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«Plus de quatre décennies de collaboration ont permis de développer une coopération win-win dans les domaines politique, économique et social»

La douzième session du Conseil d'association Maroc-Union européenne s'est ouverte, hier à Bruxelles, avec la participation d'une importante délégation marocaine présidée par le ministre des Affaires étrangères et de la coopération, Salaheddine Mezouar. À cette occasion, les deux parties ont procédé à l'évaluation du bilan de leur coopération dans tous les domaines. Dans cet entretien, Menouar Alem, ambassadeur, chef de la Mission du Maroc auprès de l’UE, fait un tour d’horizon des relations entre Rabat et Bruxelles. Pour le diplomate marocain, la mise en œuvre des réformes engagées par le Maroc, sous la conduite éclairée de S.M. le Roi Mohammed VI, est de nature à conforter le Partenariat Maroc-UE dans un cadre mutuellement bénéfique.

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Le Matin : Quel bilan faites-vous des relations du Maroc avec l’UE ?
Menouar Alem : L’Union européenne est le premier partenaire commercial du Maroc. Le volume des échanges est de l’ordre de 304 MMDH (27,24 milliards €) en 2013, soit 53% du commerce extérieur du Maroc. Depuis l’entrée en vigueur de l’Accord d’association en mars 2000, nos échanges commerciaux ont connu une évolution ascendante durant les douze dernières années, enregistrant un taux de croissance annuel moyen de 7%. Mais, l’évolution des relations entre le Maroc et l’UE ne se limite pas à la seule composante commerciale. Elle est la résultante de plus de quatre décennies de collaboration qui ont permis aux deux partenaires de renforcer et développer de manière tangible une coopération win-win dans les domaines politique, économique et social. L’Accord d’association a ouvert le champ à la conclusion de plusieurs accords (pêche, agriculture, Open Sky, recherche scientifique…). Les avancées réalisées par notre pays dans l’approfondissement des réformes endogènes ont impacté de manière positive ses relations extérieures, notamment au niveau régional par l’adoption du Statut avancé Maroc-UE, en 2008, et l’accomplissement des engagements pris dans le cadre du premier Plan d’action de la Politique européenne de voisinage.
Dans le même sens, la mise en œuvre des réformes engagées par le Maroc sous la conduite éclairée de S.M. le Roi Mohammed VI, à l'image de l'adoption d'une nouvelle Constitution et la mise en place d’un modèle de développement économique, ainsi que son aspiration à davantage de rapprochement avec l’UE, est l’expression de la volonté de conforter les acquis de cette coopération et d’intensifier le Partenariat Maroc-UE dans un cadre mutuellement bénéfique. Les deux parties poursuivent la réalisation des objectifs tracés dans le nouveau Plan d’action du Statut avancé et discutent actuellement de plusieurs créneaux de coopération (Accord de libre-échange complet et approfondi, Partenariat pour la mobilité, Convergence réglementaire, Agences et Programmes communautaires…). La tenue du Conseil d’association Maroc-UE hier à Bruxelles témoigne de la régularité des consultations entre les deux parties en vue de renforcer davantage ce partenariat stratégique entre le Maroc et l’UE.

Comment percevez-vous le volume et la nature du soutien apporté par l’UE aux grands chantiers menés par le Maroc ?
Le soutien de l’UE à cette approche marocaine de modernisation politique et d’ouverture économique et sociale est présent dans le cadre des structures de travail existantes entre les deux parties, notamment les dix sous-comités thématiques. S’agissant du soutien financier, le Fonds MEDA et l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) ont été destinés à l’appui des politiques publiques, en particulier des secteurs prioritaires de la Santé, l’Éducation, la Formation professionnelle, la Justice, l’Administration publique…
L’IEVP a été institué par l’UE pour accompagner la mise en œuvre des priorités établies d’un commun accord dans le cadre de la Politique européenne de voisinage. La nouvelle répartition de la coopération financière de l’UE dans le voisinage a consacré le positionnement du Maroc à l’échelle régionale Sud et Est. Notre pays en est le principal bénéficiaire dans cette région, ce qui témoigne de la volonté de l’UE de poursuivre son soutien politique et financier à la mise en œuvre des grands chantiers menés par le Maroc et des objectifs communs.
Ce soutien pour le Maroc, le plus important dans la région, avoisinera les 800 millions d’euros pour la période 2014-2017. Mais le Maroc et l’UE nourrissent l’ambition de renforcer ce Partenariat en identifiant de nouveaux instruments susceptibles de concrétiser les nouveaux objectifs tracés d'un commun accord. Le soutien de la Banque européenne d’investissement aux projets d’envergure, notamment ceux portant sur la réalisation des projets d’infrastructures comme le Tramway Rabat-Salé ou la Centrale solaire d’Ouarzazate, est un exemple à élargir à d’autres bailleurs et fonds européens.

Quelle lecture faites-vous de la nouvelle composition du Parlement européen après les dernières élections parlementaires européennes ?
Le Parlement européen (PE) demeure une institution européenne très importante, notamment depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne de 2009 qui donne davantage de pouvoirs législatifs à cette instance. Le suivi particulier par le PE des accords de l’UE avec les pays tiers est devenu plus rigoureux. Dans cette perspective, les relations du Maroc avec l’UE sont de plus en plus soulevées dans les différentes instances concernées du PE, notamment les accords commerciaux comme ceux de la pêche et de l’agriculture. Les questions relatives notamment à notre cause nationale aux droits de l’Homme dans nos provinces du Sud sont aussi évoquées au sein de cette institution européenne. Dans ce cadre, il y a lieu de souligner que le Maroc et le Parlement européen entretiennent de bonnes relations et je me félicite de cette dimension parlementaire importante du partenariat stratégique Maroc-UE. Une telle dimension a été approfondie depuis l’adoption du Statut avancé en 2008. Dans ce cadre, une commission parlementaire mixte a été créée en mai 2010 dans le but de renforcer les liens entre les Parlements européen et marocain.
Là, je tiens à saluer le travail accompli par cette Commission qui vient d’ailleurs d’être reconstituée en novembre dernier et qui constitue un espace pour faire connaître les chantiers de réforme lancés par le Maroc dans plusieurs domaines. Lors de ses réunions, l’accent est également mis sur le bilan des relations et des négociations en cours avec l’Union européenne et ses travaux sont sanctionnés par l’élaboration d’une série de recommandations qui sont soumises au Conseil d’association Maroc-UE. Par ailleurs, le Maroc dispose aussi d’un groupe d’amitié UE-Maroc au Parlement européen qui a été créé le 22 juin 2011. Ce groupe, qui réunit des eurodéputés de différentes nationalités et de différents groupes politiques, a pour vocation d’être un forum permettant d’échanger sur les aspects politiques et socio-économiques du Maroc au sein de cette institution européenne. À cet égard, je voudrais mentionner l’existence au sein du PE d’eurodéputés qui critiquent cette relation particulière entre le Maroc et l’UE et ne semblent pas accompagner positivement cette dynamique. Ils affichent généralement des arguments excessivement politisés visant à polluer les relations bilatérales entre le Maroc et l’UE.

Le fait que l’UE se soit élargie vers des pays de l’Est ne pourrait-il pas influencer les relations de l’Union avec les pays du sud de la Méditerranée ?
Le processus d’élargissement de l’UE a commencé depuis plus de quarante ans. Les adhésions successives ont répondu à une aspiration continentale de poursuivre la mise en place d’un projet européen commun. Le dernier élargissement de l’UE aux pays de l’Est a reconfiguré les frontières européennes dans cette région. Néanmoins, le voisinage Sud et Est demeure au centre des politiques européennes, car cela répond à une préoccupation commune de poursuivre la mise en place d’un projet de paix et de prospérité partagée. C’est dans cette perspective qu’a été initiée la Politique européenne de voisinage, en 2003, proposant à l’ensemble des composantes de l’UE et aux pays partenaires de tendre vers plus de complémentarité et de synergie dans les différents domaines de coopération, en vue de parvenir à un dialogue politique plus fort et une intégration économique plus importante. Actuellement, cette politique importante de l’UE est en concordance avec les cadres régionaux existants, notamment le Processus de Barcelone (renforcé depuis par l’Union pour la Méditerranée) qui instaure des relations multilatérales entre l’UE et ses partenaires du Sud et le Partenariat oriental, cadre de coopération régional avec le voisinage Est de l’Europe. La PEV a, jusqu’à présent, enregistré des avancées importantes qui devraient être consolidées par une offre de perspectives politiques, économiques, sociales et contractuelles nouvelles pour les pays partenaires, et notamment ceux qui, comme notre pays, revendiquent un ancrage stratégique à l’Europe et assument des objectifs de réformes similaires à ceux des pays candidats à l’adhésion.

Quel bilan pouvez-vous dresser du Statut avancé ainsi que des pourparlers pour la mise en place de l’ALECA dans ce contexte ?
Le Maroc et l’UE ont adopté un document conjoint sur le Statut avancé qui trace une feuille de route ambitieuse autour des trois axes majeurs. Le premier axe, politique et stratégique, incite au renforcement des canaux de dialogue et de concertation (approfondissement du dialogue politique et stratégique, institutionnalisation du dialogue entre les Parlements marocain et européen, etc.). Le deuxième axe est économique et vise l’intégration poussée de l’économie marocaine à celle de l’UE. Quant au troisième axe, il a une dimension humaine, et porte sur le renforcement des échanges culturels, éducatifs et scientifiques et la promotion d’espaces de dialogue et de concertation et d’échange entre les sociétés civiles des deux partenaires. Cela dit, plusieurs actions ont été entreprises dans le cadre du Statut avancé. Dans le domaine politique, la coopération Maroc-UE s’est intensifiée et institutionnalisée davantage, à travers notamment la tenue du premier Sommet Maroc-UE (mars 2010 à Grenade), l’institutionnalisation du dialogue politique, le renforcement du dialogue parlementaire qui s’est concrétisé par la mise en place de la Commission parlementaire mixte Maroc-UE. Il y a aussi la consolidation de la coopération avec le Conseil de l’Europe et ses organes, notamment le Centre Nord-Sud, la tenue de plusieurs rencontres entre les responsables marocains et les représentants des différents Comités thématiques du Conseil de l’UE. Au niveau multilatéral, la dynamique du Statut avancé s’est traduite par la concertation au niveau du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies. Dans le domaine économique, deux accords ont été signés portant sur la libéralisation des produits agricoles et le Mécanisme de règlement des différends (à caractère commercial). Il y a aussi l’ouverture des négociations et des discussions sur un Accord de libre-échange complet et approfondi (incluant investissement et services), la Convergence réglementaire, l’évaluation de la conformité et l’acceptation des produits industriels (ACAA), sans oublier bien sûr le renforcement de la coopération dans les domaines sectoriels (Énergie, Agriculture, Transport, Environnement, Eau ou encore les Politiques d’entreprise). Pour ce qui est de la dimension humaine, elle se manifeste à travers les discussions relatives aux axes principaux de cette coopération (Enseignement et Migration notamment), visant à la facilitation de la circulation entre les deux rives. Ces discussions visent le rapprochement des systèmes marocains de l’Espace européen d’enseignement supérieur, de recherche scientifique et de formation. En matière de migration, le Maroc préconise une approche globale basée sur la responsabilité partagée, le développement, la lutte contre la migration illégale, la gestion des flux migratoires légaux, la consolidation des droits acquis des migrants installés en Europe et la mise en œuvre du Partenariat pour la mobilité, dont l’élément social est un facteur essentiel. Le Royaume est favorable dans ce cadre de l’implication croissante des acteurs non étatiques et de la société civile marocaine dans ce processus. Quant à l’ALECA, il fait partie des avancées réalisées dans le cadre du Statut avancé. Les négociations se poursuivront, tenant compte des résultats de l’étude d’impact lancée par la partie marocaine et des attentes des opérateurs privés.

Le statut avancé exige du Maroc de se conformer aux normes européennes. Qu’est-ce qui reste à faire dans ce sens, selon vous ?
Effectivement, l’adoption par les deux parties, en octobre 2008, du document conjoint sur le Statut avancé a ouvert des perspectives ambitieuses en matière d’ancrage du Maroc au Marché européen en fixant comme objectif l’établissement d’un Espace économique commun, régi par des principes et des règles uniformes, dont l’un des principaux axes est le rapprochement du cadre législatif du Maroc de l’acquis communautaire. Conscients de la portée de cet exercice, le Maroc et l’Union européenne ont convenu, dans le cadre du Plan d’action pour la mise en œuvre du Statut avancé, de l’adoption d’un Programme national de convergence réglementaire (PNCR) à l’horizon de 2015, dont la mise en œuvre sera séquencée, progressive, équilibrée et graduelle. Cette mise en œuvre sera en harmonie avec les priorités nationales marocaines et la capacité d’absorption du Maroc de l’acquis communautaire.

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