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Les alliances contre nature compromettent l’efficacité des conseils communaux

La plupart des alliances politiques scellées au niveau local ne répondent à aucun fondement idéologique ou partisan. Les majorités au sein des conseils locaux sont souvent fragiles et sources de bon nombre de blocages. La révision du cadre juridique pourrait mettre fin aux dysfonctionnements relevés ici et là.

Les alliances contre nature compromettent l’efficacité des conseils communaux
L’absence d’une référence morale, politique ou juridique qui définit les alliances locales est la cause principale

À près d’un an des élections communales, la question des alliances est remise au goût du jour. Certains acteurs politiques défendent l’idée de la nécessité de sceller des accords préélectoraux alors que d’autres estiment qu’il est difficile de respecter les engagements des directions des partis politiques au niveau local. L’expérience a, en effet, montré que les partis politiques n’avaient presque aucune emprise sur leurs élus locaux en matière de formation des coalitions locales. Souvent, celles-ci ne répondent à aucune logique ni idéologique ni politique. Les alliances se font et se défont au gré des intérêts des élus locaux. Les dirigeants des formations politiques avouent n’avoir aucun pouvoir sur leurs conseillers. Une situation qui crée parfois des blocages au niveau de la gestion des affaires locales en raison des calculs purement politiciens entre conseillers. À titre d’exemple, à Rabat, le président du conseil municipal, Fathallah Oualalou, est confronté en permanence à de grands défis en raison des guéguerres entre les élus de différentes couleurs politiques, bien que la maire de la capitale ait essayé de sauver sa majorité fragile en y intégrant tous les partis politiques. «Officiellement, tout le monde appartient à la majorité au conseil de la ville de Rabat, mais paradoxalement, les élus pratiquent l’opposition», précise un conseiller du Parti de la justice et du développement. À Casablanca, le maire Mohamed Sajid s’est trouvé, rappelons-le, à plusieurs reprises abandonné par ses alliés en raison de l’absence d’une majorité homogène aux commandes. Le même constat est enregistré au sein d’autres conseils locaux. Il faut dire que les alliances entre les formations politiques au niveau local n’obéissent pas toujours à la même logique que sur le plan national. L’absence d’une référence morale, politique ou juridique qui définit les alliances locales est la cause principale de la balkanisation des conseils locaux et régionaux, d’après certains observateurs qui estiment qu’une lourde mission incombe aux partis politiques pour lutter contre l’opportunisme, changer les mentalités et imposer la culture de la discipline auprès de leurs militants. Sans une réglementation des alliances au niveau local, l’anarchie marquera toujours la formation des majorités au niveau des conseils communaux et régionaux, selon le professeur de sciences politiques Miloud Belkadi.

Mais cet avis n’est pas partagé par le député du parti de la rose Hassan Tarik qui souligne qu’il est très difficile d’imaginer une loi réglementant les alliances. Par contre, le redressement de l’impact négatif de la pluralité de la représentativité des partis politiques au sein des conseils locaux pourrait faire l’objet d’une réglementation, d’après cet ittihadi. Il s’agit notamment de renforcer les prérogatives du président pour qu’il ne soit pas en proie aux turbulences causées par les alliances contre nature. «L’idée est aussi de séparer la gestion administrative de celle politique en accordant aux conseillers un rôle purement politique afin d’éviter qu’ils soient absorbés par la gestion quotidienne», explique M. Tarik. Ce député s’attend à ce que les alliances contre nature demeurent toujours posées au niveau local en raison de «la nature des élites électorales», bien que cette situation ne favorise pas le développement de la gestion des affaires locales en raison du manque d’homogénéité entre les partenaires locaux.

Par ailleurs, si certains pensent que les coalitions scellées localement doivent être à l’image de l’alliance au niveau national, nombreux sont ceux qui réfutent cette idée. Le député du Parti de la justice et du développement Mohamed Reda Benkhaldoune est catégorique : les élections communales diffèrent des législatives et les alliances ne peuvent pas être gérées selon la même logique nationale, d’autant plus que le mode de scrutin ne favorise pas l’émergence de grands pôles. La solution réside, selon lui, dans l’instauration d’un seuil de représentativité permettant au parti qui arrive en tête des élections d’obtenir une majorité confortable. 


Entretien avec Miloud Belkadi

«Les alliances locales restent marquées par l’anarchie»

Quel regard portez-vous sur les alliances politiques au niveau des conseils locaux ?
Les alliances au niveau local sont anarchiques. Les partis politiques n’ont aucun pouvoir sur leurs représentants au niveau local pour les inciter à sceller des alliances à l’image de celles qui sont conclues sur le plan national. L’État et les partis politiques sont obligés, dans le cadre du projet de loi organique relatif à la régionalisation, de définir clairement la manière de réglementer les alliances au niveau local.

Pourquoi doit-on organiser et réglementer les alliances au niveau local ?
L’objectif est d’éviter la balkanisation des conseils locaux et des conseils régionaux et mettre fin au manque de stabilité de ces conseils. D’après les statistiques, les alliances au niveau des conseils ne dépassent pas un an ou un an et demi. La formation des coalitions au sein des conseils entre les partis n’est pas basée sur une charte morale, idéologique ou politique. L’anarchie caractérise, en effet, ces alliances.

À quoi est due, selon vous, cette anarchie ?
Il existe différents facteurs. Les partis politiques manquent d’encadrement, de culture politique et de la notion d’engagement politique. Malheureusement, les formations partisanes n’imposent pas au niveau local les vrais militants. Leur but principal est de gagner des voix au niveau local. Pour arriver à cette fin, les formations politiques cherchent n’importe quel candidat qui peut gagner des voix. À cela s’ajoute l’absence d’une loi qui interdit aux conseillers de violer ou de changer les alliances.

Mais, même dans d’autres pays, la question des alliances n’est pas réglementée. Pourquoi le Maroc aurait-il besoin d’une réglementation en la matière ?
Dans d’autres pays, comme en Europe, on n’a pas besoin d’une telle loi, en raison de l’engagement politique des conseillers. L’anarchie totale n’y existe pas. La conscience politique est présente dans ces pays où les alliances se font et restent stables pendant tout le mandat électoral. Chez nous, une alliance dure rarement pendant tout le mandat.

La signature d’une charte éthique serait-elle suffisante pour atteindre les objectifs escomptés ?
Il est temps d’élaborer une charte éthique autour de cette question. Mais je pense qu’il faut adopter une loi en la matière. L’absence de démocratie sur le plan local ainsi que le retard accusé au niveau du développement sont dus à la nature des alliances qui sont scellées. Malheureusement, les présidents se trouvent confrontés à la nécessité de gérer leurs alliances au lieu de se consacrer à leur véritable travail, la gestion des affaires locales.

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