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Qui sont les nouveaux leaders d’Afrique ?

Depuis 2014, le nouveau classement publié par l’assureur crédit Coface a révélé au grand jour une nouvelle catégorie de pays qui pourraient bien être les émergents de demain. Et parmi ceux qui devraient être, sauf catastrophe, aussi puissants que les BRICS figurent quatre pays africains : le Kenya, l’Éthiopie, la Zambie et la Tanzanie. Mais qui sont ces pays, quelles sont leurs forces et surtout quelles peuvent être les conséquences géopolitiques de leur nouveau statut ?

Qui sont les nouveaux  leaders d’Afrique ?

Le Kenya, la Tanzanie, l’Éthiopie et la Zambie sont les quatre nouveaux relais de croissance en Afrique. Selon la Coface, ces pays justifient d’une croissance potentielle élevée, d’une économie diversifiée et résiliente aux chocs de croissance. Ils ont également des capacités de financement suffisantes pour financer la croissance, un niveau d’épargne minimum notamment, sans risque de bulle de crédit. Ces pays, qui seront les nouveaux BRICS de demain, ont de nouveaux atouts tels que des taux d’inflation inférieurs de 2,8% à ces derniers et des taux d’endettement de 40% du PIB, contre 54% pour les BRICS en 2000. Mais ils ont également des faiblesses comme leurs niveaux de PIB (70% de celui des BRICS), ou encore leurs déficits de la balance courante (environ 6% du PIB), alors que les BRICS enregistraient des excédents.

Ces nouveaux pays africains qui en veulent

En tête de la liste, le Kenya semble le pays le plus prometteur au niveau africain. Avec 42 millions d’habitants, il peut en effet compter sur sa stabilité politique, économique et sociale, mais également sur des atouts solides. Il dispose en effet d’une économie diversifiée avec un accent sur le tourisme, l’agriculture, les nouvelles technologies et, bientôt peut-être, le pétrole ; d’un système bancaire innovant et adapté aux besoins locaux avec M-Pesa et Equity Bank. Par ailleurs, il accorde une grande importance à l’innovation et aux nouvelles technologies tout en effectuant de grands travaux d’infrastructures pour combler son retard.

Pour sa part, la Tanzanie compte depuis bientôt une bonne décennie comme un modèle régional en termes de gouvernance, de stabilité politique et sécuritaire, de progrès démocratique et de croissance économique. Et grâce à ses immenses ressources énergétiques, gazières et minérales, ce pays attire un grand nombre d’investisseurs chinois, américains et britanniques qui le considèrent comme un eldorado.

L’ambassadeur des États-Unis en Zambie, M. Storella, déclarait en 2012 que la «Zambie est réellement un pays exceptionnel en Afrique». En effet, ce pays qui vit, depuis une quinzaine d’années, une période de croissance soutenue, 6% annuels, a de quoi faire rêver. Il est stable depuis son indépendance en 1964, riche en terres arables et surtout en ressources minérales : le pays est un des grands producteurs de cuivre d’Afrique et a exporté 800.000 tonnes de ce minerai en 2011. Il peut également compter sur son secteur touristique à grand potentiel, avec notamment les chutes du lac Victoria et de nombreux parcs naturels reconnus. Notons pour finir que la Zambie a été très bien notée par le Fonds monétaire international en matière de stabilité macroéconomique et de gestion fiscale, et a été déclarée «pays à revenu moyen» par la Banque mondiale en 2011.

Longtemps assimilée aux images de guerre et de pauvreté, l’Éthiopie fait désormais peau neuve et entre dans le club des futurs émergents. Le pays connaît depuis une dizaine d’années un taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) qui tourne autour des 10%, l’un des plus élevés d’Afrique. Ces trois dernières années, ce taux est resté très stable, malgré la crise économique mondiale : 8% en 2010, 7,5% en 2011 et 7% l’année dernière, selon les estimations du CIA World Factbook. L’Éthiopie a de nombreux atouts tels que sa démographie, et donc sa population jeune, un bon niveau d’éducation et de bonnes infrastructures. Bien entendu, la puissance économique de ces pays ne va pas sans une certaine influence géopolitique.

Quel est le poids géopolitique des nouveaux émergents d’Afrique ?

Des quatre pays africains, c’est surtout le Kenya qui est devenu la grande puissance géopolitique. Nairobi est aujourd’hui considérée comme la vitrine de l’Afrique mondialisée et attire un nombre croissant d’investisseurs. Son influence géopolitique s’est récemment manifestée avec la création du «modèle du corridor du nord» avec le Rwanda et l’Ouganda. Toutefois, cette nouvelle puissance lui vaut également d’être la cible régulière des attaques terroristes liées aux shebabs, mais aussi à des groupes moins connus. L’on se rappelle par exemple l’attaque du centre commercial Westgate en 2013. De leur côté, la Zambie et la Tanzanie bénéficient d’un soutien indéfectible des États-Unis et jouent des rôles de plus en plus importants. Quant à l’Éthiopie, elle est depuis toujours un poids lourd de la scène politique africaine et accueille régulièrement les sommets continentaux. Toutefois, ces quatre puissances ne sont pas encore parvenues à peser dans les décisions internationales comme le font les BRICS.

Que retenir ?

En quelques décennies, ces quatre pays ont réussi à atteindre des niveaux de croissance soutenus et à se hisser au rang de relais de croissance internationaux. La Tanzanie, le Kenya, la Zambie et l’Éthiopie constituent un exemple pour tous les pays du continent. Certains travaillent constamment pour rivaliser avec eux, à l’instar du Maroc et de la Côte d’Ivoire, et pourront dans quelques années faire partie du club. Mais la situation de ces pays reste assez fragile, en raison notamment des risques d’instabilité politique, comme au Kenya, ou des risques d’économies rentières. Sur le plan géopolitique également, la concentration de l’ensemble de ces pays à l’est de l’Afrique peut faire craindre un manque de représentativité sur le plan international. 

Bouchra Rahmouni Benhida
Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse.
Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

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