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Le chemin sera trop long avant d'éradiquer ce fléau

Jeunes, parfois même mineurs, impulsifs, peu instruits et issus des milieux défavorisés. Voilà grosso modo à quoi ressemblent les jeunes casseurs qui s'acharnent tous les week-ends sur les sièges de nos stades pour les démolir.

Le chemin sera trop long avant d'éradiquer ce fléau
Au début, certains ont voulu nous faire croire que ces actes qui nous polluent la vue chaque fin de semaine sont circonscrits dans certaines régions. Seulement, la réalité prouve le contraire. Tous les stades du Maroc sont touchés. Cette violence ne se limite pas uniquement à saccager les sièges, mais s'exerce aussi sur les biens publics et particuliers.

Qui sont ces casseurs ? D'où viennent ? Sont-ils conscients de la gravité de leurs actes ? Autant de questions qui se posent avec acuité depuis que ce phénomène est apparu au Maroc. À chaque rendez-vous footballistique, c'est le même scénario, quel que soit le résultat. Des sièges cassés, des bus et des voitures saccagés. Ces «hooligans» ou plutôt ces casseurs sont en grande majorité des jeunes, parfois même des mineurs, sans histoires et inconnus des services de l'ordre. Ils n'ont pas encore intégré le statut des adultes, aux comportements empreints de retenue. La plupart d'entre eux ne réalisent pas la gravité de leurs actes. Les jeunes qui vont chaque week-end au stade n'y vont pas avec la ferme volonté de détruire les biens publics ni de perturber l'ordre, mais pour encourager leur équipe fétiche. Ce n'est qu'une fois au milieu de la foule que ces spectateurs se métamorphosent en voyous. Plus rien ne peut les arrêter, pas même les forces de l'ordre.
Bon nombre de sociologues contactés à ce sujet pensent qu'un jeune qui casse des sièges dans un stade ou les biens des particuliers exprime son ras-le-bol, le rejet de sa situation et extériorise ainsi la violence refoulée en lui. Ils expliquent que ces jeunes vivent sous l'effet de l'émotion et la moindre décision de l'arbitre ou le moindre comportement des supporters de l'équipe adverse déclenche des réactions violentes. Cette violence s'explique par le contexte d'anomie sociale qui favorise la déviance des comportements. Autrement dit, une absence de règles qui fait que ces individus ne savent plus comment orienter leurs conduites. La complexité du phénomène et l'enchevêtrement de plusieurs facteurs fait qu'il faut adopter une approche multidisciplinaire pour juguler les dérives.

Ceci dit, la méthode purement sécuritaire ne pourra, à elle seule, résoudre le problème. Il faut à la fois une approche psychologique, sociologique, urbaniste… pour essayer de comprendre le phénomène. En d'autres termes, il faut faire intervenir la science pour déceler les causes de cette délinquance avant qu'elle ne se développe et n'évolue en hooliganisme. Chez nous, on est loin d'avoir compris cela. La preuve en est le fameux projet de loi n°09-09 complétant les articles du Code pénal relatifs à la lutte contre la violence lors des manifestations sportives, adopté par la Chambre des représentants. Le maître mot de ce projet de loi a été la fermeté absolue contre tous les fauteurs de troubles. Les pouvoirs publics s'engagent dans une approche purement sécuritaire, qui s'est révélée au fil des années inefficace au Maroc comme dans d'autres pays, notamment ceux d'Europe, touchés depuis longtemps par ce fléau. Les multiples interpellations de casseurs et leurs condamnations n'ont pas suffi à enrayer le phénomène. La question qui se pose est celle de savoir si le durcissement des peines va changer quelque chose.*

Si l'on se réfère aux expériences des pays européens qui ont adopté une politique répressive (le cas de la France, par exemple), on serait tenté de répondre par la négative. Les politiques qui consistaient à déployer des dispositifs de sécurité massifs autour et à l'intérieur des stades et à condamner des casseurs n'ont rien résolu. Cela ne résoudra rien également dans les stades marocains. Au contraire, l'approche sécuritaire pourrait exciter encore plus certains supporters et engendrer un accroissement des actes de vandalisme, car ils voudront toujours se faire remarquer en cassant tout sur leur passage. Ce qui est quand même frappant, c'est qu'on met en avant la répression à l'encontre des casseurs, sans même avoir pris le temps d'identifier réellement les causes profondes et véritables de ce phénomène qui a commencé à la fin des années 1990 et au début des années 2000. En l'absence d'un véritable diagnostic, il serait impossible de juguler le problème et d'apporter de véritables remèdes.

La sensibilisation

Jusqu'à ce jour, il n'existe encore aucune politique de sensibilisation à ce fléau. Aucun des acteurs concernés par ce problème n'a encore réalisé l'importance de la communication. La FRMF, le ministère de la Jeunesse et des Sports semblent encore aux abonnés absents. À l'exception d'une rencontre tenue par Moncef Belkhayat avec certaines associations, mais depuis plus rien. Or le ministère devrait également jouer un rôle important dans la lutte contre la violence dans les stades, notamment en adoptant une politique plus résolument tournée vers les jeunes, en vue d'en faire de véritables acteurs dans la société et non pas des laissés pour compte. Le ministère peut aussi jouer un grand rôle dans leur sensibilisation, soit à travers les maisons des jeunes, soit par des campagnes à travers les médias. Il faudrait aussi établir un diagnostic du phénomène afin d'en identifier les causes. Les clubs ainsi que la fédération auraient également intérêt à agir. L'implication des clubs dans ce cadre pourrait se traduire par la promotion d'une culture de club qui prônerait la non-violence. Si on ne traite pas le fond du problème, si on continue à se limiter à l'approche sécuritaire, si on n'implique pas tous les acteurs, on ne pourra jamais aboutir à une véritable solution.
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