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Psychologie des Hauts Potentiels

« Génies », « surdoués », « prodiges » ou « hauts potentiels », les appellations se multiplient, l’induction est la même. En entreprise, ce sont ces employés, souvent, choyés qui commencent petits et graduent les échelons avec justesse pour atteindre le sommet de la hiérarchie, en un temps record. Ils enchaînent les prouesses et deviennent de plus en plus exigeants.

Psychologie des Hauts Potentiels
Brahim Kerzazi

Certes, ils ont l’usufruit d’un quotient intellectuel élevé, mais leur quotient émotionnel ne l’est pas pour autant, malgré leur hyper-réceptivité émotionnelle. Ce qui peut, au sein de l’entreprise, engendrer des malentendus, des conflits, voire des démotivations, qui s’exhalent de leur hypersensibilité. Comment donc instaurer une homogénéité entre le QI et le QE des HP pour fidéliser habilement leur productivité ? Voici l’aperçu du psychologue et les recommandations du coach pour mener à bien leur plan de carrière au sein de l’entreprise.


RH News : Une personnalité à Haut Potentiel, cela vous dit quelque chose ?
Un Haut Potentiel est un profil ou plutôt une personnalité dotée d’un potentiel d’évolution rapide, un QI au moins supérieur à la moyenne, une ambition prononcée et des capacités d’adaptation et de compétitivité pour les postes à responsabilité. Et ce, avec une confiance inébranlable et une persévérance à toute épreuve.

RH News : Pourriez-vous nous éclaircir sur le profil psychologique des HP ?
En dehors des prédispositions intellectuelles comme la curiosité et l’intégration rapide des données, l’autonomie est certainement la qualité psychologique de base qui cimente, notamment la confiance en soi, l’automotivation, l’ambition et la détermination, dans le sens de buts utilitaires et transformationnels qui incarnent la distinction, l’assurance et l’ascendance des leaders. Il faut, néanmoins, rappeler le revers de la médaille en termes d’égocentrisme, d’inconstance, de manipulation et d’impulsivité, parfois. A moins d’humilité, de recul et de lucidité, leur profil s’approcherait inéluctablement de la personnalité narcissique de la psychanalyse et du promoteur de la process communication.

RH News : Les HP sont des profils possédant un QI très élevé. Comment peut-on les aider à développer leur QE d’un point de vue psychologique ?
S’ils bénéficient de fortes capacités intellectuelles en général, leur intelligence, dite émotionnelle, n’est pas toujours du même niveau, voire même sous dimensionnée en comparaison avec leur intelligence cognitive. Animés par une forte volonté de progresser et de se distinguer, ils s’engagent avec résolution et détermination, sans une certaine tendance à l’indépendance qui ne laisse pas beaucoup de place à l’empathie et à la réceptivité. Formation ciblée et accompagnement de type coaching sont fortement indiqués pour optimiser leur management d'équipe.

RH News : Selon vous, psychologue de travail et conseiller en recrutement, quel est l’impact du recrutement des HP sur l’évolution de l’entreprise en interne et en externe ?
Le recrutement en interne est en soi une promotion, une valorisation du capital humain de l’entreprise et  un message fort pour la reconnaissance et la rétribution des ressources humaines. Toutefois, en parlant des ces personnalités à haut potentiel ou talents, on verse, nécessairement, dans la gestion individualisée des RH. Ce qui n’est pas sans impact sur l’homogénéité et la crédibilité de la FRH. Mais le recrutement externe est en évolution inéluctable dans un monde marqué par le changement accéléré. Quand on se place dans la perspective de la performance continue et l’avantage concurrentiel durable, la recherche et la chasse des hauts potentiels avec ses conséquences connues sous le nom de guerre des talents et risques de surenchère sont inévitables.

RH News : Comment s’y prendre pour motiver ses employés HP ?
La motivation intrinsèque des HP est fortement développée pour leur permettre de s’investir et s’engager de manière autonome, mais leurs attentes se focalisent plus particulièrement, en dehors bien évidemment d’une rémunération conséquente, sur la promotion et l’ascension verticale pour des postes à responsabilités élargies, où la prise de décision est stratégique.  

RH News : Comment peut-on créer une harmonie entre le management des HP et celui des employés ordinaires?
L’harmonisation passe par quatre pratiques concomitantes, car visant des segments différents, de promotion et de valorisation du capital humain de l’entreprise, à savoir une revue cyclique du potentiel humain pour détecter les potentiels dormants ou négligés, dits réserves, la reconnaissance des performances par des ressources appelées piliers, mais non identifiées comme des hauts potentiels explicites de par leurs formations prestigieuses,  la valorisation hauts potentiels non-leaders dits experts et la formation continue pour assurer et entretenir l’employabilité de tous les autres.  


RH News : Quelles peuvent être les motivations d’un HP ? Autrement dit, qu’est-ce qui stimule la qualité de travail d’un HP ?
Le HP est animé par un penchant résolu et compétitif qui fait de son milieu de travail un champ d’affirmation de soi et d’autoréalisation avant toute autre considération relevant de la culture, des valeurs,  de l’appartenance ou de la loyauté. Non seulement la fin de salariat de confiance est en cause dans ce qui est connu sous le nom du « divorce entreprise cadre », mais le segment des HP est positionné comme le levier de la valeur ajoutée et du fameux avantage concurrentiel, par excellence.
Le travail ne semble pas une corvée en soi, surtout quand on croise temps du travail et niveau de performance. Dans ce cadre, le travail se conçoit comme le meilleur des tremplins et lieux d’émulation de confirmation et d’ascension pour les HP

RH News : Quelle est la nature de la relation qui lie les HP à l’entreprise ? Comment s’identifient-ils à l’entreprise ?
L’entreprise s’avère, in fine, comme un ascenseur promotionnel et social d’où les attentes et exigences élevées des HP. Souvent, ils instaurent un deal, promesse de performance évolutive contre carrière accélérée, voire fulgurante au sein de l’entreprise.  
Ainsi, un HP qui est considéré comme ayant de grandes capacités de travail, d’apprentissage et d’adaptation pour relever les défis qu’on lui assigne, se caractérise aussi par de grandes capacités d’évolution d’où la perception du  travail comme un vecteur d’accomplissement et de distinction pour un positionnement élitiste.
Malgré le rééquilibrage de la « life balance » au détriment d’une implication totale de la part de la génération actuelle et surtout montante, les HP se démarquent par la volonté irrépressible  et l’ambition insatiable de progresser et d’évoluer le plus rapidement possible et d’appartenir à l’élite entre N et N-3.

RH News : On a tendance à voir beaucoup plus de hauts potentiels de sexe masculin que féminin. A votre avis, cela est dû à quoi ?
C’est plus un héritage subtil de la division du travail séculaire entre hommes et femmes qu’une  discrimination. En effet,  la différenciation homme-femme sur le plan du potentiel tout comme celle de l’intelligence, d’ailleurs, s’est « naturalisée », mais elle est en fait surdéterminée par des facteurs historiques et socioéconomiques qui entretiennent des blocages d’ordre perceptuel, culturel et catégoriel et alimentent les préjugés qui comme on le sait ont la vie dure, mais ils arrangent tellement les hommes et les femmes aussi.
Le potentiel comme l’intelligence n’ont pas de sexe au-delà de quelques compétences spécifiques innées qui ont probablement plus d’impact sur l’orientation que sur le niveau de performance. Dans une économie de plus en plus tertiaire qui valorise le travail multitâches, les femmes semblent inverser la tendance au niveau visibilité, mais n’ont que le souci ou le défi du meilleur « life balance »,  vie privée, vie professionnelle, comme autolimitation prédominante.   

RH News : Les HP deviennent plus repérables à l’âge de la maturité professionnelle,  notamment de 30 à 45 ans. En tant que psychologue, que ressortez-vous de cette donnée ?
Je pense que les HP sont repérés beaucoup plus tôt, notamment ceux issus d’écoles prestigieuses où le ticket d’entrée suffit à lui seul pour leur procurer ce marquage heureux et prometteur d’être les ressources rares susceptibles d’assurer la valeur ajoutée qui fonde l’avantage concurrentiel.
Ayant cette prophétie autoréalisatrice en leur faveur, certains feront le meilleur usage du tapis rouge pour confirmer rapidement en raison d’un meilleur équilibre entre QI et QE. Les autres attendront plus tard pour atteindre la maturité optimale de leur QE et se faire repérer ou s’imposer comme HP. Il s’avère en fait que la personnalité est le meilleur gage pour s’assumer sur le long terme comme HP au vu des défis qui sollicitent plus la dimension émotionnelle de notre intelligence que la partie cognitive.

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