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Un modèle d’entreprise au service de l’emploi

L’entrepreneuriat social. Voilà une nouvelle façon d’entreprendre qui allie efficacité sociale et avantages économiques. Ce nouveau concept, qui suscite l’intérêt des différents acteurs, apporte des réponses clés aux défis mondiaux telles la production de valeur ajoutée et la création de richesses à travers l’innovation.

Un modèle d’entreprise au service de l’emploi
La rencontre est marquée par la présence d’éminentes personnalités.

Dans un contexte économique mondial fragile, les problèmes qui guettent les gouvernements sont multiples. En effet, les défis les plus urgents à relever sont la crise persistante de l’emploi, le chômage qui reste à un niveau élevé. Sans oublier les nombreux enjeux du système éducatif qui souffre d’un certain manque d’orientation. Il est évident qu’une telle situation a des effets néfastes qui affectent d’une par les ménages demeurant inactifs et d’autre part l’économie mondiale dans son ensemble. Afin d’améliorer la situation, il serait nécessaire de trouver des solutions innovatrices et innovantes, à même d’absorber les effets qui en résultent. Surmonter les risques, signalés ci-dessus, et relancer la croissance économique mondiale nécessitent de la part des États ainsi que la société civile des efforts de concentration et de concertation. D’ailleurs, beaucoup d’entre eux ont fait de l’entrepreneuriat un modèle économique qui peut aider à sortir de l’impasse. Par ailleurs, il est important de signaler que le terme entrepreneuriat recouvre plusieurs significations. Les formes les plus connues et les plus courantes sont : l’entrepreneuriat formel englobant les activités autorisées par les pouvoirs publics, l’Entrepreneuriat communautaire caractérisé par un groupe de personnes qui expriment le même besoin de se lancer dans un seul projet, l’Entrepreneuriat féminin exclusivement dédié aux femmes, l’Entrepreneuriat privé et celui public, l’entrepreneuriat familial… Sans omettre de mentionner l’entrepreneuriat social qui incarne les différentes entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire faisant l’objet de notre thème d’aujourd’hui.

Qu’est-ce qu’une entreprise sociale ?

Suivant les définitions adoptées par la plupart des acteurs qui opèrent dans le domaine, «L’entrepreneuriat social consiste à créer une activité économique viable pour répondre aux besoins sociaux et environnementaux». Son objectif est d’apporter une solution à des problèmes sociétaux entre autres la pauvreté et le chômage.
Ces dirigeants sont pour la plupart animés par un esprit d’innovation et de créativité. Au Maroc, devant les nombreux défis à relever, ce concept arrive à se frayer un chemin. En témoigne l’intérêt grandissant que le gouvernement manifeste à cette catégorie d’entreprises. Beaucoup d’études ont démontré l’efficacité de cette approche gagnante, car elle maintiendrait la croissance économique, renforcerait l’emploi, réduirait la pauvreté et plus important encore, résorberait le taux alarmant de chômage. La dernière en date est celle effectuée par British Council en collaboration avec la Banque mondiale et le Centre d’innovation et de recherche marocain. «Les entreprises sociales doivent avoir un dessein social clair. Pour beaucoup, une entreprise sociale est considérée comme un outil de changement.
La majorité des participants ont relevé l’importance des communautés, en tant que bénéficiaires, mais aussi en évoquant la manière dont elles interagissent avec les entreprises sociales», selon les initiateurs du rapport.

Forum international de l’entreprise sociale : état d’avancement

Cette rencontre, marquée par la présence d’éminentes personnalités politiques et du monde de l’entreprise en général, et de l’entreprise sociale en particulier, a été organisée dernièrement à Casablanca par le British Council en collaboration avec la Banque Mondiale. Mettre en lumière l’entreprise sociale au Maroc et permettre aux décideurs et entrepreneurs sociaux d’échanger avec leurs confrères internationaux, tel est l’objectif arrêté par le Forum international de l’Entreprise Sociale. Contacté par «le Matin Emploi», Roland Singer-Kingsmith, chef de projet au British Council, Maroc, a souligné que «L’événement a deux objectifs.
Le premier est de rassembler des décideurs de haut rang au Maroc pour discuter des politiques et des actions visant à soutenir le développement d’un écosystème durable de l’entreprise sociale au Maroc en stimulant des débats avec des architectes internationaux en politiques d’entreprises et gouvernementales, des experts et des praticiens. Le second est de créer une plate-forme d’échanges pour les entrepreneurs sociaux en devenir afin de s’assembler, de resauter et de collaborer».
Cette rencontre était aussi l’occasion d’échanger des points de vue sur l’entrepreneuriat social tout en présentant l’expérience de la Thaïlande en la matière.
À noter que le gouvernement marocain a été représenté à ce forum par les ministres de l’Artisanat, de l’économie sociale et solidaire et celui de l’Industrie, du Commerce, de l’investissement et de l’économie numérique qui ont exprimé l’entière disposition de leur département à soutenir de telles initiatives en faveur de la croissance.
Parallèlement à cette rencontre, un rapport commissionné par le British Council et rédigé par Social Enterprise UK en partenariat avec le Centre marocain de l’innovation et de l’entreprise sociale a été présenté évaluant ainsi l’état d’avancement de l’entreprise sociale au Maroc. La présente étude tombe à point nommé pour dresser le bilan de l’entreprise sociale, afin que les acteurs concernés puissent évaluer les progrès réalisés et tracer le chemin qui reste à parcourir.

Recommandations

Appelées à jouer un rôle de moteur de la croissance, les entreprises sociales marocaines continuent, néanmoins, à se heurter à de nombreuses contraintes, qui freinent leur développement. Manque de support technique adéquat, manque de financement, absence de culture de l’esprit entrepreneurial… Les freins à l’innovation sont légion…
En tant que projet de société, la culture entrepreneuriale se doit d’être diffusée dans tous les milieux, à commencer par les milieux familiaux et éducatifs (enseignement). Il faut que les pouvoirs publics créent des opportunités de développement de cet esprit chez les
jeunes gens.
Cette culture de l’innovation et de l’entreprise doit être encouragée dès le départ. De même, le soutien à ce type de projet doit être fourni sous la forme d’incubateurs. Il n’en demeure pas moins que «devenir entrepreneur» n’est pas une chose innée, mais plutôt acquise. 


Déclaration de Fatema Marouane, ministre de l’Économie sociale et solidaire en marge du Forum

«C’est un grand plaisir et un honneur pour moi de participer à cette première édition du Forum international de l’entreprise sociale. Je remercie les organisateurs pour le choix de cette thématique qui n’est pas fortuit. Certainement, ce type de structure va enrichir le secteur de l’économie sociale et solidaire au Maroc. Je profite de l’occasion pour féliciter les organisateurs ainsi que le Centre marocain de l’innovation et de l’entreprise sociale qui ont mené une étude autour de la question. Notre pays a fait du développement de ce secteur un challenge et de sa promotion une vision consensuelle.
Convaincu du large potentiel que détient ce secteur, le gouvernement marocain s’est engagé à soutenir l’économie sociale et solidaire, à améliorer son cadre institutionnel et juridique, à valoriser les produits des structures de l’économie solidaire et à développer, dans ce sens, des programmes riches et des partenariats fructueux. Il a confié au ministère de l’Artisanat, de l’économie sociale et solidaire, la prérogative de le promouvoir en renforçant l’action publique en la matière, et ce, pour l’émergence d’une économie sociale et solidaire performante et structurée. Même si cette forme d’entreprise joue un rôle efficace pour la résorption du chômage, la lutte contre la pauvreté, entre autres, l’étude, qui a été menée, a démontré qu’il existe tout de même des failles à combler. Cela est important dans la mesure où ce rapport servira de base de travail pour l’avenir. Je tiens également à réaffirmer mon vœu d’approfondir et de consolider nos liens de coopération et d’échange pour l’émancipation de ce secteur.»


Interview avec Roland Singer-Kingsmith, chef de projet au British Council, Maroc

«La sensibilisation à l’entreprise sociale s’avère plus que nécessaire»

Le Matin Emploi : Comment qualifier une entreprise sociale ?
Roland Singer-Kingsmith : Les définitions sont multiples. Au Royaume-Uni, la définition la plus commune est celle d’«entreprise motivée par sa mission sociale qui réinvestit l’essentiel de ses bénéfices dans l’entreprise afin de maximiser davantage son impact social». On pourrait aller plus loin et dire qu’une véritable entreprise sociale devrait ne pas avoir d’actionnaires, ce qui empêcherait la distribution des bénéfices en dehors de la communauté dans laquelle elle œuvre. Les entreprises sociales tendent à exercer dans des domaines tels que la prestation de services d’intérêt général, la santé, le logement, l’éducation ou l’environnement. Elles visent aussi à apporter des solutions novatrices aux problèmes sociaux. Je citerais le Groupe SOS comme bon exemple d’entreprise sociale. Il s’agit d’une fédération d’organisations qui lutte contre l’exclusion sociale par le renforcement d’organisations qui apportent des services sociaux à la jeunesse, œuvrent pour une protection par l’emploi et la solidarité, traitent des problèmes de santé et apportent de l’aide aux personnes âgées. Tous les profits générés par la fédération sont réinvestis dans l’amélioration de la qualité des services fournis.

Quel est l’apport de l’entrepreneuriat social en termes de création d’emploi et de résorption de chômage ?
Les entreprises sociales ont un pouvoir de croissance énorme. Au Maroc, le marché du travail est encore mince, mais a un grand potentiel, et particulièrement vu que de plus en plus d’organisations non gouvernementales deviennent des modèles d’entreprises durables. L’expérience du Royaume-Uni montre que, durant la crise économique, les entreprises sociales sont en réalité plus robustes et résilientes que les PME traditionnelles. Par exemple, en 2013, une année très difficile pour les affaires, 38% des entreprises sociales britanniques ont remarqué une croissance en chiffre d’affaires en comparaison avec 29% des PME. Elles ont prouvé être beaucoup plus innovantes et 56% des entreprises sociales ont développé de nouveaux produits et services en 2013, en comparaison avec juste 43% des PME traditionnelles. De plus, les entreprises sociales sont plus aptes à recruter les femmes et les minorités ethniques comme directeurs. 28% en comparaison avec 11%. Ce qui explique que ces entreprises répondent parfaitement au problème du chômage en créant des emplois pour une large partie de la démographie. En tout, il y a près de 70 000 entreprises sociales au Royaume-Uni qui emploie près d’un million de personnes.

Quid de l’état d’avancement de l’entreprise sociale au Maroc ?
Le British Council a mandaté la rédaction d’un rapport pour répondre à cette question précisément. Les conclusions de ce rapport sont présentées au Forum ! En deux mots notre rapport montre qu’il existe un certain nombre de défis opérationnels et systémiques auxquels sont confrontées les entreprises sociales marocaines. Sur le plan opérationnel, l’assistance technique fait cruellement défaut alors que la demande en formation de gestion par exemple permettrait aux entreprises sociales de rivaliser avec leurs concurrents purement commerciaux.
De plus, l’accès au financement est denrée rare – les besoins le plus souvent avancés sont l’accès à des fonds de démarrage et le financement de soutien technique. La grande question du cadre juridique protégeant et promouvant les entreprises sociales, par opposition aux ONG d’une part et aux entreprises d’autre part, s’impose aussi. Dans l’ensemble toutefois, le rapport montre qu’il est trop tôt pour légiférer compte tenu de la nouveauté relative du concept et du petit nombre d’exemples opérationnels. Sur le plan systémique, nous avons constaté qu’il est indispensable d’enseigner très tôt une culture du risque entrepreneurial chez les jeunes. La sensibilisation à l’entreprise sociale en tant que concept et outil pour parvenir à un impact social s’avère plus que nécessaire.

Quel avenir pour ces entités au Maroc ?
Avec la bonne formation, le soutien et l’accès au financement, l’avenir des entreprises sociales marocaines est très prometteur. Nous avons constaté que le mouvement de l’entreprise sociale au Maroc est naissant et mené par un groupe de jeunes dynamiques, motivés
et éduqués. Lorsqu’on leur demande quelle a été la première fois que vous avez entendu le terme «entreprise sociale», la réponse qui revient le plus est «au cours des quatre dernières années» et souvent à l’université ou à un événement professionnel.
Nous observons que les personnes qui s’identifient comme étant entrepreneurs sociaux ont un diplôme universitaire ou ont eu une expérience internationale soit en travaillant ou en étudiant à l’étranger. Nous avons également remarqué qu’il y a une grande demande à devenir une entreprise sociale au Maroc ; un tiers des personnes interviewées s’identifient comme étant des entreprises sociales et un autre tiers déclare qu’il est en pleine transition pour devenir une entreprise sociale. Il est intéressant de voir que ces défenseurs insistent sur le côté business plutôt que sur le côté social. Un participant déclare qu’«une entreprise sociale est d’abord un modèle de business qui vise un «problème social». Un autre participant ajoute «les entreprises sociales sont des business. Elles doivent suivre le monde des affaires, être innovantes et compétitives. Le rapport montre également qu’il y a un nombre important de défis que le secteur de l’entreprise sociale rencontre tels qu’un manque d’accès à une assistance technique (formation, mentoring, etc.) et un manque de financement. Par ailleurs, la plus grande barrière que rencontre la croissance de l’entreprise sociale au Maroc est le manque de sensibilisation, promotion et communication avec le public sur les concepts et avantages de l’entreprise sociale. 35% des participants ont répondu que ceci constituait le plus grand obstacle. 


Témoignage : Lamiaa Bounahmidi, fondatrice de «Looly’s» 

 «À travers notre entreprise, nous essayons de faire du couscous marocain un ingrédient de choix pour les consommateurs américains et valoriser le potentiel des femmes marocaines qui ont un grand savoir-faire dans ce domaine, mais qui n’en tirent aucun profit jusqu’à aujourd’hui. De même, notre but est d’aller de l’avant en se positionnant dans un secteur où le Maroc a le potentiel d’être leader. Côté obstacles, je pense que les principales difficultés auxquelles l’entreprise sociale est confrontée sont : le manque crucial de formation en la matière, une incertitude réelle quant à la définition du concept ainsi que l’absence de sensibilisation…. Les entreprises sociales, au même titre que les autres entreprises jouent des rôles multiples et importants, elles génèrent des profits, apportent de la valeur ajoutée… et créent de l’emploi… Et on ne peut pas y arriver sans pouvoir les financer et pour les financer il faut être innovants, créer de la valeur et être compétitifs. Toute initiative visant à développer le Social Business en omettant ces paramètres ne mènera nulle part». 

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