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Peut-on éduquer sans frapper ?

Nombreux sont les parents qui se sentent désemparés face au comportement insupportable de leur enfant. Si certains optent pour le dialogue, d’autres estiment que la seule solution est de lui donner une claque de temps en temps.

Peut-on éduquer sans frapper ?
La punitton est utile quand elle est expliquée aux enfants.

Les premiers mois qui suivent la naissance passent rapidement. Le bébé se transforme très vite de petit ange innocent qu’on habille et nourrit comme on le souhaite en enfant capricieux, désobéissant et qui ne veut plus se laisser faire. Face à cette situation, les parents sont souvent désemparés. Il faut savoir qu’il est dans la nature de l’enfant de vouloir dépasser les limites imposées. Désobéir est pour lui l’occasion d’aller à la découverte du monde qui l’entoure et de sa relation à ses parents. Il les pousse à bout, pour voir jusqu’où et à quoi tient leur lien.
Cependant, la désobéissance de chaque enfant dépend d’abord de sa personnalité, mais également de la solidité des bases sur lesquelles l’autorité s’est établie. Et celles-ci s’instaurent très tôt, entre 6 et 20 mois. L’enfant touche à tout, commence à parler, à se déplacer tout seul… Cette période de découverte est essentielle à son développement et à l’affirmation de sa personnalité. C’est à cet âge-là qu’il faut commencer à faire comprendre à l’enfant que toute chose a ses limites et que ce sont ses parents qui, par leurs attitudes et leurs ordres, en sont les garants. Malheureusement, de nombreux parents trouvent qu’à cet âge l’enfant est trop petit, le laissent faire ce qu’il veut et ne se rendent compte de la gravité de cela que quand il est trop tard et que l’enfant devient incontrôlable et ingérable. Ils se demandent alors comment se rattraper et comment le punir lorsqu’il commet des erreurs ?
Faut-il alors le frapper lorsqu’il dépasse les bornes ? D’après les spécialistes, il est important, dans ce sujet sensible, que le message soit clair. Si les parents prennent le temps d’expliquer et de convaincre l’enfant des règles établies, du pourquoi et du comment, l’enfant, à tout âge, intégrera les limites après les avoir testées en pratique. Si les parents interdisent quelque chose et qu’en cas d’infraction ils ne punissent pas, il est évident que le message sera ambivalent. Cette punition peut être variable selon le compromis qui a été fait entre les parents et leur bambin. Une claque ou une fessée ne sont pas traumatisantes en soi si les parents expliquent bien avant et informent l’enfant de la punition encourue lorsqu’il désobéit.

En effet, quelques spécialistes de l'éducation ne sont plus contre une certaine dose de punition corporelle, à condition qu'elle soit mesurée, infligée quand il le faut, et avec un objectif éducatif. Mais si les parents frappent l’enfant sans lui expliquer auparavant pourquoi il est puni, dans ce cas l’enfant sera surpris et se sentira alors humilié. Par ailleurs, les insultes, les dévalorisations systématiques, les comparaisons humiliantes sont très défavorables à l’estime de soi de l’enfant et à son développement affectif.
Une claque entourée des explications nécessaires avant et après sera plus facilement intégrée par l’enfant. Il est clair cependant qu’on préférera ne pas avoir recours à la claque si d’autres punitions privatives marchent bien. 


Témoignage

Hassan, 32 ans, père de Karim, 3 ans, et Salwa, 6 ans

«Pour moi, la seule solution pour calmer les enfants est de leur donner une bonne raclée»

«Mes deux enfants, comme tous les gosses de leur âge, sont capricieux, turbulents et même insupportables parfois. Ils n’écoutent pas ce qu’on leur dit et n'en font qu’à leur tête. Par moments, la seule solution pour les calmer est de leur donner une bonne raclée. Souvent, leur maman n’est pas d’accord avec moi. Elle pense qu’il vaut toujours mieux leur expliquer leurs erreurs, les gronder, éventuellement les punir, plutôt que de les frapper pour les faire obéir. Quand ils commettent une bêtise et que je les frappe pour qu’ils ne la refassent plus, elle me demande devant eux d’arrêter et de changer ma façon d’éduquer, car elle craint que cela ait un impact négatif sur leur développement et leur personnalité. Je ne suis pas d’accord avec elle. Nos propres parents nous ont éduqués de cette façon et cela a porté ses fruits.»


Explications

Bernard Corbel, psychologue

«Frapper l'enfant est nécessaire dans certaines circonstances, sinon il n'y a plus de frein à ses désirs»

Frapper son enfant, est-ce aujourd’hui le dernier recours des parents ?
Frapper les enfants est lié à une culture, donc à des croyances, des raisonnements logiques, des émotions et des comportements absolument automatisés. Frapper l'enfant est nécessaire dans certaines circonstances, sinon il n'y a plus de frein à ses désirs ; frappé juste comme il faut, l'enfant sera bien éduqué. Comment faire quand l'enfant est insupportable et refuse de vous laisser en paix, alors que vous avez besoin de vous reposer ? Il est difficile de ne pas frapper des enfants dans certaines circonstances, particulièrement dans les moments de stress et de fatigue, notamment si cela a été un moyen éducatif utilisé par nos propres parents.

Quel impact peut avoir une violence physique ou verbale sur la psychologie de l'enfant ?
La violence physique, en soi, est déjà un problème, car elle va ancrer dans la personnalité un sentiment de faiblesse et de basse estime de soi, sentiment parfois contrebalancé par un sentiment inverse de supériorité dissimulant l'angoisse d'infériorité. La répétition de la violence engendre une peur résiduelle qui ne s'estompe pas même chez l'adulte et se trouve projetée facilement sur d'autres personnes investies d'autorité par leur statut social comme les fonctionnaires, les directeurs, les policiers et toutes les personnalités qui leur ressemblent. De plus, il sera difficile de se soustraire aux escrocs, car ceux-ci savent bien soumettre leurs victimes en exerçant une emprise qui n'est pas sans rappeler celle des parents.
Enfin, la situation s'aggrave lorsque la violence physique ou verbale s'effectue devant un public, quel qu'il soit (même familial) : au traumatisme de la soumission forcée s'ajoute celui de l'humiliation. Ce dernier va engendrer le trac et l'incapacité d'expression en public, une très faible estime de soi, des sentiments d'être mal estimé par les autres, voire d'être persécuté. Fréquemment, des troubles obsessionnels compulsifs peuvent se produire engendrant une importante souffrance psychique pour une grande partie de la vie.

Certains parents sont persuadés que frapper leur enfant est la seule solution pour faire obéir les enfants capricieux, qu'en dites-vous ?
Comme on l'a dit, la coutume est liée aux croyances d'une population. L'enfant est facilement assimilé à un animal qu'il faut dresser, particulièrement dans le cas d'enfants capricieux. Les adultes sont d'autant plus persuadés de cette nécessité qu'ils ont été frappés et ont bien réussi (par rationalisation) à justifier cette pratique qu'ils trouvent alors utile et ayant participé à ce qu'ils sont. C'est d'autant plus intéressant à observer qu'ils se sont inconsciemment identifiés à leurs parents, parents qu'ils peuvent aussi idéaliser : cette identification fera d'eux des parents frappeurs. L'éducation non violente devrait être basée sur l'observation, l’existence d'un cadre de bonne conduite explicable, rationnel et la possibilité de le faire valoir sans rigidité, mais avec amour, comme toile de fond.

D’après vous, comment faut-il agir quand un enfant est capricieux et n'en fait qu'à sa tête ?
Évidemment, il faut tenir compte de l'âge, mais en général les parents entrent en symétrie et se montrent plus têtus que leur propre enfant qu'ils veulent contraindre par la force ou la violence. Alors qu'il faudrait, au contraire, détourner le sujet, zapper, proposer autre chose de manière improvisée ! Dire non quand c'est non, fermement et sans violence, donner une punition non violente en cas de désobéissance en fonction de l'âge, lever la punition si nécessaire, encourager les comportements positifs avec des compliments clairs. Recommencez de nombreuses fois et vous aurez gain de cause.

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