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«Notre vocation à Al Barid Bank, c’est un compte pour tous»

«Notre vocation à Al Barid Bank, c’est un compte pour tous»
Amin Benjelloun Touimi, directeur général de Barid Al Maghrib

Le Matin Eco : Pour lutter contre l’exclusion bancaire, certains pays ont institué le mécanisme du «droit au compte» qui permet la fourniture d’un certain nombre de services de base comme la possibilité d’effectuer des dépôts et des retraits d’espèces, l’encaissement de chèques et des virements, la possibilité d’effectuer des paiements par prélèvements… Ce mécanisme rejoint l’un des objectifs de la WSBI, «Un compte pour tous». Allons-nous dans cette direction ?
Amin Benjelloun Touimi : Le «droit au compte» est une notion très proche de l’inclusion financière qui préconise, comme le fait la WSBI, «Un compte pour tous» en ciblant en particulier des gens qui ont des revenus bas ou irréguliers et qui ne sont en général pas bancarisés. Quand le citoyen a accès au compte et à la finance, il a en main un outil de développement. Pour nous, à Barid Al Maghrib, notre démarche s’inspire d’abord de l’INDH (l’Initiative nationale pour le développement humain), qui milite notamment pour l’implication et l’intégration de tous les citoyens dans le circuit économique. Il faut aussi se rappeler que Kofi Annan, l’ancien Secrétaire général de l’ONU, a fait de l’inclusion financière un des enjeux du développement. Il avait défini dans l’un de ses discours les chantiers de l’inclusion financière comme «l’accès de tous les ménages et de toutes les entreprises à une large gamme de services financiers» en mettant l’accent sur la nécessité d’avoir «des institutions saines guidées par des systèmes de gestion interne adéquats, des normes de performance du secteur, un suivi des performances, une transparence institutionnelle, une recevabilité et une réglementation prudentielle». Dans ces processus, le rôle des banques est primordial. À Poste Maroc, et à travers sa filiale Al Barid Bank, notre vocation est «un compte pour tous». Notre banque a été créée pour augmenter la bancarisation au Maroc et faciliter l’inclusion financière à travers notre implémentation. Il faut savoir que les 2/3 de nos 1 800 points de contact se situent dans le milieu rural où il n’y a pas ou très peu d’agences classiques, lesquelles sont plutôt présentes dans les milieux urbain et
périurbain.

Promouvoir la bancarisation, c’est le mandat confié à Poste Maroc par les pouvoirs publics… Où en êtes-vous au niveau de ce mandat ? Et pourriez-vous faire le point sur les réalisations de la Banque postale ?
Al Barid Bank a été lancée officiellement en juin 2010. Sur 12 mois, on peut juger des résultats en termes d’ouvertures de compte, qui donne du sens à la notion d’inclusion financière. En 2011, notre filiale bancaire a ouvert 480 000 comptes auprès d’une clientèle à prédominance peu bancarisée, située en majorité dans le monde rural. Grâce au réseau de Poste Maroc, nous sommes aujourd’hui présents dans toutes les grandes communes rurales à travers le pays. Nous avons pu ainsi dépasser les objectifs assignés par notre Conseil d’administration et nous pouvons affirmer que notre mandat de promouvoir la bancarisation est honoré.

Le taux de bancarisation au Maroc reste cependant faible. Quel a été l’apport d’Al Barid Bank dans l’évolution de ce taux ?
Avant le lancement d’Al Barid Bank, le Maroc avait un taux de bancarisation de 34% en 2009. Le transfert des services financiers de Barid Al Maghrib vers sa filiale bancaire a changé significativement les données de bancarisation.
Le taux s’est automatiquement accru de 13%, passant à 47%. Aujourd’hui, on estime le taux de bancarisation à 52% au Maroc, Al Barid Bank ayant largement contribué à son augmentation. Il faut savoir que nous avons actuellement pour tout le Maroc plus de 15 millions de comptes.

Un taux qui, comparé à ce qui existe dans les pays développés, reste encore faible ?
Sans doute. Je voudrais néanmoins ouvrir une petite parenthèse. La manière dont est calculé le taux de bancarisation au Maroc est simple : on prend le nombre de comptes et on le compare au nombre d’habitants du pays. Dans un pays comme le Maroc, une partie importante de la population est très jeune et ne peut avoir accès à un compte. Un taux de 52% pour un pays d’Europe ou d’autres régions du monde, dont la moyenne de la population âgée serait plutôt élevée, serait effectivement faible. Au Maroc, on évalue qu’il reste un potentiel de quelque 5 millions de Marocains à bancariser. Ce n’est là qu’une estimation, qui paraît cohérente.

Vous avez évoqué les objectifs assignés par votre conseil d’administration. Quels sont-ils ?

L’un des objectifs était l’ouverture de 450 000 nouveaux comptes. Nous avons dépassé ce nombre en 2011. Sur l’année 2012, à fin avril, nous dépassons également l’objectif qui était assigné dans le business plan de notre banque. Al Barid Bank devait également offrir de nouveaux services pour la clientèle des particuliers. On s’est engagé à offrir une panoplie diversifiée de nouveaux produits et services. Nous l’avons fait. En ce qui concerne les produits d’épargne, au-delà du Carnet d’épargne national, nous offrons déjà les dépôts à terme, les bons de caisse, l’épargne éducation et nous sortirons bientôt des produits spécifiques, comme l’épargne logement. Sur le volet du crédit, nous avons sorti le découvert sous forme d’avance sur salaire. Comme les autres banques, nous pouvons offrir l’un des produits les plus attendus par notre clientèle, le crédit logement. En effet, depuis juillet 2011, Al Barid Bank commercialise le crédit immobilier.

Il reste, M. Benjelloun, que vous avez beaucoup d’outils pour l’épargne à court terme, mais pas assez pour l’épargne à long terme, qui est susceptible d’accompagner le développement économique du pays…
Nous travaillons sur des produits d’épargne à long terme. Nous avons quelque chose de prêt et attendons un décret pour lancer d’autres produits.

Quels produits ?
Avec la Caisse de dépôt et de gestion, entre autres, nous lançons un produit d’épargne logement, réservé à l’épargne à long terme, qui permettra d’offrir des taux bonifiés quand on reste sur des périodes significatives. On peut même donner la possibilité aux épargnants, sous certaines conditions, de faire des réservations de logement. C’est un produit innovant qui est prêt et qui pourra contribuer au développement de l’épargne logement, grâce à un taux bonifié, et donnera la possibilité de concrétiser l’achat à travers la réservation d’un logement avec notre partenaire, la CDG.
D’autre part, nous commercialisons déjà depuis quelques années des produits de bancassurance pour l’épargne et la retraite. Ce sont des produits qui marchent bien et qui sont appréciés par notre clientèle.

Le 23e congrès du WSBI a lieu les 10 et 11 mai à Marrakech et est organisé, en partenariat avec cet Institut mondial, par la Caisse de dépôt et de gestion, Poste Maroc et sa filiale Al Barid Bank. Ce congrès se réunit autour du thème «Le modèle des banques d’épargne et de détail au service de vos clients». Un mot sur ce modèle qui survit dans un environnement de crise et de dérive financière ?
Avec le recul, on voit que ces modèles de banques ont, en général, mieux résisté aux crises financières que d’autres, notamment les banques d’investissement, pour diverses raisons. Comme vous le savez, les institutions membres de l’IMCE sont, pour l’essentiel, des banques de dépôt.
En ce qui concerne les postes, elles ont toujours bénéficié d’une relation privilégiée de confiance de la part des citoyens. Elles ont aussi, en général, des actifs sains et une structure d’épargne atomisée. Cet effet de masse permet de réduire les risques.

Nous assistons aujourd’hui, gouvernance oblige, à un excès de réglementation et de normes avec Bâle I, II, III, Solvency, etc. Cela ne nuit-il pas à l’efficacité de la banque ?
À la suite de la crise financière, il y a eu effectivement beaucoup de projets de réglementation, notamment celui de Bâle III, qui prévoit, entre autres, le renforcement des fonds propres des banques, leurs liquidités et leur supervision. I
l serait utile de préciser que les conséquences de mise en place d’une telle réglementation ne se posent pas de la même manière selon telle ou telle région du monde.
En Europe, d’après les observateurs, les banques vont devoir mettre davantage de fonds propres que leurs consœurs américaines.

Qu’en est-il au Maroc ?
Je crois que cette question est à poser à notre Banque centrale. Bank Al Maghrib veille toujours au grain et fait évoluer les réglementations. Je rappelle que le Maroc a pu appliquer toute la réglementation de Bâle II dans des délais appréciables.

Une question revient souvent lorsque l’on parle des Caisses d’Epargne ou des Banques postales : comment concilier entre les intérêts des consommateurs et clients et la rentabilité de la Banque postale ?
Nous avons évoqué au début de cet entretien de l’inclusion financière qui peut nécessiter beaucoup de technologie. Un des exemples de réussite, c’est le mobile banking qui, dans certains pays, a connu une progression fulgurante. Chez Al Barid Bank, nous nous apprêtons, par exemple, à mettre en place un projet de mobile banking adapté au contexte marocain. Nous voulons offrir des services à des coûts raisonnables, les plus réduits possible, en tenant bien sûr compte de l’équilibre financier de la banque. Al Barid Bank n’est pas subventionnée ; c’est une entreprise autofinancée qui doit avoir des revenus suffisants pour se développer. Nous devons avoir un système d’information des plus efficients, des ressources humaines de qualité pour offrir à notre clientèle des produits et services intéressants et au juste prix. C’est ainsi que nous pourrons bâtir un modèle équilibré en profitant de l’apport des nouvelles technologies et des innovations qui nous permettront de baisser nos coûts et faire bénéficier notre clientèle de prix intéressants.

Le téléphone mobile est présenté comme un vecteur d’inclusion économique en Afrique subsaharienne, qui est aujourd’hui la région la plus sous-bancarisée du monde. Avec la croissance exponentielle du mobile, on estime qu’en 2015 le marché du mobile banking sur l’ensemble du continent d’Afrique devrait peser 22 milliards de dollars. Pourquoi ne fait-on pas le saut au Maroc ?
Nous avons comme exemple de réussite le Kenya où la densité du réseau bancaire était très faible. Au Maroc, les choses ne sont pas comparables. Nous avons un large réseau bancaire, comparativement à d’autres pays en développement, dans lesquels ces expériences ont été menées au départ. Nous réfléchissons à une offre complémentaire en mobile banking. Il y a une appétence pour l’utilisation de cet outil, mais nous n’avons pas droit à l’erreur.
Nous souhaitons offrir une solution qui réunisse toutes les conditions de réussite, qui soit simple et facile d’utilisation, qui puisse offrir des solutions financières à ceux qui ont un compte et à ceux qui n’en ont pas. On devrait pouvoir effectuer des opérations de règlement-paiement avec son mobile de partout, des zones proches, éloignées ou enclavées. Les solutions existent, mais le pari est de pouvoir passer à la généralisation de ces solutions avec succès.

Qu’en est-il du segment de clientèle que constituent les MRE ?
Nous sommes à Al Barid Bank complémentaires des autres banques. Aujourd’hui, il y a des acteurs majeurs bien représentés dans les pays de résidence des Marocains du monde qui ciblent cette clientèle. Nous ne sommes pas présents à l’étranger, mais nous nous positionnons comme étant la banque des familles des MRE. Nous sommes un grand acteur dans les transferts d’argent. Les MRE transfèrent une partie de leurs revenus à travers La Poste et ses partenaires. Leurs familles viennent toucher leur mandat. Nous en profitons pour leur présenter des offres de bancarisation adaptées.

La Banque postale finance-t-elle des PME ? Et quel mandat avez-vous pour les TPE ?
Nous n’avons pas, sur les court et moyen termes, d’objectifs sur les PME. Concernant les TPE, nous y sommes déjà par notre positionnement sur le marché, car nous avons déjà comme clients les artisans et les professions libérales moyennes. La TPE est donc dans nos objectifs, pour le microcrédit, nous sommes entrés en 2010 dans le capital d’un fonds de financement des institutions de microfinance (Jaïda) à hauteur de 10% aux côtés de la CDG, ce qui nous a donné un accès au marché. Nous avons préféré, dans une première étape, asseoir notre présence à travers ce fonds.

Le thème choisi cette année par le congrès du WSBI de Marrakech est «Le modèle des banques d’épargne et de détail au service de vos clients». Un premier ressenti sur ce thème ?
Barid Al Maghrib, à travers sa filiale, est membre du WSBI et, avec la CDG, nous avons pesé de tout notre poids pour que ce congrès se tienne au Maroc. C’est une fierté pour nous que de recevoir autant de membres de cette organisation, de tous les continents du monde, qui vont s’enquérir des réalisations du secteur financier et de notre expérience dans la création de la Banque postale, qui est une expérience réussie, et beaucoup de nos amis africains souhaiteraient capitaliser sur cette expérience. Nous sommes prêts à échanger sur le rôle des banques d’épargne dans le développement d’un marché bancaire plus responsable et pour une meilleure inclusion financière des populations.

Nous avions évoqué dans un précédent entretien le prix de la Fondation Bill Gates, remporté par Barid Al Maghrib. Qu’avez-vous fait du prix ?
Barid Al Maghrib avait postulé, dans le cadre du WSBI, pour son projet de lancement de filiale bancaire et d’accélération de l’inclusion financière. Nous avons été classés parmi les premiers, ce qui a valu à Barid Al Maghrib cette distinction. Depuis, nous n’avons pas perdu de temps, car ce prix, dont le montant était d’environ deux millions de dollars, nous a permis de financer, en partie, des projets d’études très intéressants. Nous travaillons, par exemple, concrètement, sur la mise en place du mobile banking.

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