Menu
Search
Jeudi 25 Avril 2024
S'abonner
close
Jeudi 25 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Spécial Marche verte

«Le Maroc a un patrimoine paléontologique unique au monde»

Des fossiles du Spinosaurus, le plus grand dinosaure prédateur semi-aquatique, ont été retrouvés au Maroc. Cette découverte est le fruit des travaux de recherche d'une équipe de scientifiques de l'Université de Chicago, dirigée par le paléontologue marocain Nizar Ibrahim, qui nous parle ici de sa découverte.

«Le Maroc a un patrimoine  paléontologique unique au monde»
Nizar Ibrahim, paléontologue et chercheur de l'Université de Chicago.

Le Matin : Parlez-nous de votre découverte des fossiles des Spinosaurus
Nizar Ibrahim : Ces nouveaux fossiles proviennent du Sud marocain. Pour moi, c’était un vrai travail de détective. En fait, j’ai appris qu’un fouilleur à Erfoud avait trouvé ces fossiles. Il fallait donc localiser le site et le retrouver. La reconstruction a été basée sur des ossements de Spinosaurus que j'ai étudié dans des collections universitaires et muséologiques. Cet animal est vraiment incroyable : c'est le plus grand dinosaure prédateur et le premier dinosaure dont on sait qu'il passait une grande partie de son temps dans l'eau.

Vous avez été nommé «jeune explorateur» par le National Geographic, qu'est-ce que cela représente pour vous ?
C'était un grand honneur. Cela veut dire que je deviens un ambassadeur mondial pour la Société National Geographic, et que l'organisation me soutient dans mes projets de recherche et d'exploration.

Vous avez exprimé le vœu de voir votre découverte des fossiles des Spinosaurus exposée dans un musée spécialisé au Maroc ? Que pouvez-vous nous dire sur le manque de musée de paléontologie dans notre pays ?
Le Maroc a un patrimoine paléontologique pratiquement unique au monde. C'est comme un grand livre de l'évolution de notre planète, avec des fossiles qui représentent les grandes étapes de la vie. Ces trésors doivent être exposés dans des musées au Maroc. Je rêve de voir un grand musée national, construit selon une architecture traditionnelle et abritant des merveilles qui retracent l'histoire naturelle. En plus de l'importance scientifique, cela sera aussi un très grand atout touristique. En effet, les grands musées d'histoire naturelle du monde attirent de nombreux visiteurs.

D'après vous, la paléontologie est-elle reconnue au Maroc ?
Je pense, malheureusement, que très peu de Marocains s’intéressent à la paléontologie et savent que leur pays est une véritable caverne de trésors paléontologiques. À mon avis, c'est quelque chose qui doit changer afin de pouvoir conserver ce patrimoine, sinon ces trésors vont être éparpillés et exposés partout dans le monde, sauf au Maroc.

Parlez-nous des conditions de travail des paléontologues.
Le travail d’un paléontologue est aussi diversifié que passionnant. Il y a une partie du travail qui doit se faire sur le terrain, face aux tempêtes de sable et à la chaleur du Sahara, mais il y a aussi le travail dans le laboratoire (préparation des fossiles, reconstruction digitale, interprétation des résultats), en plus de l’enseignement (anatomie, zoologie).

Quels sont les risques liés au transport des fossiles ?
Les fossiles sont enveloppés dans des couches de plâtre pour les transporter du désert au laboratoire. Il faut parfois recoller des pièces. Et parfois, il faut transporter des pièces assez spéciales. Il y a quelques années, on a transporté plusieurs squelettes humains vieux de milliers d'années d'un site au Niger jusqu'aux États-Unis pour une étude détaillée.

Le Maroc est une terre riche en fossiles, où sont-ils localisés ?
En effet, il y a énormément de sites fossilifères au Maroc. La localisation de ces fossiles dépend de chaque spécialité. En ce qui me concerne, j’effectue la majorité de mes recherches dans la région du Sud (Erfoud), pour d'autres ça peut être l'Atlas…

Quelle est l'importance des dernières découvertes de fossiles au Maroc ?
Les découvertes des fossiles de dinosaures nous permettent de mieux comprendre l'évolution de ces espèces incroyables. Les informations que nous possédons sur les dinosaures d'Afrique ne sont pas nombreuses, et les découvertes marocaines nous permettent de mieux comprendre leur rôle à une échelle globale. L'étude de ces mondes perdus nous permet aussi de mieux comprendre les conséquences des grands changements actuels (climat, disparition des espèces). Notre planète a passé des moments semblables dans le passé et la paléontologie est la seule source d'information qui peut vraiment nous permettre de comprendre comment des écosystèmes répondent aux grands changements dans l'environnement, le climat et la biodiversité.

Le pillage des fossiles est un des fléaux auxquels est confronté le Maroc, comment se passe ce trafic illégal ?
Il y a toute une organisation pour le trafic des fossiles. C'est une histoire compliquée. Les gens locaux font des découvertes importantes, comme c'est le cas dans beaucoup de pays au monde. Malheureusement, le manque de musées marocains, le peu d'intérêt et le fait qu'on n'apprécie pas à leur juste valeur ces trésors paléontologiques ont créé une situation où beaucoup de spécimens importants quittent le pays. J'essaye de changer cela avec mes collègues marocains. On a établi une collection de recherche à Casablanca (Faculté des sciences de Aïn Chock) et il y a des plans de musées. J'ai aussi discuté de ces sujets avec l'ambassade du Maroc aux États-Unis et je pense que nous allons assister à de réels progrès très bientôt.

Lisez nos e-Papers