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Les déplacements des femmes, le parcours du combattant

Au Maroc, 67% des déplacements se font à pied, que ce soit pour aller faire des courses, se promener ou se rendre au travail. Au total, nous consacrerions 41 minutes par jour à cette activité. Pourtant celle-ci n'est pas sans risque, en particulier pour les femmes, objets de toutes sortes de harcèlement dès qu'elles mettent les pieds hors de leur domicile.

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Les résultats de l'Enquête nationale 2011-2012 sur l'emploi du temps au Maroc, fournie par le Haut Commissariat au Plan il y a quelques semaines, montrent que les activités quotidiennes (toutes personnes confondues) conduisent 67% des Marocains à se déplacer à pied (41 minutes par jour) contre 16% par le biais des moyens de transport privé ou public (14%).

Les charrettes ou animaux représentent pour leur part 3% des déplacements.
Cette même enquête révèle qu'entre 7 h et 8 h 30 du matin, près de 7 millions d’actifs occupés font le trajet entre le domicile et le lieu de travail. Au cours de cette plage horaire, près de 58% des déplacements se font à pied, 24% par les moyens de transport privés et 18% par les transports publics. L’après-midi, les déplacements professionnels sont moins synchronisés et marqués par deux flux importants. L’un à 14 heures, l’autre à 18 heures portant chacun sur près de 1,5 million de personnes. Le déplacement à pied est une pratique prépondérante parmi les jeunes actifs âgés de 15 à 24 ans et les célibataires. Abstraction faite du moyen de transport utilisé, les élèves marocains de 7 à 14 ans passent, en moyenne, 50 minutes par jour dans le trajet séparant le domicile et l'école. Ce trajet est à 84% fait à pied.

Mais si la marche à pieds est largement recommandée par l'ensemble des spécialistes et synonyme de bien-être, cette banale activité revêt une tout autre dimension, en particulier pour les femmes qui s'y adonnent. Mère de famille, femme enceinte, mariée ou célibataire, aucune n'est épargnée. Et elles le savent bien. C'est pourquoi les femmes «traînent» moins souvent dans la rue sans avoir quelque chose de précis à y faire, contrairement aux hommes, et se déplacent rapidement d'un endroit à un autre. «J’ai la boule au ventre dès que je sors. Je marche à pas de course en baissant la tête pour éviter les regards des hommes. Je suis si peu à l’aise que je demande souvent à quelqu’un de m’accompagner. L’union fait la force», plaisante Loubna, 17 ans.

Allez vite pour éviter les ennuis... Car une femme seule est trois fois plus abordée dans la rue qu'un homme. Parfois sympathiques, ces rencontres peuvent s'avérer désagréables et provoquer un sentiment d'insécurité. Sifflées, collées, insultées, autant de situations que vivent les femmes dans la rue. «Je mets toujours mes écouteurs pour éviter les désagréments. De cette façon, je n’entends pas les remarques que l’on peut me lancer», confie Meryem 25 ans.

Il faut dire aussi que certains endroits sont à éviter. Ils sont connus de tous, mais représentent parfois un raccourci, ou sont le lieu même de résidence de ces femmes qui n’ont d’autre choix que de les emprunter quotidiennement. «Alors que je marchais d’un pas rapide près du parc de la Ligue arabe à Casablanca, un homme qui passait m’a mis la main aux fesses ! J’ai heureusement pu compter sur le soutien d’un autre homme qui a pris ma défense à ce moment-là. Comme quoi, il y a quand même des gens bien», raconte Hakima, 48 ans.
Les étrangères ne sont bien sûr pas épargnées. «Je suis française et je vis depuis 5 ans au Maroc sans être motorisée. Au-delà de ma couleur de peau, qui fait de moi une cible “facile”, j’ai également dû renoncer à ma féminité. Exit les talons pour aller travailler, bonjour les ballerines et les espadrilles. Alors que j’adorais l’été auparavant, j’en suis aujourd’hui dégoûtée, car laisser apparaître ne serait-ce qu’un morceau de peau suscite l’émoi, bien qu’il n’y ait rien d’exceptionnel à regarder un mollet ou un bras, d’autant plus que je ne suis pas du genre à porter des jupes ou des décolletés. Aujourd’hui, j’attends l’hiver avec impatience, juste pour pouvoir circuler avec mes gros pulls et mes baskets. Il n’y a que comme ça que je me sens à l’aise», raconte Nadia 28 ans.Il est vrai que la tenue des femmes est souvent incriminée. En effet, beaucoup diront que les femmes qui se font harceler de la sorte sont en faute, qu’elles l’ont bien mérité, que ce sont des provocatrices parce qu’elles ne portent pas une tenue «décente», à savoir le hijab ou le voile intégral. Pourtant, que la femme soit avec ou sans voile, certains hommes ne font pas la différence.

Pour exemple, Siham, 36 ans, témoigne : «Je suis voilée depuis mon plus jeune âge. Un jour, je promenais mon premier enfant en poussette et j’attendais mon deuxième. J’étais à 6 mois de grossesse à l’époque et n’aurais jamais pensé être la proie de ce type de harcèlement. Pourtant, un homme avec son 4x4 s’est arrêté près de moi et m’a proposé de monter à bord pour me ramener chez moi. J’étais choquée ! Une jeune fille, encore, j’aurais pu comprendre. Mais vu mon aspect, il était évident que j’étais mère de deux enfants et mariée de surcroît !»
Même son de cloche chez Marwa, elle aussi voilée, qui, emplie de honte, se confie pour la première fois à quelqu’un. «Les mots, à force, on finit par s’y habituer. Mais quand il s’agit d’attouchements, c’est autre chose. Un jour, je rentrais chez moi, je devais prendre une petite ruelle et trois hommes arrivaient en face de moi. L’un d’eux m’a touché. Je n’ai pas osé répondre par crainte qu’il n’aille plus loin. À 3 contre 1, je n’avais pas le choix, je suis donc rentrée chez moi et n’ai même pas osé en parler à mes parents. J’avais si honte, bien que je savais que je n’étais pas en faute», se désole la jeune femme qui garde un souvenir amer de cette expérience. 

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