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«La chanson marocaine doit évoluer pour être à la page de ce qui se passe dans le monde»

Très apprécié par un large public qui aime en lui sa persévérance et son dévouement pour l’art, Mohamed El Ghaoui fait part dans cet entretien de sa vision de la chanson marocaine, ainsi que du soutien que lui apporte le ministère de la Culture pour la redynamiser.

«La chanson marocaine doit évoluer pour être  à la page de ce qui se passe dans le monde»
Mohamed El Ghaoui.

Le Matin : Quelles sont vos principales stations en 2014 ?
Mohamed El Gahoui : Je peux vous dire que je suis très satisfait de cette année où j’ai réalisé beaucoup de choses sur le plan artistique. Je me suis produit dans plusieurs manifestations très intéressantes, aussi bien au Maroc qu’à l’étranger. Ce qui me réjouit énormément. J’ai encore d’autres dates pour les prochaines semaines. Puis, il ne faut pas oublier que j’ai aussi bénéficié, cette année, du soutien du ministère de la Culture pour l’enregistrement de trois chansons écrites par Mohamed Riahi et composées par Mohamed Belkhiat.

Que pensez-vous de la subvention octroyée par le ministère de la Culture ?
D’abord, cette subvention entre dans le cadre des nombreux chantiers ouverts par le ministère de la Culture pour le développement du secteur culturel et artistique. Elle est très importante, tant du point de vue moral qu’artistique.
Le but est d’encourager l’artiste marocain, lui témoigner l’estime qu’il mérite, puis lui permettre de communiquer avec son public à travers son art. Cette subvention permet, aussi, de mettre tous les artistes marocains sur un pied d’égalité, sans aucun parti pris. Car c'est une commission professionnelle qui départage les dossiers déposés. Et comme on l’a constaté après la diffusion des résultats, ce soutien a été accordé aussi bien à certains noms très connus, qu’à de jeunes talents et d'autres noms pas très connus. Bien sûr, il y a toujours des insatisfaits. Mais je peux vous assurer que tout se passe dans la transparence totale, que ce soit au niveau de la constitution des dossiers ou du suivi de toute l’opération, depuis la maquette de la chanson jusqu’au produit final, grâce à une commission spécialisée.

On a beaucoup évoqué le déclin de la chanson marocaine. Quels sont, d’après vous, les facteurs à mettre en cause ?
Plusieurs, dont l’absence d’une vraie industrie musicale. En l’absence de sociétés de production, de sponsors, l’artiste dépend de lui-même et de sa poche. Donc, ce soutien est le bienvenu pour tous ceux qui veulent travailler et marquer leur temps. Car il faut savoir que l’artiste fait tout lui-même.
Dans mon cas, faute de manager, je vais moi-même déposer mes chansons dans les radios, je me déplace pour aller passer des entretiens avec les journalistes, je contacte des festivals... Si je ne fais pas ça, personne ne viendra frapper à ma porte, contrairement à ce qui se passe avec d’autres genres musicaux comme le chaâbi et la chanson raï, qui sont très sollicités. Il y a deux poids, deux mesures.
Beaucoup d’encre a déjà coulé à propos de cette problématique, et la question est loin d'être réglée. Malheureusement, dans ce domaine, les pratiques mercantiles sont nombreuses et sont la cause de beaucoup de dérapages. Je parle de ceux qui ne cherchent pas un bon produit, mais le gain facile, même si le produit ne vaut rien sur le plan de la créativité. Alors que nous avons un répertoire très riche dont nous pouvons nous inspirer, notamment l’«aïta marssaouiya», la musique andalouse, la musique gnaouie, amazighe ou encore hassanie, qui représentent un patrimoine marocain considérable et respectable. Je pense que l’instauration de ce projet de soutien à la chanson marocaine pourra déjà aider à redorer son blason, surtout après les difficultés qu’elle a vécues ces dernières années.

Que pouvez-vous conseiller aux jeunes artistes pour qu’ils puissent percer et contribuer au rayonnement de la chanson marocaine ?
Qu’ils puisent dans leur répertoire patrimonial très riche au lieu d’aller chercher d’autres styles loin de notre culture. L’ouverture sur l’autre, c’est bien. Mais, il faut aussi exploiter les richesses de notre pays et les présenter dans une nouvelle forme avec des arrangements modernes, des musiciens virtuoses et une technologie de pointe. Notre objectif est de toucher le monde entier par notre art.
Ce n’est pas nouveau chez nous. C’est le cas de la chanson «Lili Touil» de Younes Mégri (enregistrée au début des années 70 à Paris), qui a été reprise par Les Boney M, puis par d’autres groupes et chanteurs. Elle est toujours d’actualité. On ne peut pas nier qu’au moment où beaucoup d’artistes dans le monde faisaient fureur comme les Beatles, Elvis Presley, Les Boney M… il y avait aussi les Mégri au Maroc. Ça, c’est l’histoire. C’est ce que nous voulons : une chanson qui ne meurt jamais et qui est acceptée par toutes les populations et les générations futures.

Que faut-il faire pour multiplier les exemples d’une large réussite de notre chanson ?
Pour arriver à faire entendre notre voix ailleurs, nous devons suivre le même chemin, en prenant connaissance de ce qui se passe et se fait ailleurs, dans les contrées où la chanson est une industrie artistique très prisée.
Nous ne devons pas rester cloitrés dans les mêmes refrains de la chanson traditionnelle ancienne. Nos prédécesseurs ont fait la gloire de la chanson marocaine. Ils ont laissé un répertoire des plus respectables. Nous devons faire de même, d'autant plus qu’actuellement, avec la technologie, le monde est devenu un petit village. Avec la mondialisation, nous devons être à la page pour pouvoir résister à ce qui se passe ailleurs pour ne pas nous retrouver un jour dépassés par les événements. Nous sommes tous appelés à faire évoluer la chanson marocaine pour qu’elle puisse tenir le cap, avec des paroles simples, des phrases musicales courtes, des arrangements modernes, pour qu’elle puisse être écoutée un peu partout et par tout le monde et aussi pour répondre aux aspirations de notre Roi Mohammed VI. Et puis, il ne faut pas oublier que tout cela doit être accompagné par une bonne promotion à travers nos chaînes audiovisuelles et les médias. Sans oublier un point crucial qui est la mise en valeur de l’artiste marocain vis-à-vis de son homologue étranger, aussi bien sur le plan de la rémunération que de la sollicitation dans les manifestations artistiques.

Vous avez vécu, dernièrement, un bel hommage qui vous a été rendu par le ministère de la Culture, la SNRT et le Théâtre national Mohammed V où vous vous êtes produit seul sur scène. Pourquoi ce choix ?
Il était question au départ d’inviter plusieurs chanteurs pour animer cet hommage. Mais j’ai préféré le faire moi-même. Chose que les organisateurs n’ont pas appréciée à priori, leur argument étant que je ne pouvais pas tenir pendant trois heures sur scène ou encore faire le plein de la salle. Bien sûr, après la soirée, ils ont bien vu qu’ils s'étaient tous trompés. Car c’était un vrai succès artistique et public avec une exhibition plastique du portrait de S.M. le Roi Mohammed VI. Et ce grâce au soutien de tous ceux qui m’ont encouragé dans cette démarche. 

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