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La mendicité plus visible que jamais dans les villes

La mendicité est devenue une activité de plus en plus florissante. Il n’y a pas un jour qui passe sans qu’on croise des hommes, des femmes avec leurs enfants, des personnes handicapées… demandant l’aumône, parfois de façon agressive. La stratégie nationale de lutte contre la mendicité amorcée par le précédent gouvernement semble morte et enterrée.

La mendicité plus visible que jamais  dans les villes
Les jeunes apprennent très tôt à battre le pavé pour se procurer de l’argent en demandant l'aumône.

Le phénomène de la mendicité n’a rien de choquant au Maroc. En effet, les mendiants font désormais partie du décor de nos villes. On les retrouve dans tous les coins des rues, ils squattent les feux rouges, les portes des mosquées, les magasins, les souks, traînent sur les boulevards, montent dans les transports en commun et parfois même ils frappent aux portes. Ce fléau social est devenu pour certaines personnes qui le pratiquent une véritable profession qui rapporte autant d’argent qu’un travail normal, voire plus. «J’ai l’impression que les mendiants sont de plus en plus nombreux chaque jour. De plus, ils sont très agressifs avec les femmes au volant. J’ai très peur lorsque je dois m’arrêter parce que je suis sûre qu’il y a un mendiant juste à côté qui viendra me harceler», se plaint Halima, une jeune casablancaise, 30 ans. Et d’ajouter : «Ma collègue me raconte souvent ses mésaventures à cause des mendiants qui montent dans le bus. Il paraît que ce moyen de transport est le terrain de chasse privilégié de beaucoup de mendiants. Sur un trajet de 30 minutes, on peut en croiser jusqu’à trois. Le sourd-muet qui distribue des petits bouts de papier, le malade avec une ordonnance pleine de médicaments, le «guerrab» qui a du mal à survivre avec sa profession,… je ne comprends pas pourquoi les sociétés de transport les autorisent à demander l’aumône dans leurs bus. Non seulement ils se déplacent gratuitement, mais ils agressent également leur clientèle». Le manque d’aides sociales, la pauvreté, le chômage… ont entraîné une augmentation du nombre de personnes qui s’adonnent à la mendicité.

Toutefois, il existe une catégorie de personnes, pour qui la mendicité est devenue un art ou un travail à part entière où on n’a besoin ni de piston, ni de diplôme.
«Certains mendiants occupent des zones depuis des années, on est habitué à les voir. Ils deviennent presque un symbole de cet endroit, même si tous les habitants savent qu’ils ne sont pas dans le besoin. Le problème avec ces gens, c’est qu’ils ne font pas la manche, car ils sont pauvres. Ces mendiants dits professionnels ne prennent pas de «retraite», ils ne se lassent jamais de demander l’aumône. Ils choisissent la facilité, c’est ce qui me révolte», s’agace Sofiane, informaticien, 41 ans. Parmi les images les plus choquantes de la mendicité figurent celles des enfants qui sont obligés, d’une façon ou d’une autre, de s’adonner à cette pratique. «Étant maman de deux filles, je ressens des pincements au cœur à chaque fois que je vois des enfants qui mendient. Des nourrissons allongés au sol et exposés au soleil et aux microbes, en compagnie de femmes sans pitié ou des enfants qui, au lieu d’être à l’école ou chez eux à l’abri des dangers, passent leurs journées dans la rue à demander l’aumône», confie Soumia, mère de famille, 37 ans.

On distingue deux catégories d'enfants mendiants. La première catégorie englobe, outre les nourrissons et les enfants en bas âge utilisés par des adultes pour apitoyer les passants, les enfants poussés à mendier pour subvenir aux besoins de leurs familles. La deuxième catégorie concerne les enfants abandonnés dans la rue dès leur plus jeune âge, ainsi que les victimes de dislocation de la cellule familiale, quittant l’école avant d’atterrir dans la rue et s’adonner à tous les genres de délinquance. Afin de réduire ce phénomène de mendicité, le ministère de la Solidarité, de la famille et du développement social avait mis en place, en 2007, une stratégie nationale de lutte contre la mendicité, et ce, dans le cadre de l’appui de l’INDH. Cette stratégie a été articulée autour de trois approches d’intervention à savoir, l’approche sociale qui vise les mendiants par nécessité, l’approche judiciaire qui vise la répression de la mendicité professionnelle, notamment dans les cas de la mendicité exploitant les enfants, les personnes en situation de handicap ou les personnes âgées et la sensibilisation et la communication qui vise à mobiliser l’ensemble des citoyens pour contribuer à la lutte contre ce fléau.

Dans le cadre de la mise en œuvre de cette stratégie, 9.000 cas ont été traités à Casablanca, 6.000 à Rabat et 1.200 à Fès, entre 2007 et 2011. Mais l’analyse de ces résultats avait montré à l’époque que la mise en œuvre de la stratégie avait souffert d’un certain nombre de contraintes liées essentiellement au manque de visibilité pour tous les intervenants concernés par ce fléau, le manque d’informations précises sur le nombre de mendiants et leurs situations socioéconomiques, l’inexistence de centres répandant aux exigences d’accueil et d’orientation des mendiants… Malheureusement, depuis l’avènement du nouveau gouvernement en fin 2011, cette stratégie a été mise au placard et aucun nouveau programme de lutte contre le phénomène de mendicité n’a vu le jour. Résultat : la mendicité au Maroc atteint des proportions alarmantes. 

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