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Un long et coûteux chemin s'ouvre pour la Russie

L'embargo alimentaire, une aubaine pour le secteur agroalimentaire russe ? Remplacer les saumons norvégiens, les pommes polonaises ou les poulets américains par la production nationale s'annonce long et coûteux et Moscou devra trouver en attendant d'autres fournisseurs.

Un long et coûteux chemin s'ouvre pour la Russie
Les experts prédisent une envolée des prix due à la baisse de l'offre, que les autorités ont promis de combattre en surveillant de près les distributeurs.

La décision de suspendre l'importation de la plupart des produits alimentaires des pays qui ont décidé de sanctionner Moscou en raison de la crise ukrainienne a provoqué un choc en Russie. Les importations couvrent jusqu'à 30% de la consommation de certains produits (porc, poissons, fruits...) et le sujet rappelle de mauvais souvenirs à certaines générations qui ont traversé des périodes de pénurie à l'époque de l'URSS et encore plus pendant son effondrement. Cette fois, aucun manque majeur ne semble se profiler pour la population, même si certains poissons se font rares dans les supermarchés et certains plats ont été retirés des menus des restaurants. Les experts prédisent surtout une envolée des prix due à la baisse de l'offre, que les autorités ont promis de combattre en surveillant de près les distributeurs.

Le Premier ministre, Dmitri Medvedev, a même assuré s'attendre à des conséquences positives. L'embargo va «secouer le marché» et «faire de la place dans les rayons de nos magasins pour nos producteurs», a-t-il observé. Damate, un grand groupe agroalimentaire qui a lancé des projets avec Danone, s'est ainsi dit prêt à tripler sa production de produits laitiers, expliquant que s'il ne l'avait pas encore fait, c'est parce que les distributeurs russes préféraient jusqu'alors importer. Il a aussi annoncé qu'il doublerait sa production de dindes d'ici à novembre. Mais la facture s'annonce salée. Le ministre de l'Agriculture, Nikolai Fiodorov, a estimé mercredi que les pouvoirs publics devraient débourser plusieurs milliards d'euros dès cette année pour aider les agriculteurs à augmenter leur production, et à moyen terme plus de deux milliards d'euros par an. Or, les marges de manœuvre budgétaires du gouvernement ne cessent de se réduire en raison des difficultés économiques du pays. «Pour augmenter radicalement la production, il faut de l'argent pour moderniser l'agriculture, surtout pour le secteur laitier : des crédits attractifs et un important soutien du gouvernement», prévient Natalia Chagaïda, directrice du Centre de politique agroalimentaire. «Pour les légumes, on peut espérer des résultats l'année prochaine, pour le lait dans deux ans, mais pas avant cinq ans pour le reste», ajoute cette experte, pour qui l'État doit soutenir plus les petites et moyennes entreprises du secteur et moins les grandes holdings.

Dans le secteur, on reconnaît que compenser l'embargo prendra des années. «On ne pourra pas tout changer en un an, mais on peut lancer des programmes à long terme de développement du secteur», juge Artiom Belov, directeur de l'Union laitière nationale. «Notre problème, c'est le manque de matière première, c'est-à-dire de lait non transformé», explique-t-il, d'où des capacités de production de fromage, de beurre, de yaourt sous-utilisées. Il faudra selon lui «au moins trois ans» pour produire assez de lait pour le pays, et 7 à 10 ans pour rentabiliser les investissements nécessaires. En attendant, la Russie devrait pouvoir se fournir en Serbie, en Nouvelle-Zélande, en Suisse ou encore en Argentine, estime M. Belov. Pour le poisson, «le plus difficile sera de remplacer le saumon de Norvège : la Russie ne pourra pas augmenter rapidement sa production, cela prendra plus d'un an», juge Iouri Alacheev, président de l'Union des pêcheurs. Il faudra donc importer du saumon du Chili, du hareng d'Islande ou du merlu du Pérou, et exporter moins de morue. Le gouvernement a promis 60 millions d'euros par an à la filière.

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