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Les groupes parlementaires veulent enrichir le cadre juridique électoral

Dans le cadre de la préparation du cadre législatif devant encadrer le déroulement des prochaines échéances électorales, les partis politiques, de la majorité comme de l’opposition, ont élaboré certaines propositions de loi allant dans ce sens. Toutefois, ces textes ne semblent pas avoir de chance d’être adoptés. Certaines propositions de loi ont même été déjà retirées. Éclairage.

Les groupes parlementaires veulent enrichir le cadre juridique électoral
De nombreux groupes parlementaires, notamment à la Chambre des représentants, ont élaboré des propositions en relation avec les prochaines élections.

Le débat au sujet des textes de loi devant encadrer les prochaines échéances électorales s’empare de la scène politique marocaine et suscite des discussions enflammées. L'intérêt est encore plus fort au sein du Parlement. Cependant, une nouveauté caractérise la scène politique à ce niveau. Il s’agit du fait que, depuis l’adoption de la Loi fondamentale en juillet 2011, les partis politiques prennent l’initiative et préparent des propositions de loi en rapport avec les élections. Champ d’action qui était, par le passé, du ressort du département de l’Intérieur à travers des projets de loi et des projets de décret, nous explique le constitutionnaliste Ahmed Bouz. Aujourd’hui, les partis n’hésitent pas à élaborer des propositions dans ce sens. Ce qui est encouragé par la place donnée aux propositions de loi dans la nouvelle Constitution (l’article 80 de la loi fondamentale dispose que : «une journée par mois au moins est réservée à l'examen des propositions de loi, dont celles de l'opposition»).

Or, la question qui se pose dans la conjoncture actuelle, marquée par les préparatifs pour les prochaines échéances électorales, est celle de savoir s’il faut donner la priorité aux textes de loi préparés par le gouvernement ou en cours de l'être (s’agissant des projets de loi et des projets de décret…) ou s’il faut plutôt se pencher sur les propositions de loi préparées et mises dans le circuit parlementaire par les différents partis politiques. En effet, de nombreux groupes parlementaires, notamment à la Chambre des représentants, ont élaboré des propositions en relation avec les prochaines élections. Le Parti de la justice et du développement (PJD), par exemple, a plusieurs propositions de loi, dont une concerne la représentativité des MRE aux prochaines élections. Trois autres sont en relation avec les collectivités territoriales. Une autre proposition de loi est relative à l’observation des élections. Selon Abdallah Bouanou, chef du groupe du PJD à la première Chambre, son groupe va, «probablement», retirer les propositions de loi en relation avec les collectivités territoriales, car il y a un projet de loi organique sur les collectivités territoriales qui est en discussion, élaboré par le gouvernement, nous explique-t-il. «Nous allons donc probablement les retirer», a-t-il dit. Il faut le souligner, le groupe du PJD a préparé un autre projet relatif à l’observation des élections.

«En ce qui concerne ce texte, il se peut également qu’on le retire. Cela dépendra des discussions avec le gouvernement», explique-t-il. Un sort que pourra également subir la proposition de loi préparée relative à la représentativité des MRE. D’ailleurs, deux autres partis, l’Istiqlal et l’USFP, ont également déposé des propositions allant dans le même sens. Ainsi, si le sort des propositions de loi préparées par les groupes de la majorité dépend des relations qu’ils entretiennent avec le gouvernement, ce n’est pas le cas de celles proposées par les groupes parlementaires de l’opposition. Car ces forces militeront pour que leurs propositions soient, au moins, examinées. Ils croient, dur comme fer, que c’est de leur droit. Par exemple, les groupes socialiste et istiqlalien ont présenté devant la commission de l'intérieur à la Chambre des représentants une proposition de loi appelant à la création d'une «instance nationale chargée du suivi et du contrôle des élections». Cependant, tous les indicateurs montrent qu’il sera difficile d’adopter un tel texte. Car, tout d’abord, le texte proposé est volumineux (une centaine d’articles). Son examen va demander beaucoup de temps, alors qu’on est à sept mois du démarrage des prochaines élections. Il est clair que l’opposition aura beaucoup de difficulté à l’adopter au sein de la commission de l’intérieur. Et même si elle y arrivait (parce qu’il n’y a pas un grand écart en termes de sièges entre les deux forces : 25 sièges pour la majorité et 21 pour l’opposition), l’opposition ne pourrait par le faire adopter en plénière, où la majorité est plus forte. Omar Sentissi (istiqlalien), président de la commission de l’intérieur à la première Chambre, précise que «c'est lors des discussions de cette proposition que nous pourrons voir la position du gouvernement ainsi que celle des groupes de la majorité en ce qui concerne cette proposition de loi». Par ailleurs, le constitutionnaliste Ahmed Bouz estime que les propositions de loi ont généralement peu de chance d’être adoptées, et cela même en ce qui concerne celles présentées par les groupes de la majorité. C'est un fait courant, pas seulement au Maroc, mais dans la majorité des pays, souligne-t-il.


Questions à Ahmed Bouz, constitutionnaliste

«Projets de loi versus propositions de loi, un vide juridique à combler»

Quelle place voyez-vous pour le statut des propositions de loi dans la productivité législative marocaine, surtout dans le contexte de la nouvelle constitution ?
Il faut le dire, la place des propositions de loi n’a jamais été une problématique d’ordre constitutionnel. Elle a plutôt eu, et depuis toujours, une connotation plutôt politique. Elle est liée à l’existence d’une majorité et à la volonté des gouvernements de donner plutôt la priorité aux projets de loi. Les forces de l’opposition ont des difficultés à faire passer des propositions de loi. Car, tout d’abord, l’élaboration de tels textes nécessite un certain savoir-faire, de l’expertise… notamment quand il s’agit de textes ayant une certaine technicité. C’est la raison pour laquelle cet état de fait est une tendance internationale qui donne la préférence aux projets de loi aux dépens des propositions de loi. Ainsi, à la lecture de la carte de la production législative marocaine, depuis l’indépendance à aujourd’hui, on se rend compte que le nombre des propositions de loi adoptées est négligeable. La situation est encore plus flagrante quand il s'agit des lois organiques dont l’élaboration, dans les faits, est du domaine exclusif du gouvernement. Dans toute l’histoire parlementaire du Maroc, il y a eu une seule proposition de loi organique présentée par le groupe istiqlalien qui a pu passer (la loi organique relative à la loi de Finances). Le gouvernement a toujours considéré que les lois organiques devaient être préparées sous forme de projets de loi. Un débat qui est revenu au devant de la scène quand des groupes parlementaires avaient préparé une proposition de loi au sujet des commissions d’enquête au Parlement.

Juridiquement, à qui faudrait-il donner la priorité quand il y a une proposition de loi introduite au Parlement puis un projet de loi élaboré par le gouvernement sur le même sujet ?
Il faut dire qu’il y a un vide juridique à ce sujet. Car, ni la constitution ni les règlements intérieurs des deux Chambres du Parlement n’apportent une réponse à cette question. Ainsi, si un groupe parlementaire prépare un texte de loi, rien n’empêche le gouvernement de préparer un projet de loi sur le même sujet. C’est ce qui est arrivé par exemple en ce qui concerne le texte de loi relatif à l’accès à l’information. La loi n’apporte aucune réponse pour savoir qu’elle est la version qui doit être discutée et examinée en vue de son adoption.

Est-ce que le gouvernement a un droit de véto ou la possibilité de bloquer une proposition de loi déposée au Parlement ?
Le gouvernement à un mécanisme qui le lui permet au niveau de l’ordre du jour des deux Chambres. En effet, l’ordre du jour est déterminé avec en priorité les projets de loi et les propositions de loi acceptées par le gouvernement. Ainsi, si le gouvernement voit d’un mauvais œil une proposition de loi, celle-ci ne pourra pas être enregistrée à l’ordre du jour. Elle pourra être déposée au Parlement sans figurer à l’ordre du jour des travaux des deux Chambres. Par ailleurs, une proposition, même examinée, reste dépendante du vote de la majorité et du consensus politique. Par exemple, la proposition de loi déposée par les groupes de l’Istiqlal et de l’USFP au sujet de la création d’une «instance nationale chargée du suivi et du contrôle des élections» ne pourra pas passer. Car elle ne répond pas aux aspirations des formations politiques de la majorité.

Dans cette optique, est-ce qu’on peut assister à l'adoption des propositions de loi appelant à prévoir une représentativité des MRE au Parlement, étant donné que des partis de la majorité ont déposé des propositions dans ce sens, au même titre que les groupes parlementaires de l’opposition ?
En fait, les expériences parlementaires, par le passé, ont montré que parfois, même des propositions de loi introduites par les forces de la majorité ne parviennent pas à être adoptées. Il y a même des propositions défendues par le parti qui dirige le gouvernement et qui n’arrivent pas à passer. C’est le cas également des amendements présentés à l’occasion de l’adoption des lois de Finances.

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