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«Moins de 1% des Marocains font don de leur sang, alors que la moyenne de l’OMS est de 3%»

D’après Mohammed Benajiba, directeur du Centre national de transfusion sanguine et d’hématologie, le Maroc est très loin de la moyenne internationale de don du sang. En effet, les campagnes de sensibilisations n’ont permis de toucher que 1% de la population en état de faire don de son sang au cours du trimestre 2014. On est donc en deçà de la moyenne recommandée par l’Organisation mondiale de la santé et qui est de 3% de la population.

«Moins de 1% des Marocains font don de leur sang, alors que la moyenne de l’OMS est de 3%»
Mohammed Benajiba, directeur du Centre national de transfusion sanguine et d’hématologie.

Le Matin : Les centres de transfusion sanguine souffrent du manque de stock du sang, cela est-il dû à la rareté des donneurs ou bien à la demande accrue sur cette substance vitale ?
Mohammed Benajiba : Je pense que cette situation est la résultante des deux facteurs que vous avez évoqués. Mais ce qu’il faudrait savoir, c’est que si le stock diminue, c’est parce qu’il n’y a pas assez de donneurs. Nous avons étudié le profil des donneurs potentiels et nous avons réalisé qu’il existait plusieurs cas de figure. La population est en effet composée de plusieurs catégories. D’abord celle qui ne peut pas faire don de son sang, parce c’est médicalement contre-indiqué. Cette catégorie reste toutefois minoritaire. Ensuite vient la catégorie des gens qui ne veulent pas effectuer un don de leur sang sous prétexte qu’il y a risque de contamination. Mais il y a une troisième catégorie qui est tout simplement indifférente à l’idée de donner du sang pour sauver des vies. À cette population, j’adresse un message : il faut changer de comportement parce qu’un jour vous aurez peut-être besoin du sang des autres. En effet, selon les statistiques de l’Organisation mondiale de la santé, 60% de la population nécessite une transfusion une fois dans la vie. Ainsi, le don de sang pourra sauver non seulement la vie des autres, mais également votre vie. Il suffit de mobiliser 10 minutes qui représentent le temps nécessaire pour effectuer un don de sang pour sauver une vie.

Quelle est la moyenne journalière de donneurs de sang enregistrée dans les centres de transfusion sanguine ?
Nous avions près de 5.328 poches de sang comme stock national durant la journée du vendredi dernier, ce qui représentait l’équivalent d’une consommation de 5 jours. Mais grâce à l’appel à dons que nous avons lancé au cours de la semaine dernière, nous avons pu recueillir plus de 500 dons durant le week-end dernier, ce qui a porté le volume du stock à 6 jours au lieu de 5. Force est de constater en effet que l’appel a permis de générer une mobilisation très importante de bénévoles.

Quel est le stock nécessaire pour éviter de tomber dans la phase critique caractérisé par un stock limité de sang ?
Comme vous le savez, il existe trois phases en termes de gestion des stocks de sang. La première phase, dite phase verte, est atteinte lorsque le stock disponible couvre une consommation de sang dépassant les 7 jours. Vient ensuite la phase jaune, caractérisée par l’existence de 4 jours de stock seulement. Enfin, la phase rouge, qui représente d’ailleurs la phase la plus critique, est déclarée lorsque le stock de sang ne suffit pas à plus de 2 jours de consommation. Au cours des dernières semaines, la diminution significative du stock a fait que nous étions sur le point de frôler cette phase critique, d’où cet appel au don lancé en urgence.

Comment justifiez-vous le fait que cette période critique survienne toujours pendant l’été ?
Cette situation n’est pas propre au Maroc. C’est une situation constatée à l’échelle mondiale. Comment vous le savez, la période de l’été est considérée comme une période de vacances et de congé. Le personnel chargé de la collecte de sang n’est disponible qu’à hauteur de 50%. Les donneurs se font de plus en plus rares également au cours de cette période. Ce qui conduit à un ralentissement de l’opération de collecte de sang, ce qui se répercute rapidement sur le stock qui finit par s’épuiser. Cette année a connu une diminution plus importante par rapport aux années précédentes à cause de l’avènement du Ramadan. Peu de citoyens prenaient en effet l’initiative de faire don de leur sang durant la journée du jeune. Tous les centres de transfusion se trouvaient en effet dans l’obligation de mobiliser le personnel des centres 4 heures après la rupture du jeûne dans l’espoir de pouvoir accueillir des bénévoles, mais il y avait très peu de donneurs.

Mais pourquoi ne pas anticiper ce manque en lançant un appel à don au mois de juin par exemple ?
Ce qu’il faudrait savoir d’abord, c’est que tous les produits sanguins ont une durée de vie très limitée. Par exemple, la durée de vie des plaquettes ne dépasse pas les cinq jours. Le centre est amené à étudier en fonction du stock disponible les périodes convenables où il faudra lancer une campagne de sensibilisation de peur de constituer un stock qui sera par la suite périmé. Cela dit, le centre lançait chaque année au cours de cette période, régulièrement et au moment opportun, un appel à don afin de constituer un stock de 3 à 4 semaines qui lui permettait d’éviter d’atteindre la phase critique. Or ce qui s’est passé cette année, c’est que nos derniers appels n’ont pas généré une mobilisation significative des citoyens. Très peu de donneurs se sont présentés aux centres. Cette situation était alarmante. Il fallait donc réagir au plus vite à travers le lancement de cette campagne de sensibilisation.

La moyenne nationale est-elle supérieure ou inférieure à la moyenne internationale en termes de don de sang ?
On est très loin de la moyenne internationale. Nous n’avons pu toucher que 1% de la population en état de faire don de son sang au cours de ce trimestre. Ce chiffre n’a d’ailleurs pu être atteint que dernièrement, suite à cette campagne de sensibilisation qui a permis de mobiliser un nombre important de citoyens. Il faut savoir que la moyenne générale était de 0,85% seulement. Or l’Organisation mondiale de la santé recommande que 3% de la population fasse un don de sang pour disposer d’un stock important et régulier de sang. En France par exemple, 4% de la population fait un don de sang chaque année.

Comment peut-on donc surmonter cette situation à votre avis ?
Je pense qu’il faudra œuvrer d’abord à changer les mentalités et impliquer davantage les gens indifférents dans ce processus à travers des campagnes de sensibilisation de proximité. Ce qu’il faudrait savoir c’est que l’action de sensibilisation n’est pas l’apanage du seul ministère de la Santé, mais l’affaire de tous, à commencer par les organismes de la société civile, les différentes institutions, les médias ainsi que tous les citoyens. La responsabilité est en effet partagée. Par ailleurs, je pense qu’il faudra développer la culture du don régulier.

Justement, combien de fois peut-on donner du sang sans que cela représente un danger pour la santé du donneur ?
Un donneur de sexe masculin peut donner du sang jusqu’à 5 fois par an sans aucun problème, alors qu’une femme peut faire un don du sang jusqu’à 4 fois par an. Vous savez, nous avons récolté en 2013 plus de 300.000 dons. Pour atteindre le chiffre de 900.000, il suffit qu’un donneur fasse don de son sang trois fois par an. Cette action pourra facilement sauver trois vies. Ce chiffre pourra garantir à tous les centres de transfusion sanguine un stock qui leur éviterait de tomber dans les phases critiques, et nous permettrait également de nous aligner sur la moyenne internationale.

Justement, pourquoi ne recourez-vous pas aux campagnes de sensibilisation pour atteindre cet objectif ?
Les campagnes de sensibilisation ne résolvent pas vraiment le problème. Lorsque nous lançons une campagne, nous avons assez souvent un afflux assez important de citoyens qui viennent faire don de leur sang que nous n’arrivons pas toujours à bien gérer à cause du manque de personnel. Malgré la mobilisation de toutes nos équipes au niveau des structures de collecte de sang, nous n’arrivons pas à accueillir tous les donneurs dans les meilleures conditions. Ce qui peut causer quelques désagréments, les citoyens sont souvent appelés à attendre leur tour. Les centres sont souvent bondés, ce qui fait assez souvent des mécontents parmi les bénévoles. La solution à mon avis serait donc que chacun s’évertue à faire don de son sang de manière régulière et ne pas attendre le lancement d’une campagne pour prendre cette initiative.

Certains donneurs éventuels expriment des craintes quant aux conditions de collecte de sang. Que pourriez-vous leur dire pour les rassurer ?
Je pense que le citoyen ne doit pas avoir ce comportement négatif. Je demande à chaque citoyen nourrissant un doute sur le matériel de venir voir sur place si le matériel utilisé est stérilisé ou non. Mais j’appelle les citoyens marocains à être responsables en arrêtant de diffuser les fausses rumeurs qui font fuir des donneurs potentiels. Si vous avez des doutes, venez vérifier par vous-mêmes. Tout le matériel déployé pour la collecte de sang est non seulement stérilisé, mais il est à usage unique.

Le don de sang a-t-il des effets sur la santé du donneur ?
Au contraire, le don du sang est un moyen thérapeutique curatif et préventif. Un nombre important d’études randomisées, menées sur un groupe de donneurs et un autre groupe de non-donneurs de sang, avaient révélé la fréquence des maladies cardiaques (dites thrombotiques) et avaient prouvé de manière scientifique que les donneurs de sang faisaient moins de complications cardiaques thrombotiques que les non-donneurs de sang. Mieux encore, des chercheurs de renommée internationale encourageaient leurs patients à faire des dons de sang réguliers pour traiter des migraines et des ulcères. Le don de sang permet par ailleurs de stimuler le bon fonctionnement de plusieurs organes dans le corps humain, notamment la moelle osseuse.

Avez-vous une stratégie pour encourager le don de sang ? Quelles en sont les grandes lignes ?
Le ministère de la Santé a mis en place, il y a deux ans, une stratégie pour encourager le don de sang. Cette dernière s’articule autour du renforcement des équipes mobiles afin d’encourager les citoyens ne disposant pas d’assez de temps pour se rendre au centre de collecte de sang à donner leur sang au niveau des unités mobiles. Au niveau de Rabat, on compte actuellement 4 équipes mobiles.
À Casablanca, nous pouvons nous targuer d’avoir 5 équipes mobiles. D'autres villes, à savoir Fès, Marrakech et Agadir, disposent chacune d’une unité mobile. Nous avons procédé également à l’acquisition d’un camion spécial pour assurer la collecte du sang. Par ailleurs, et partant de la conviction que nous ne pouvons pas travailler seuls, nous sommes sur le point de conclure de nombreux partenariats avec des associations de collecte de sang, des ministères, ainsi que des acteurs institutionnels et des médias dans la perspective de tracer un plan d’action commun visant la promotion du don de sang.

Combien coûte une poche de sang et pourquoi est-elle payante, alors que le citoyen fait gratuitement un don de son sang ?
Il faut savoir une chose. Ce qui est gratuit, c’est le sang. Ce que les citoyens paient en achetant une poche de sang c’est la qualification et l’expertise biologique de cette substance vitale. Après le don de sang, ce dernier ne peut pas être administré automatiquement au malade.
Nous devons effectuer des tests afin de nous assurer que ce sang ne comporte aucun risque. Chaque don du sang subit une série d’analyse incluant les tests de dépistage du virus HIV (le sida), l’hépatite B et C et la syphilis. L’ensemble de ces tests coûte 1.200 DH. Les centres de transfusion vendent chaque poche de sang à 360 DH, ce qui est loin de son coût de revient. Il faudra savoir, par ailleurs, que les frais de poches de sang sont remboursés par les mutuelles et le Ramed, et le patient ne paie généralement aucune contrepartie.

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