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Comment gérer les crises de jalousie dans la fratrie ?

Qui dit frères et sœurs, dit forcément jalousie. Les rivalités fraternelles sont presque inévitables dans toutes les familles, ce qui est souvent difficile à gérer pour les parents.

Comment gérer les crises  de jalousie dans la fratrie ?
Les rapports entre frères et soeurs peuvent être source de stress et de conflit si les parent n'y mettent pas bon ordre.

Les querelles et les mésententes font partie du quotidien de la majorité des familles, surtout celles qui se composent de plusieurs frères et sœurs. Entre amour et haine, complicité et compétition, entraide et jalousie, les relations dans une même fratrie ne sont jamais un long fleuve tranquille, ce qui est toujours difficile à supporter pour les parents. On a beau prévenir l'aîné que dans neuf mois, un petit frère ou une petite sœur allait venir à la maison pour y rester, qu'il ou elle allait faire un peu de bruit et mobiliser un peu de l'attention qui jusqu'alors lui était exclusivement réservée, le message ne passe pas toujours.

L’arrivée d’un frère ou d’une sœur est une source de stress pour l’enfant, car il ressent tous les changements qu’amène le bébé dans sa routine. Dès la naissance du petit dernier, les parents commencent à remarquer un changement dans le comportement de l'aîné. Celui-ci fait des crises, se jette par terre pour un oui ou pour un non, réunit tous les jouets dans sa chambre (même ceux auxquels il ne portait plus aucun intérêt depuis plusieurs mois), l’heure du repas devient difficile…, ce qui est plutôt compréhensible. Chez les jeunes enfants, le sentiment de jalousie est «naturel». On n'accepte pas facilement de ne plus être le centre du monde ; un sentiment souvent amplifié par la rivalité œdipienne née de la compétition avec le nouveau venu pour l'amour du parent de sexe opposé. Certains spécialistes disent même que la jalousie est plutôt un bon signe, elle signifie que l’enfant réalise qu’une nouvelle organisation se met en place. Si les parents ne sont pas trop angoissés, cette jalousie disparaîtra naturellement, mais cela risque de perdurer si les parents s’embarrassent de précautions pour «protéger» l’aîné. Par exemple, en évitant de s’occuper du bébé devant lui. Ce type d’attitude ne fait que conforter l’enfant dans le danger que représente le bébé.

Pour limiter la jalousie de l'aîné, il faut avant tout le rassurer. Répéter aussi souvent que possible que l'amour des parents pour leurs enfants n'est pas un stock fini qui doit se partager, mais au contraire une chose qui peut se reproduire à l'infini. Si les conflits sont perpétuels, les parents peuvent essayer d'y remédier en mettant en avant les qualités de chacun et en évitant les comparaisons excessives qui peuvent virer à l'obsession. Il faut également essayer de ne pas intervenir systématiquement dans leurs disputes. Cela peut leur apprendre des notions utiles comme le compromis, le partage et l'entraide. Toutefois, il faut toujours faire attention, car lorsque la jalousie utilise la violence pour s'exprimer, cela devient grave. Si l’enfant s'isole, se coupe du monde et des autres, c'est aussi un signal d'alarme. Cela peut se manifester par des régressions, des colères, un repli sur soi ou des troubles du sommeil et de l'alimentation. Il faut s’intéresser plus à lui et le rassurer sur sa place dans la famille. 

témoignage : Saïd, 36 ans,papa de Karim, 6 ans, et Khaoula, 2 ans

«Mes deux enfants se chamaillent tout le temps»

«J'ai deux enfants de 6 et 2 ans. Lorsqu’ils sont séparés, ils sont adorables, polis… mais lorsqu’ils sont ensemble, ils deviennent infernaux et ingérables. L’aîné est tout le temps jaloux de la petite. Il ne supporte pas que sa sœur ait ne serait-ce qu’un fil de plus que lui. Parfois, il est jaloux même des couches de sa sœur.
Du coup, ils passent leur journée à se disputer, à venir rapporter et parfois même à mentir. Leur maman et moi passons notre temps à crier et les punir. Le pire est qu’à force d'infliger les mêmes punitions, on a l'impression qu'elles ne servent plus à grand-chose. J’avoue que c’est une
situation stressante et très fatigante, surtout après une longue journée au travail. Nous n’avons presque plus aucun moment de répit et nous ne savons plus quoi faire pour résoudre ce gros problème».

Explications : Houda Hjiej, pédopsychiatre

«Les parents doivent faire attention à ne pas alimenter la rivalité entre frères et sœurs»

Comment naît la jalousie entre les frères et sœurs ?
La jalousie est l’expression d’un sentiment de rivalité face à l’arrivée d’un frère ou d’une sœur qui fait sortir le premier enfant de son sentiment de toute-puissance et de pouvoir inconditionnel sur le monde qui l’entoure.
Elle naît alors avec la naissance de l’autre, elle est inévitable et exprime la conscience que l’autre va prendre aussi de la place, mais quelle place ! Elle est donc inévitable, mais exprimée de façon différente d’un enfant à une autre et à des moments différents de la relation.
L’expression varie aussi selon le sexe et l’âge où l’enfant est exposé à ce sentiment et surtout aussi de l’attitude des parents vis-à-vis des enfants.

Comment les parents peuvent-ils gérer cette situation difficile ?
Il est important que les parents puissent reconnaitre ce sentiment comme étant légitime et normal. Après cela, les parents doivent être attentifs à respecter les besoins de chacun en fonction de son âge et de la nature de la relation que le premier enfant a déjà tissée avec les parents. Ceux-ci doivent prendre soin de consacrer du temps séparément à chacun des enfants et de les individualiser dans la façon de s’adresser à eux. Frères et sœurs, oui, mais différents et différenciés, et c’est justement à cela que sert d’avoir plusieurs enfants.

Comment faut-il agir lorsque l’enfant aîné est jaloux à l’arrivée du second ?
Tout changement peut être source de difficultés pour un enfant. L’arrivée d’un frère ou une sœur l’est d’autant plus que ce dont il est question, c’est la relation aux deux êtres les plus proches de l’enfant qui sont ses figures parentales. L’arrivée d’un nouveau-né vient questionner l’enfant sur ce qu’il doit céder sans tout perdre, sur la manière de s’ajuster dans une configuration nouvelle où on passe d’un acquis naturel à devoir négocier ce qui était jusque-là non seulement mien, mais parfois une partie de soi.

Quels conseils donneriez-vous aux parents afin d'apaiser les tensions à la maison ?
Comme on l’a dit auparavant, la question de la rivalité est celle de la place de chacun, et si les choses relatives aux places sont claires dans la tête des parents, ceux-ci permettront alors aux enfants de rivaliser pour mieux séduire et non pour survivre. Les parents devront alors faire attention à ne pas alimenter cette rivalité en la nourrissant de menaces dites ou insinuées ou en utilisant cette dynamique pour cliver et séparer. Car une rivalité saine peut être structurante pour les enfants. Les parents en sont souvent l’enjeu, il suffit qu’ils soient fiables et qu’ils s’adressent à chacun des enfants de la place qu’ils occupent en tant que parents garants d’une sécurité que rien ne menace.





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