieux gérer les situations face à un adolescent ?
Oui, cet ouvrage peut aider à trouver des solutions à certaines situations. Mais ce travail cherche d'abord à inciter les parents à réfléchir aux problèmes et à leurs causes, qui impliquent la famille, mais aussi les enseignants, les thérapeutes et les décideurs politiques. Quand on a cerné les problèmes, on peut mieux les résoudre et trouver des remèdes adaptés au cas par cas.
Ce n’est pas le premier livre que vous consacrez aux jeunes. Qu’apporte celui-là de plus que les précédents ? Jusqu’à quel point peut-il aider parents et éducateurs à être conscients de la complexité de cette période d’adolescence ?
En effet, j'ai déjà écrit des livres sur les jeunes. La particularité de celui-ci est que je me situe du côté de ces derniers, pour porter leurs paroles et les transmettre aux parents. Ce livre s'appuie totalement sur l'actualité et permet de jeter un regard sur des questions aussi diverses que les crises et les défis de la jeunesse d'aujourd'hui, le rôle et l'impact des réseaux sociaux, la sexualité, l'héritage, la transmission… Les jeunes ont besoin de lieux spécifiques. Tout ce qui peut concourir à développer les lieux de culture, de l’éducation, de l’enseignement et des loisirs est de nature à favoriser l’épanouissement et l’ouverture d’esprit, à les aider dans leur développement en prévenant les risques liés à cette période. C’est un investissement fondamental sur le futur. S’ils se révoltent, s'ils marquent une rupture, c’est pour s’inscrire dans le présent et aller de l'avant. Beaucoup de choses sont à inventer et à réinventer. C’est donc un message d’espoir pour l’avenir.
