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Accueil next Une onzième génération pour raviver la légende

Levier de performance managériale

Toute organisation est tenue de faire circuler toute sorte d’information auprès de ses collaborateurs, en effet, la notion de communication interne renvoie à ce partage d’information. Toutefois, il est indispensable de rappeler qu’au delà de son objectif informatif, il s’agit d’un instrument du management dont l’objet est de traduire la culture de l’organisation afin de créer une dynamique collective. Quels sont les objectifs visés par ce type de communication ? Comment la communication interne peut-elle accompagner les changements organisationnels ? Et quel est l’apport de l’école des RH ? Eclairage avec Nicolas Kaciaf, codirecteur du master «Politiques de communication» à l’Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines.

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Le Matin Emploi : Pourriez-vous nous donner une définition approfondie de ce qu’est la communication interne ? Quelle est sa place dans l’organigramme ?
Nicolas Kaciaf : Les services de communication interne sont les héritiers d’une spécialité assez ancienne, l’information interne, historiquement chargée de rédiger les journaux d’entreprises et d’animer les panneaux d’affichage. Mais depuis les années 1980, en France notamment, la communication interne s’est fortement développée, en réponse à de nouveaux enjeux managériaux.
D’après l’Association française de communication interne (AFCI, créée en 1989), les responsables de communication interne doivent satisfaire quatre rôles : écouter et comprendre le «corps social» de l’organisation ; conseiller le management (notamment en période de crise) ; élaborer et faire circuler l’information ; développer la dynamique collective en travaillant sur la culture interne et les représentations des salariés. Cette diversité de mission explique que les services de communication interne naviguent, selon les entreprises, entre trois rattachements : les Directions de la communication, les Directions des ressources humaines et la Direction générale.

Quels sont les objectifs visés par les organisations à travers ce type de communication ?
Lorsqu’on interroge les responsables de communication interne sur leurs missions, ils identifient généralement sept objectifs : créer des passerelles entre les différentes branches de l’organisation, élaborer et faire circuler les messages (notamment ceux de la direction), développer le sentiment d’appartenance, apprendre aux managers (et notamment aux managers intermédiaires) à communiquer, donner du sens aux activités de chacun, mettre en valeur les salariés, mobiliser les salariés. De ce point de vue, la communication interne doit répondre à des enjeux communicationnels «classiques» (informer, lier, construire des représentations et des identifications, etc.), elle utilise les mêmes outils que les autres branches de la communication (journaux, outils numériques, événements, etc.), mais sa finalité est clairement managériale. La communication interne doit en effet contribuer à rendre l’organisation plus «performante» en favorisant l’intégration des parties dans le tout, en jouant sur l’engagement de chacun, en améliorant la coordination des activités, en accompagnant les changements.

Quels sont, d’après vous les étapes ainsi que les facteurs clés de succès de la communication interne pour l’entreprise ?
Cela dépend évidemment du type d’organisation, de son secteur d’activité, de sa morphologie et des ressources affectées à la communication interne. Il n’y a donc jamais de recettes « miracles » qui seraient transposables d’une entreprise à l’autre. La vitesse à laquelle les modes managériaux se renouvellent montre bien à quel point il serait naïf de croire dans des dispositifs efficaces partout.
Néanmoins, la sociologie des organisations nous livre quelques pistes pour minimiser les échecs. Par exemple la mise en place de procédures participatives vise à permettre aux salariés d’être eux-mêmes à l’initiative de changements bénéfiques pour l’organisation. Or, trop souvent, ces procédures sont présentées comme de simples cadeaux et les dirigeants considèrent qu’on ne peut en faire des espaces de critique. Le problème d’une telle approche, c’est que les salariés finissent généralement par ne plus participer car ils ne peuvent faire avancer leurs propres objectifs, ont le sentiment de ne pas recevoir de gratifications en contrepartie du coût de la participation et réalisent que de tels outils ne servent finalement à rien… De la même manière, si les entreprises veulent se servir du levier de la culture ou de l’identité pour mobiliser les salariés autour de valeurs communes, elles ne peuvent imposer ces valeurs par le haut, du jour au lendemain, en espérant que ces valeurs s’imposeront tout naturellement auprès des salariés. De ce point de vue, les communicants internes ne doivent pas seulement relayer les messages de la direction vers les équipes. Ils doivent aussi disposer d’outils d’écoute, d’observation, de compréhension des salariés, de leurs attentes et de ce qui les pousse à agir et à s’impliquer davantage. C’est un même mécanisme que l’on observe lors de la mise en place d’intranets qui se veulent plus collaboratifs et interactifs et qui souvent sont délaissés par les salariés ! Tant que les organisations n’auront pas compris qu’avant d’implanter un outil, il faut d’abord connaître le terrain et la manière dont les salariés s’approprient les outils, les dépenses engagées auront été perdues.

Comment la communication interne peut-elle accompagner les changements organisationnels ? et Pourquoi ?
La communication interne est de plus en plus utilisée dans sa dimension d’accompagnement du changement, ce qui paraît logique tant les entreprises et les administrations sont soumises depuis au moins deux décennies à d’intenses métamorphoses liées au renforcement de la concurrence internationale, à la financiarisation des activités économiques, au développement des nouvelles technologies, ainsi qu’à des bouleversements sociaux qui modifient le profil des salariés et de leurs attentes.
Les organisations se veulent désormais plus souples, plus réactives, débureaucratisées, etc. Or il ne suffit pas de décréter un changement pour qu’il se mette en œuvre (la force ou la menace sont efficaces un temps mais, dans un contexte où les organisations ont besoin d’un investissement cérébral intense de la part de leurs salariés, elles montrent vite leurs limites). Au contraire, un changement doit se mettre en place à travers la constitution d’un réseau d’acteurs qui, malgré leurs concurrences, leurs rivalités, leurs oppositions, pourront trouver un intérêt commun au changement et converger vers celui-ci. Plus un changement recueille de soutiens, plus il pourra s’imposer de lui-même auprès des réticents et n’apparaîtra pas seulement comme mis en œuvre au profit des intérêts particuliers des dirigeants et/ou des actionnaires.

Quels sont les apports de l’école des RH à la communication interne ?
L’école des Relations Humaines désigne un ensemble de travaux sociopsychologiques, américains notamment, qui ont cherché à dépasser les écueils du taylorisme en montrant l’importance des facteurs relationnels, affectifs, psychologiques dans les espaces de travail. La reconnaissance, l’estime de soi, la nature du leadership, l’identité, la culture, la solidarité dans un groupe : autant d’enjeux que les approches focalisées sur les problèmes techniques (la bonne décomposition des tâches) ou financiers (la réduction des coûts) avaient mis de côté. Face aux conflits, à l’absentéisme, à la démotivation, etc., les dirigeants d’entreprise ont été amenés à incorporer des méthodes managériales qui placent la coopération entre l’organisation et les salariés au centre du jeu. C’est ce qui explique l’envol de la communication interne, en France, dans les années 1980.

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