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Prévoir la possibilité de changer le lieu de travail

Le lieu de travail est en principe un élément essentiel du contrat de travail. Son changement constitue une modification de ce contrat que l’employeur ne peut imposer unilatéralement au salarié. Pour éviter tout conflit, chaque fois qu’une mutation est envisageable, l’employeur a intérêt à y introduire une clause dite de mobilité géographique.

Prévoir la possibilité de changer le lieu de travail

En ratifiant une telle clause, le salarié accepte expressément et par avance une nouvelle affectation géographique. En cas de son manquement à cette obligation, des sanctions
disciplinaires (avertissement, mise à pied, licenciement...)
peuvent éventuellement être appliquées à son encontre. Quelles sont alors les conditions à respecter pour que cette clause soit valable ? Quelles sont les conséquences du refus de son application ? Et comment la jurisprudence marocaine encadre-t-elle la clause de mobilité intégrée dans les contrats de travail ?


Le Matin Emploi : La clause de mobilité peut-elle être exigée au cours de la signature du contrat ?  
Mohamed Oulkhouir : La clause de mobilité ne peut être « exigée » ou « imposée » par l’employeur puisqu’elle suppose l’accord réciproque des parties. En revanche, elle peut être présentée à la signature du salarié que ce soit lors de la conclusion du contrat de travail ou par voie d’avenant au cours de l’exécution de la relation de travail. Le salarié est naturellement libre de l’accepter ou de la refuser.  Il est donc possible de prévoir la faculté pour l’employeur d’imposer au salarié de changer de lieu de travail au moyen de l’insertion au contrat de travail d’une clause de mobilité géographique. La clause de mobilité géographique est donc  la clause qui permet à l’employeur d’organiser la mutation d’un salarié sans avoir besoin de recueillir son accord lors de la mise en œuvre de celle-ci.  

Une fois la clause de mobilité signée, quels sont les droits et les obligations des parties contractantes ? Et quels en sont les effets ?
Une fois la clause de mobilité signée, les droits et obligations en résultant ont force de loi entre les parties contractantes comme le précise l’article 21 alinéa 1 du Code du travail : «Le salarié est soumis à l’autorité de l’employeur dans le cadre des dispositions législatives ou réglementaires, du contrat de travail, de la convention collective du travail ou du règlement intérieur». L’employeur aura alors le droit de procéder à tout moment à la mutation du salarié dans un autre établissement sans que ce dernier ne puisse s’y opposer. À défaut, son refus pourrait être qualifié d’insubordination et caractériser une faute professionnelle grave. Il convient toutefois de préciser que les salariés protégés (délégués des salariés, représentant syndical, etc.) bénéficient d’un régime spécial de protection et ont donc toujours la faculté de refuser la mobilité géographique.

Dans quelles conditions la clause est-elle valide ? Est-elle soumise à des règles strictes ?
La jurisprudence porte essentiellement sur l’existence même de la clause de mobilité géographique. Au Maroc, la mutation du salarié n’est encadrée que par deux conditions principales, à savoir l’acceptation par le salarié de la clause de la mobilité telle qu’elle figure dans le contrat de travail (ou dans un avenant, la convention collective ou le règlement intérieur) et la prise en charge des frais afférents à cette mutation. Le seul véritable écueil à éviter pour l’employeur est celui de l’abus de droit. De là il suit que, l’employeur qui a décidé de mettre en œuvre une clause de mobilité contenue dans un contrat de travail ou un avenant, n’a même pas à formuler le motif pour lequel il a pris sa décision. En un mot, la mise en œuvre de la clause de mobilité relève du pouvoir discrétionnaire de l’employeur. En cette matière comme en toute autre, la liberté des parties trouve sa limite dans la théorie de l’abus de droit. Ainsi, serait irrégulière la mise en œuvre d’une clause de mobilité effectuée dans l’intention de nuire au salarié. Mais, c’est au salarié qui se prétend victime de l’abus d’apporter la preuve de la faute commise par l’employeur. Enfin, il ne nous semble pas qu’une telle clause puisse être insérée dans tout contrat de travail sans tenir compte par exemple de la qualification du salarié.

Quelles sont les conséquences du refus de son application ?
Le refus du salarié de rejoindre son affectation en application d’une clause de mobilité constitue une faute que l’employeur est en droit de sanctionner par application des dispositions de l’article 37 du Code du travail ou même celles de l’article 39 dudit code. Une faute grave pourrait en effet être retenue à l’encontre du salarié, signataire d’une clause de mobilité, qui refuserait de rejoindre sa nouvelle affectation.

Comment la jurisprudence encadre-t-elle la clause de mobilité intégrée dans les contrats de travail ?
La validité juridique de la clause de mobilité en tant que telle n’est pas particulièrement questionnée par les magistrats dont le raisonnement est généralement le suivant :  
En présence d’une clause de mobilité géographique, le salarié est tenu de se soumettre et de rejoindre sa nouvelle affectation : « Les clauses du contrat obligent les parties. Lorsqu’elle est stipulée dans le contrat de travail, la possibilité de changer le lieu de travail du salarié et de l’affecter à l’une des filiales de la société sur le territoire marocain est opposable au salarié. Le salarié qui refuse de rejoindre son nouveau poste commet une faute grave ». (Cour de cassation Rabat arrêt n° 1 du 7 janvier 2003 et Cour d’appel de Casablanca arrêt n° 4704 du 28 avril 2004). En l’absence d’une clause de mobilité géographique, il n’y a pas de mutation possible sans l’accord du salarié qui peut alors, sans commettre aucune faute, refuser de rejoindre sa nouvelle affectation : « La mutation du salarié dans une autre ville sans que cette mutation ne lui soit bénéfique, ni prévue au contrat du travail, est considérée comme un abus de la part de l’employeur. Le refus du salarié d’intégrer son nouveau poste de travail n’est pas constitutif de faute grave justifiant son licenciement.» (Cour de cassation Rabat arrêt n° 2208 du 24 septembre 1990).

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