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Quel avenir pour la Libye ?

Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut marocain des relations internationales)

Quel avenir pour la Libye ?
La crise politique aiguë qui sévit en Libye a plusieurs causes.

Les conséquences du Printemps arabe pour la Libye sont désastreuses. Trois ans après le déclenchement de la rébellion, ce pays n’a pas pu retrouver un semblant de stabilité politique, alors que les violences se multiplient et que l’économie est à la dérive.
Si la Libye a connu la chute du régime dictatorial de Kadhafi, elle n’est pas parvenue à ce jour à élaborer une constitution et à former un gouvernement issu des élections. Certes, un Parlement a été élu en juillet 2012 connu sous le nom de Congrès national général (CNG). Un gouvernement a été formé en octobre 2012 sous la direction du Premier Ministre Ali Zaidan qui s’est appuyé sur les deux partis principaux : le Parti de la justice et de la construction (PJC) proche des Frères musulmans, et l’Alliance des forces nationales (AFN). Mais le CNG n’est pas parvenu à ce jour à élaborer une nouvelle constitution, et le gouvernement n’a pas réussi à assurer la sécurité et la stabilité politique.

On compte pas moins de 260 manifestations en 2013 en Libye contre le gouvernement et le Parlement. Plus grave, le 10 octobre 2013, le Premier ministre en personne a été enlevé dans un hôtel en plein centre de Tripoli et relâché par la suite. En novembre 2013, Ibrahim Jadhran un Chef de milice a proclamé un gouvernement autonome de la Cyrénaïque. Les 21 et 22 décembre 2013, un poste de sécurité militaire situé à 50 km de Benghazi a été attaqué par des hommes armés, tandis que fin décembre 2013 Fethallah Al Gaziri nouveau Chef des renseignements a été assassiné à Derna. Les troubles ont continué en 2014 avec l’assassinat le 2 janvier d’un Anglais et d’une Néo-Zélandaise à Sabratha et celui le 11 janvier de Hassan
Al-Droui, vice-ministre de l’Industrie à Syrte, tandis que le 20 janvier l’Hôpital central de Tripoli a été saccagé. Enfin les 24 et 25 janvier, 5 employés de l’ambassade d’Égypte ont été enlevés, entraînant le départ de l’ambassadeur égyptien et de tout le personnel de l’ambassade.

Sur le plan politique et devant l’ampleur de la crise, deux anciens responsables de la Révolution libyenne :
Mohamed Jibril a lancé le 28 décembre 2013 une «Initiative de sauvetage national» et Mustapha Abdeljalil a préconisé la constitution d’un «Groupe national pour le dialogue». Ceci est d’autant plus urgent que le 7 janvier 2014 Ali Zaidan a failli être démis de son poste de Premier ministre, que le 14 janvier des hommes armés ont fait irruption au Parlement pour demander son départ, et que le 21 janvier le Parti de la justice et de la construction a décidé le retrait de ses ministres du gouvernement.

La crise politique aiguë qui sévit en Libye a plusieurs causes. En premier lieu, Kadhafi pour maintenir son autorité n’a pas construit d’État en Libye, mais un système politique dictatorial basé sur l’alliance avec les Chefs de tribus. Il est un fait que la Libye est constituée de trois régions bien différenciées : la Tripolitaine, la Cyranéique et le Fezzan, et que le tribalisme est une réalité. De plus, il existe une minorité berbère amazighe qui a des revendications spécifiques, tandis qu’une autre minorité jihadiste veut imposer la charia comme base de la législation libyenne. D’autre part, l’économie libyenne est monolithique et basée à 96% du PIB sur les recettes gazières et pétrolières, ce qui exacerbe les convoitises des régions. D’ailleurs, certains centres de productions gaziers et pétroliers ont été pris par des chefs de milice, ce qui a fait perdre 20% au budget de l’État libyen estimé à 50 milliards de dollars, et a fait chuter la production de 1,5 M b/j à 350 000 b/j.
Quant aux nouveaux responsables de la Libye, on peut déplorer qu'on n’ait pas vu émerger un Chef charismatique et incontestable pouvant imposer sa volonté aux autres parties. On peut leur reprocher également de ne pas désarmer immédiatement les milices, ce qui a permis à ces dernières de se tailler des territoires où elles ont exercé leur pouvoir. On peut reprocher également à la communauté internationale de s’être retirée trop rapidement de la Libye, et à l’ONU de n’avoir pas joué un rôle sécuritaire et d’assistance pour créer le nouvel État libyen. Certes, les Libyens doivent trouver eux-mêmes une solution à la grave crise politique qui sévit dans le pays.

Le défi principal est celui du rétablissement de la sécurité, les deux autres problématiques sont la place de la religion dans la nouvelle constitution et l’équilibre entre l’autorité centrale et l’autonomie locale des régions. La Communauté internationale et l’ONU doivent s’impliquer davantage pour aider les nouveaux responsables libyens à relever ces défis. 

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