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L’éligibilité des MRE, le gouvernement préfère temporiser

Les Marocains résidant à l’étranger jouissent des droits de pleine citoyenneté, y compris le droit d’être électeurs et éligibles. L’article 17 de la Constitution est clair. Les MRE peuvent voter et se porter candidats aux élections locales, régionales et nationales dans leur pays d’origine. Chaque année, en pareille époque, le débat sur la mise en œuvre de cette disposition constitutionnelle refait surface. La question a été évoquée devant le Chef du gouvernement lors de la célébration, le 10 août dernier, de la Journée du migrant. Le gouvernement préfère ne pas s’engager sur un échéancier précis. Il souligne qu’il faut attendre le moment opportun. Mais de leur côté, plusieurs partis ont émis de propositions visant la modification de la loi organique relative à la Chambre des représentants en vue de permettre aux MRE d’exercer leurs droits au vote et à l’éligibilité.

L’éligibilité des MRE, le gouvernement préfère temporiser
Le sujet de l'immigration est une question à laquelle doivent s'intéresser tous les parlementaires.

Les Marocains résidant à l’étranger (MRE) pourront-ils voter directement et se porter candidats lors prochaines échéances électorales. La question est d’actualité en cette période de grande affluence des MRE. Mais visiblement, le gouvernement refuse de prendre le moindre engagement. Lors de la célébration de la Journée du migrant, le 10 août dernier, le sujet a été évoqué, mais la réponse de Abdelilah Benkirane a été plutôt diplomatique. Sans esquiver la question, ses propos ont été assez vagues visiblement pour noyer le poisson. Le Chef du gouvernement s’est montré rassurant en soulignant que les MRE seront représentés, tôt au tard, au Parlement, mais qu'«il faut juste attendre le bon moment».

Les MRE vont donc devoir attendre. Car, même si le droit de voter et de se porter candidats est prévu dans la Constitution de 2011 et que plusieurs partis politiques ont déjà émis des propositions de loi dans ce sens, le gouvernement ne semble pas très pressé. De son côté également, le secrétaire général du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, Abdallah Boussouf, pense qu’il est encore tôt pour passer à l’application de ce droit constitutionnel. Dans un entretien accordé à un quotidien de la place, ce responsable a estimé qu’il fallait réunir plusieurs conditions avant de passer à la mise en œuvre de ce droit constitutionnel. Pour lui, la question de l’immigration ne doit pas concerner qu’un nombre limité de parlementaires représentant la diaspora ; c’est plutôt une question à laquelle doivent s’intéresser tous les parlementaires. La réticence de certains responsables à l'égard de ce droit se confirme à travers les déclarations de la parlementaire Nezha El Ouafi. Membre du parti au pouvoir, Parti de la justice et du développement (PJD), Mme El Ouafi souligne que les gouvernements successifs ont adopté une approche politicienne et une lecture réductrice vis-à-vis de cette question. Issue de l’immigration, cette parlementaire insiste sur le fait que le poids électoral des émigrés n'aurait aucune incidence sur la carte partisane. En tout cas, il faudra attendre la prochaine rentrée parlementaire. C’est durant cette session que les différentes propositions d’amendement de la loi organique 27-11 relative à la Chambre des représentants seront débattues. Certaines propositions, plus élaborées que d’autres, risquent de susciter des débats bien houleux au sein de l’hémicycle.


Entretien avec Nezha El Ouafi

«Il est temps que nos politiques se mobilisent pour permettre aux MRE de participer à la vie publique»

Le Matin : La nouvelle Constitution marocaine accorde aux MRE le droit d’être électeurs et éligibles. Qu'est-ce qui entrave jusqu’à présent la mise en œuvre de ces dispositions ?
Nezha El Ouafi : Pour mieux cerner le sujet des droits politiques des MRE, il faut comprendre deux questions. La première c’est que la participation politique, la gestion des affaires publiques et la pleine citoyenneté dans le pays d’origine sont une revendication permanente de la part de Marocains du monde qui représente 15% de la population globale. La deuxième chose, c’est que l’article 17 de la nouvelle Constitution avait mis fin en 2011 à la polémique sur la possibilité de représentation des MRE à la Chambre des représentants. Cela rejoint les principes initiés par le discours royal fondateur du 6 novembre 2005 et les deux derniers discours royaux (des 9 mars 2011 et 20 août 2012) qui ont confirmé de nouveau cet espoir. Malheureusement, et même si la nouvelle Constitution dans ses articles 16, 17 et 18 constitue un grand pas en avant en matière de reconnaissance des droits politiques des MRE, la machine semble, en dépit de tout bon sens, de nouveau grippée et ne parvient pas à concrétiser les principes et droits annoncés par la nouvelle Constitution via des lois organiques. La Constitution de juillet 2011 a posé la pierre angulaire de l’inclusion politique des MRE et c’est en ce sens qu’elle proclame solennellement leur droit à la participation politique.

Si ce droit est garanti par la Constitution, qu'est-ce qui retarde son application ?
Les gouvernements successifs ont adopté vis-à-vis de cette question une approche politicienne et une lecture réductrice en oubliant que le poids électoral des émigrés n’aurait bien évidemment aucune incidence majeure sur l’équilibre politique interne. Toutes les expériences des autres nations ont démontré, d’ailleurs, que la représentativité politique de leurs diasporas n’a pas influencé l'équilibre politique de ces pays. La raison pour laquelle cette question a été appréhendée avec beaucoup de réserve est plutôt infondée. Il est primordial que les Marocains du monde soient représentés dans les institutions élues afin que leurs attentes soient prises en compte et pour assurer une meilleure protection de leurs droits. Si le principe de la participation est acquis depuis le 6 novembre 2005, une réflexion approfondie sur les modalités concrètes d’application de cette décision tarde à voir le jour. On s’attendait à ce que le CCME formule un avis dans ce sens.

Concrètement, comment les MRE peuvent-ils voter ou se porter candidats, alors qu’ils vivent à l’étranger ?
‎La nouvelle Constitution mentionne que la loi organique des deux Chambres du Parlement se charge de fixer «les critères spécifiques d’éligibilité et d’incompatibilité» et de déterminer «les conditions et les modalités de l’exercice effectif du droit de vote et de candidature à partir des pays de résidence». En principe, un consensus politique est déjà établi par tous les partis politiques sur cette question. Presque tous les groupes parlementaires de la majorité et de l’opposition ont déposé des propositions des lois au Parlement à propos de la participation politique et la prochaine session parlementaire tranchera sur cette question, ce qui est un bon signe. Mais avant de parler de modalités, je pense qu’il faut éviter tout amalgame concernant l’inclusion politique des MRE qui vivent un moment crucial et des changements démographiques et socioculturels importants. On doit donc prendre conscience des risques de la rupture culturelle entre les différentes générations de MRE. Aujourd’hui, il est temps que nos politiques se mobilisent en faveur de la mise en place de mécanismes permettant aux MRE de participer à la vie publique de leur pays d’origine à travers une représentativité à même de relever les défis qui s’imposent.

Y a-t-il des expériences menées par d’autres pays dans ce domaine dont le Maroc peut s’inspirer ?
À mon avis, il faut que le Maroc s’ouvre aux expériences européennes dans ce domaine. Les expériences italienne, belge, et française, à titre d’exemple, peuvent permettre au Royaume de tirer des leçons, surtout au niveau de la gouvernance. Le Maroc dispose d’un capital humain d’autant plus important qu’il est présent au niveau des cinq continents. C’est des ressources qui peuvent être mises à profit pour le développement du Maroc ainsi que pour son rayonnement et, surtout, pour la défense de son intégrité territoriale.

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