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Les aspirations du «Maghreb»

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Les publications coloniales sont nombreuses à Paris. Toutes s’intéressent aux richesses naturelles des colonies, à leur exploitation méthodique et rationnelle. À les lire, on croirait qu’il n’y a dans les colonies que du phosphate, du pétrole, du fer et d’autres minerais. Les hommes ne les intéressent qu’à propos d’une révolte à réprimer ou d’une main-d’œuvre à asservir.

Le but du «Maghreb» sera différent, il s’occupera lui de la richesse humaine des colonies, il dégagera l’angoissant problème moral que ne cesse de poser la colonisation devant toutes les consciences saines. Le plus objectivement possible, il renseignera les Français, sans distinction d’opinions, sur la situation des autochtones, certain que la liberté et la justice n’ont jamais manqué de défenseurs en France.

Nous nous occuperons particulièrement du Maroc. Ce pays qui a toujours formé un état indépendant n’est pas une colonie, mais un pays de protectorat. Le traité international d’Algésiras a reconnu la souveraineté spirituelle et temporelle du Sultan. Le traité du protectorat que la France a réussi à imposer au Sultan du Maroc dans des circonstances particulières en 1912, confirme le traité international. Le Maroc a donc une existence propre au point de vue international. Il est plus indépendant de la France que l’Inde de l’Angleterre. Cette puissance, pourtant, permet à l’Inde d’avoir un représentant à la Société des Nations, pourquoi la France n’en ferait-elle pas autant pour son pays de Protectorat ?
Le Protectorat est pour nous une tutelle, il doit avoir une fin, et nous pensons au jour où nous pourrons diriger nous-mêmes nos affaires, où le lien de sujétion entre le Maroc et la France ferait place à un lieu d’amitié et de reconnaissance, est-ce un crime ?

Malheureusement, les fonctionnaires français n’ont pas toujours compris le devoir de leur pays. L’idée qui les obsède, c’est de faire du Maroc «une province française». Pour atteindre leur but, en dépit de tous les engagements, ils poursuivent une politique d’absorption et d’assimilation. Quelle preuve plus grande que ce Dahir berbère qui souleva l’indignation du monde musulman et porta un rude coup au prestige moral de la France en Orient ! Mais, nous sommes sûrs que leurs tentatives resteront vaines, ils réussiront simplement à élargir la fosse qu’ils ont creusée entre la nation protectrice et la nation protégée.
«Le Maghreb» se fera un devoir de combler se fossé, en exposant aux Français les agissements de leurs compatriotes peu avertis, ou peu soucieux des véritables intérêts de la France.

Le Maroc n’est ni un pays sauvage, ni un pays primitif. «Il a connu une grande histoire, une prospérité brillante». Sa civilisation a brillé d’un vif éclat, il a un idéal culturel, propre, que la France s’est engagée à respecter. Certes, nous voudrions bien voir se poursuivre la modernisation de notre pays, nous sommes disposés à puiser ce qu’il y a de beau et d’élevé dans la culture occidentale moderne, mais nous tenons également à notre passé, à nos traditions, nous ne laisserons jamais s’étendre ce puissant flambeau que l’Islam a définitivement planté au cœur de la Berbérie et si la modernisation devait nous coûter le sacrifice de notre personnalité propre, il est naturel que nous n’en voudrions pas. Bref, nous tenons à nous moderniser, tout en restant nous-mêmes.

L’évolution des peuples colonisés peut se faire par et pour les peuples colonisateurs, s’ils le veulent bien, ils pourront retarder cette évolution, mais non l’empêcher elle se fera alors, mais contre eux.
Aujourd’hui où les nations cherchent à créer une justice internationale, où la force brutale ne peut plus créer le droit, l’espoir des peuples colonisés devient de plus en plus grand. Le principe de la disposition des peuples par eux-mêmes de leurs destinées n’est déjà plus un mythe, il se précise chaque jour et deviendra demain une réalité. 

Textes fondateurs de la pensée politique moderne au Maroc 1932-1934

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