Les deux hommes échangèrent un regard complice, se levèrent et se donnèrent l'accolade, puis ils montèrent sur leur mule et retournèrent dans le vieux Damas.
Au début de la troisième semaine de son séjour damascène, Abdel se leva le matin, assoiffé de connaître les dernières nouvelles. Le courrier ne lui avait apporté aucune réponse à sa lettre envoyée à son épouse deux semaines auparavant, dans laquelle il la rassurait sur sa condition et lui promettait de rentrer bientôt au Caire. Au plan militaire, il n'y avait rien de nouveau qui pût le conforter. Sa soif des nouvelles lui inspira une courte leçon qu'il improvisa devant ses étudiants sur l'information et le besoin que l'histoire et l'esprit en ont.
Et quand il les interrogea, tous les exemples qu'on lui donna reflétaient les inquiétudes croissantes des habitants devant la guerre d'usure qui se déroulait autour d'eux, les taxes arbitraires imposées aux commerçants et aux artisans et le trafic des permissions qu'achetaient chèrement les riches notables pour fuir vers l'Egypte, les Lieux saints ou d'autres destinations sûres. Les étudiants lui demandèrent son jugement sur ces informations, et il leur conseilla de ne rien conclure avant de les soumettre à un examen approprié, conformément à l'enseignement qu'il leur avait prodigué. Il clôtura la séance en montrant les avantages du témoignage direct et vivant dans le récit des événements temporels.
Avant midi, Abdel se rendit à la tente de la poste sur la place du Dôme Yulbughâ, à la recherche du courrier, mais il ne trouva rien à son nom. Il déambula dans les rues et les souks dévisageant discrètement les gens, qu'il trouva renfrognés et sombres. Des monticules de détritus s'élevaient dans les passages bien plus haut que les marchandises. Marchant seuls ou en groupes, les passants hurlaient des injures à l'encontre des fraudeurs et des accapareurs. Des bandes de jeunes arpentaient les ruelles en scandant : Seigneur ! Accorde la victoire à notre sultan.
Tandis qu'il observait tout autour de lui, deux hommes en habits de soufi l'interceptèrent. L'un d'eux l'interpella tandis que l'autre épiait les environs : « Il ne reste dans la ville que les malades et les miséreux. Tu es un homme de haut rang et un savant estimé. Contre deux mille dinars, nous te prenons chez Timûr qui aime les hommes de science et les riches, ou bien nous te faisons fuir vers un lieu sûr.» Abdel sentit que les deux faux mystiques étaient des espions ; il les fusilla du regard et poursuivit sa route vers la mosquée des Omeyyades au milieu d'une foule de passants et de mendiants.
Dans tous les coins de la mosquée, les gens récitaient des versets du Coran et imploraient la délivrance et la clémence du Très-Haut. Abdel participa à la récitation après avoir fait ses ablutions et prié, puis il se rendit à l'oratoire des Compagnons où la direction de la prière est dévolue aux Malékites, il y vit des personnes recueillies devant un cercueil. C'était celui du grand juge de Damas, Ali Châdhilî le malékite, qui avait été tué au cours d'un accrochage entre les Mamlouks et les Mongols.
Au début de la troisième semaine de son séjour damascène, Abdel se leva le matin, assoiffé de connaître les dernières nouvelles. Le courrier ne lui avait apporté aucune réponse à sa lettre envoyée à son épouse deux semaines auparavant, dans laquelle il la rassurait sur sa condition et lui promettait de rentrer bientôt au Caire. Au plan militaire, il n'y avait rien de nouveau qui pût le conforter. Sa soif des nouvelles lui inspira une courte leçon qu'il improvisa devant ses étudiants sur l'information et le besoin que l'histoire et l'esprit en ont.
Et quand il les interrogea, tous les exemples qu'on lui donna reflétaient les inquiétudes croissantes des habitants devant la guerre d'usure qui se déroulait autour d'eux, les taxes arbitraires imposées aux commerçants et aux artisans et le trafic des permissions qu'achetaient chèrement les riches notables pour fuir vers l'Egypte, les Lieux saints ou d'autres destinations sûres. Les étudiants lui demandèrent son jugement sur ces informations, et il leur conseilla de ne rien conclure avant de les soumettre à un examen approprié, conformément à l'enseignement qu'il leur avait prodigué. Il clôtura la séance en montrant les avantages du témoignage direct et vivant dans le récit des événements temporels.
Avant midi, Abdel se rendit à la tente de la poste sur la place du Dôme Yulbughâ, à la recherche du courrier, mais il ne trouva rien à son nom. Il déambula dans les rues et les souks dévisageant discrètement les gens, qu'il trouva renfrognés et sombres. Des monticules de détritus s'élevaient dans les passages bien plus haut que les marchandises. Marchant seuls ou en groupes, les passants hurlaient des injures à l'encontre des fraudeurs et des accapareurs. Des bandes de jeunes arpentaient les ruelles en scandant : Seigneur ! Accorde la victoire à notre sultan.
Tandis qu'il observait tout autour de lui, deux hommes en habits de soufi l'interceptèrent. L'un d'eux l'interpella tandis que l'autre épiait les environs : « Il ne reste dans la ville que les malades et les miséreux. Tu es un homme de haut rang et un savant estimé. Contre deux mille dinars, nous te prenons chez Timûr qui aime les hommes de science et les riches, ou bien nous te faisons fuir vers un lieu sûr.» Abdel sentit que les deux faux mystiques étaient des espions ; il les fusilla du regard et poursuivit sa route vers la mosquée des Omeyyades au milieu d'une foule de passants et de mendiants.
Dans tous les coins de la mosquée, les gens récitaient des versets du Coran et imploraient la délivrance et la clémence du Très-Haut. Abdel participa à la récitation après avoir fait ses ablutions et prié, puis il se rendit à l'oratoire des Compagnons où la direction de la prière est dévolue aux Malékites, il y vit des personnes recueillies devant un cercueil. C'était celui du grand juge de Damas, Ali Châdhilî le malékite, qui avait été tué au cours d'un accrochage entre les Mamlouks et les Mongols.
